Mondes en collision

Le Livre événement du plus grand visionnaire du XXe siècle. Est-il exact que la terre a été bouleversée par des cataclysmes sans précédent ? Pourquoi les livres bouddhiques parlent-ils d'une année à 360 jours ? Pourquoi les scientifiques enregistrent-ils des inversions de polarité dans les rochers ? Pourquoi les océans se sont-ils massivement déplacés et les jungles transformées en déserts ? Comment explique-t-on la présence de mammouths en Sibérie - instantanément gelés alors qu'ils étaient en train de mâcher tranquillement - sachant que leur examen prouve qu'ils vivaient dans un climat tempéré ? Et pourquoi ont-ils tous été décimés d'un seul coup ? D'où viennent les palmiers retrouvés au pôle Nord ? Depuis quand le 13 porte-t-il malheur ? Comment expliquer que le papyrus égyptien Ipuwer ainsi que les textes aztèques, chinois et mayas confirment le texte de la Bible des dix plaies d'Egypte ? Et pourquoi ce livre est-il le plus combattu et censuré de tous les temps ? Dans ce livre, le plus controversé de l'histoire de l'édition moderne, le Dr Velikovsky, répond de manière si révolutionnaire qu'on en ressort avec un choc intellectuel. Cette édition 2003 contient la biographie de Velikovsky reconnu maintenant comme l'un des plus grands génies du XXe siècle, l'histoire du livre, des documents, la liste de ses découvertes incroyables - confirmées depuis par les sondes spatiales - et bien sûr "Mondes en collision ". Si vous ne connaissez pas encore ce livre, alors attendez-vous à le lire d'une seule traite !!! Ce livre est probablement le plus censuré et le plus controversé de l'histoire de l'édition moderne. Cette édition 2003 contient la biographie de Velikovsky, l'histoire du livre, des documents, des listes, une liste de ses découvertes incroyables (confirmées depuis par les sondes spatiales), et bien-sûr le texte intégral des 'Mondes en collision' lui-même, avec les sources sous forme de plus de 1000 notes en bas de page. Est-il exact que la Terre a été bouleversée par des cataclysmes sans précédent ? Comment explique-t-on la présence de mammouth en Sibérie alors que leur examen prouve qu'ils vivaient dans un climat tempéré ? Et pourquoi ont-ils tous été décimés d'un seul coup ? D'où viennent les palmiers retrouvés dans les pôles ? Pourquoi 2000 ans avant J-C, les astronomes ne dessinaient-ils jamais la planète Vénus? Comment expliquer le mythe grec de la « Naissance de Vénus » si merveilleusement illustré par Botticelli ? Pourquoi les romains disaient-ils qu'Athéna est née de Jupiter pour aller se battre avec Mars ? Pourquoi les océans se sont-ils massivement déplacés et les jungles transformées en désert ? Comment expliquer que le papyrus égyptien Ipuwer, en plus des textes aztèques, chinois et mayas, confirment ce que la Bible présente sous forme des dix plaies d'Egypte ? Pourquoi les scientifiques enregistrent-ils des inversions de polarité dans les rochers anciens ? Et pourquoi cet ouvrage est-il le plus combattu de tous les temps ? Cette édition 2003 contient la biographie de Velikovsky, l'histoire du livre, des documents, des listes, une liste de ses découvertes incroyables (confirmées depuis par les sondes spatiales), et bien-sûr le Mondes en collision lui-même, avec les sources sous forme de plus de 1000 notes bas de page. Ce livre est probablement le plus censuré et le plus controversé de l'histoire de l'édition moderne. Cette édition 2003 contient la biographie de Velikovsky, l'histoire du livre, des documents, des listes, une liste de ses découvertes incroyables (confirmées depuis par les sondes spatiales), et bien-sûr le texte intégral des 'Mondes en collision' lui-même, avec les sources sous forme de plus de 1000 notes en bas de page. Est-il exact que la Terre a été bouleversée par des cataclysmes sans précédent ? Comment explique-t-on la présence de mammouth en Sibérie alors que leur examen prouve qu'ils vivaient dans un climat tempéré ? Et pourquoi ont-ils tous été décimés d'un seul coup ? D'où viennent les palmiers retrouvés dans les pôles ? Pourquoi 2000 ans avant J-C, les astronomes ne dessinaient-ils jamais la planète Vénus? Comment expliquer le mythe grec de la « Naissance de Vénus » si merveilleusement illustré par Botticelli ? Pourquoi les romains disaient-ils qu'Athéna est née de Jupiter pour aller se battre avec Mars ? Pourquoi les océans se sont-ils massivement déplacés et les jungles transformées en désert ? Comment expliquer que le papyrus égyptien Ipuwer, en plus des textes aztèques, chinois et mayas, confirment ce que la Bible présente sous forme des dix plaies d'Egypte ? Pourquoi les scientifiques enregistrent-ils des inversions de polarité dans les rochers anciens ? Et pourquoi cet ouvrage est-il le plus combattu de tous les temps ? Cette édition 2003 contient la biographie de Velikovsky, l'histoire du livre, des documents, des listes, une liste de ses découvertes incroyables (confirmées depuis par les sondes spatiales), et bien-sûr le Mondes en collision lui-même, avec les sources sous forme de plus de 1000 notes bas de page. On ne va pas se mentir, c'est une lecture ardue. On ne lit pas Velikovsky en regardant la télévision ou en écoutant la radio. C'est un ouvrage qui demande de la concentration. Décrié par les uns, encensé par les autres (notamment Albert Einstein, excusez du peu), cet essai n'est pas neutre. Spécialiste de l'inconscient collectif, Immanuel Velikovsky s'interroge sur les points communs résidant dans les mythes et légendes des différentes civilisations de notre planète. Il va à la recherche des documents oubliés, des théories écartées par la pensée dominante, les recoupe, les confronte... et arrive à une conclusion stupéfiante, qui nous dépeint un monde antique incroyable pour notre époque moderne. Le déluge ne serait qu'un épiphénomène comparé à la grande catastrophe à laquelle nous avons échappé. L'auteur a été insulté, traité plus bas que terre par la communauté scientifique, avant d'être reconnu par la NASA comme le premier à avoir compris ce qu'était Vénus. Pour répondre à ses détracteurs, le Dr Velikovsky a écrit "Les grands bouleversements terrestres". On attend toujours qu'ils produisent à leur tour un contre-essai pour prouver qu'il a tort... L'auteur exprime ici sa reconnaissance pour les autorisations qui lui ont été accordées de faire des citations des ouvrages suivants : G. A. Dorsey, The Pawnee.- Mythology, Carnegie Institution of Washington, 1906 ; Maimonides:The Guide for the Perplexed, translated M. Friedlander. E. P. Dutton, Inc., 1928 ; Clements R Markham, The Incas of Peru, E.P. Dutton, Inc., 1910 ; Shakuntala and other writings of Kalidasa, transl. A. W. Ryder, Everyman's Library, E. P. Dutton, Inc., 1912 ; James Moffatt, The Bible: A New Translation, copyright, 1935, Harper & Brothers ; The Loeb Classical Library, Harvard University Press : Homer, The Iliad, transl. A. T. Murray, 1925 ; Hesiod, Theogony, transl. H. Evelyn-White, 1914 ; Euripides, Electra, transl. A. S. Way, 1919 ; Plato, Timaeus, Transl. R.C.Bury, 1929, and The Statesman (Politicus), transl.H. N. Fowler, 1925 ; Appolodorus, The Library, transl. J. B. Frazer, 1921 ; Seneca, Thyestes, transl. F. J. Miller, 1917 ; Virgil, Georgics transl. H. R. Fairclough, 1920 ; Ovid, Metamorphoses transl. F. L. Miller, 1916 ; Philo, The Eternity of the World, transl.F. H. Colson, 1941 ; Plutarch, Life of Numa, transl.B. Perrin, 1914 ; Louis Ginzberg, The Legends of the Jews, copyright, 1910, 1928, The Jewish Publication Society of America ; L. de Cambrey, Lapland Legends, Yale University Press, 1926 ; The Philosophy of Spinoza, ed. J. Ratner, copyright, 1927, Modern Library, Random House, Inc. ; R. A. Daly, Our Mobil Earth, copyright, 1926, Charles Scribner's Sons ; Evelyn Stefansson Here is Alaska, copyright, 1943, Charles Scribner's Sons ; J. F. Fleming, Terrestrial Magnetism and Electricity, McGraw-Hill Book Company, New York, 1939. 1 Mondes en collision 1 Avertissement des Éditeurs Toutes les grandes théories scientifiques ont eu leurs pionniers avant que de connaître leurs colonisateurs, leurs patients législateurs, puis leurs révolutionnaires : Spallanzani est venu avant Pasteur, Fermat avant Descartes et Mendel a devancé Morgan. L'ouvrage du Dr Immanuel Velilcovsky que nous vous présentons aujourd'hui vous apportera à la fois le témoignage d'une aventure spirituelle encore enivrée de ses propres découvertes et le récit de prodigieux événements tout traversés de cataclysme terrestres et co;miques. Mondes en collision n'est pas seulement un livre étonnant par les faits qu'il relate, mais c'est aussi l'oeuvre d'un tlléori cien sincère qui étaye chacune de ses assertions par une documentation considérable puisée aux sources les plus authentiques. Nous ne nous dissimulons cependant pas l'accueil très réservé que cette thèse rencontrera, tant auprès des milieux scientifiques que des esprits aveuglés par trop d'orthodoxie. C'est pourquoi il nous a paru indispensable de préciser les motifs auxquels nous avons obéi en publiant cette traduction. Les hypothèses avancées par le Dr Velikovsky n'engagent naturellement personne, ni nous mêmes, mais nous estimons que l'essentiel de sa thèse ne saurait être rejeté en alléguant justement, le caractère conjectural de certaines théories secondaires que l'on y rencontrera. Mondes en collision ouvre magistralement la voie à tout un ensemble d'analyses et de travaux dont la diversité et la complexité ne sauraient plus être assumées par un seul homme, si érudit soit-il. Cette théorie qui semblera fantastique à beaucoup est l'oeuvre d'un pionnier et, à ce titre, elle nous paraît digne de la plus sérieuse attention. C'est fort de cette conviction que nous avons renoncé à demander au Dr Velikovsky d'opérer certaines coupures dans son ouvrage pour le i amever à ses articulations principales. Cette mesure eût sans doute évité quelques sursauts explosifs au monde savant mais nous risquions aussi de porter gravement atteinte au souci d'universalité qui se manifeste au long de cette oeuvre où toutes les disciplines, de l'astronomie à l'archéologie, de la géologie à l'histoire, sont appelées tour à tour à fournir leurs preu\@es. Une si vaste entreprise est à la mesure de ses audaces. Pour la commodité de la lecture nous avons rejeté en fin d'ouvrage l'ensemble de l'appareil critique et des références. 2 Préface Ce livre a pour sujet les guerres qui bouleversèrent la sphère céleste dans les temps historiques, et auxquelles notre planète participa. Il ne décrit que deux actes d'un grand drame : le premier se déroula il y a trente-quatre à trente-cinq siècles, au milieu du deuxième millénaire avant notre ère ; le second au cours du VIIIe et au début du VIIe siècle avant J. C., il y a quelque vingt-six siècles. Cet ouvrage comporte donc deux parties, précédées d'un prologue. Le principe de l'harmonie et de la stabilité des sphères céleste et terrestre est le fondement même de notre conception présente de l'Univers, qui trouve ses expressions essentielles dans la Mécanique céleste de Newton et dans la théorie darwinienne de l'évolution. Si ces deux savants sont sacro-saints, ce livre est une hérésie. Et pourtant la physique moderne, avec sa théorie de l'atome et des quanta, constate des bouleversements dramatiques dans le microcosme - l'atome - prototype de notre système solaire ; une théorie qui envisage la possibilité de phénomènes semblables dans le macrocosme - le système solaire - ne fait qu'appliquer à la sphère céleste les concepts de la physique moderne. Ce livre s'adresse au savant comme au profane; j'entends que nulle formule, nul hiéroglyphe ne barrera la route à qui en entreprendra la lecture. S'il arrive que des témoignages historiques ne cadrent pas avec certaines lois déjà formulées, il importera de se rappeler que la loi n'est que la consécration de l'expérience et de l'expérimentation, et qu'en conséquence les lois doivent se plier aux faits historiques, non les faits aux lois. Je n'exige pas du lecteur qu'il accepte une théorie les yeux fermés :je l'invite au contraire à se demander en toute sincérité s'il s'agit là d'un livre de fiction pure ou bien d'une oeuvre solide, fermement étayée par des faits historiques; je le prie de me faire crédit sur un seul point, au reste secondaire pour la théorie des cataclysmes cosmiques : j ai utilisé un tableau synchronique de l'histoire d'Égypte et d'Israël qui n'est pas orthodoxe. Au printemps 1940 il m'est brusquement venu à l'idée que quelque gigantesque cataclysme avait eu lieu au temps de l'Exode : de- nombreux textes des Écritures en apportaient l'éclatant témoignage. Dès lors, cet événement pouvait servir à déterminer la date de l'Exode d'Israël dans l'histoire de l'Égypte, ou à établir le tableau synchronique de l'histoire des deux peuples. C'est ainsi que j'entrepris « Ages in chaos », qui est la reconstruction de l'histoire du monde antique depuis le milieu du second millénaire avant notre ère jusqu'à Alexandre le Grand. Dès l'automne 1940, j'eus l'impression d'avoir saisi la vraie nature de cette gigantesque catastrophe; pendant neuf ans je menai de front deux tâches, en écrivant de conserve l'histoire politique et l'histoire naturelle de cette époque. « Ages in chaos » fut achevé le premier; il ne sera cependant publié qu'après « Mondes en collision ». Dans ce dernier livre j'étudie les deux ultimes actes d'un grand drame cosmique; certains actes antérieurs, tel le Déluge, feront l'objet d'un autre volume. Le récit à la fois cosmologique et historique que contient le présent ouvrage s'appuie sur les témoignages des textes de l'histoire du monde entier, sur la littérature classique, les épopées nordiques, les livres sacrés des peuples d'Orient et d'Occident, les traditions et le folklore des tribus primitives, sur de vieilles inscriptions et d'antiques cartes astronomiques, sur les découvertes archéologiques, géologiques et paléontologiques. Mais si des bouleversements cosmiques se sont produits dans le passé historique, pourquoi la race humaine n'en a-t-elle pas conservé le souvenir? Pourquoi n'en retrouve -t-on la trace 3 qu'au prix de recherches obstinées ? Le chapitre « l'amnésie collective » éclairera ce problème. Mon travail ressemblait assez à celui du psychanalyste qui, à partir de souvenirs et de rêves discontinus, reconstruit une expérience traumatique oubliée, qui imprima une trace profonde sur l'enfance d'un individu. En appliquant la même méthode à l'histoire de l'humanité, on se rend compte que les inscriptions ou les thèmes des légendes jouent un rôle comparable à celui des souvenirs et des rêves dans l'analyse d'une personnalité. Est-il possible, à partir de ces données polymorphes, d'établir des faits certains? Nous comparerons, nous opposerons sans trêve un peuple à l'autre, les récits épiques aux cartes astronomiques, et la géologie aux légendes, jusqu'à obtenir enfin des faits authentiques. Dans quelques cas il est impossible d'affirmer avec certitude qu'un document ou une tradition se rapporte à telle ou telle de ces catastrophes qui se produisirent au cours des âges; il est même probable que certaines traditions ne sont qu'une synthèse d'éléments appartenant à des âges différents. Dans l'analyse finale il n'est cependant pas capital de discriminer les éléments de chaque catastrophe individuelle. Il paraît autrement plus important, nous semble-t-il, d'établir : 1° que certains bouleversements physiques ont véritablement existé, qui affectèrent le globe entier aux époques historiques; 2° qu'ils furent provoqués par des agents extraterrestres; 3° que l'identification de ces agents est possible. Ces conclusions entraînent de multiples conséquences. Qu'il me soit permis d'en réserver l'examen pour l'épilogue de ce livre. Quelques personnes ont lu le manuscrit de mon livre et m'ont présenté des suggestions et des remarques pleines d'intérêt. Ce sont, dans l'ordre chronologique de leur lecture : Dr Horace M. Kallen, ancien doyen de la Graduate Faculty of the New School for Social Research, New York ; John J. O'Neill, rédacteur scientifique du New York Herald Tribune ; James Putnam, co éditeur de la Macmillan Company ; Clifton Fadiman, critique et commentateur littéraire ; Gordon A. Atwater, directeur du Hayden Planetarium à l'American Museum of Natural History, New-York. Ces deux dernières personnalités ont spontanément demandé à lire cet ouvrage, après que Mr. O'Neill en eut fait la critique dans le Herald Tribune du 11 août 1946. Je leur exprime ici ma reconnaissance, mais la responsabilité des idées et du texte incombe à moi seul. Miss Marion Kuhn a bien voulu revoir le manuscrit et m'a aidé dans la correction des épreuves. Il est courant qu'un auteur dédie un de ses ouvrages à sa femme, ou mentionne son nom dans la préface. J'ai toujours considéré que cet usage comportait une certaine part d'ostentation; mais il m'apparaît, à l'heure où ce livre va voir le jour, qu'il serait d'une rare ingratitude de ne point signaler que ma femme Elishevay a consacré presque autant de temps que moi-même. Je lui dédie ce livre. Au cours des années où je composais mes deux livres, une catastrophe mondiale, celle-ci provoquée par l'homme faisait rage : les hommes s'entre-tuaient sur la terre, sur les mers et dans l'air. C'est pendant cette guerre que l'homme a découvert le moyen de dissocier quelques-uns des éléments constitutifs de l'univers - les atomes de l'uranium. Si un jour il parvenait à résoudre le problème de la fission et de la fusion des atomes dont la croûte terrestre, son eau et son atmosphère se composent, il se pourrait qu'il déclenchât fortuitement des réactions en chaîne telles, que notre planète perdrait toute chance de survie et se verrait définitivement éliminée des membres de la sphère céleste. Immanuel Velikovsky. 4 Prologue « Quota pars operis tanti nobis committitur » SENEQUE 5 Chapitre 1 Dans un immense univers Dans un immense univers, un petit globe, la terre, tourne autour d'une étoile. Il occupe la troisième place, après Mercure et Vénus, dans la famille planétaire. Il est constitué par un noyau solide, tandis que la majeure partie de sa surface est recouverte de liquide, et il possède une enveloppe gazeuse. Des créatures vivantes peuplent le liquide. D'autres volent dans le gaz, et d'autres encore rampent ou marchent sur le sol, au fond de la couche gazeuse. L'homme, vertical, se croit le roi de la création. Il en était persuadé bien avant qu'au prix de ses efforts il fût parvenu à voler autour du globe sur des ailes de métal. Il se croyait dieu, avant d'être capable de parler à ses frères de l'autre côté de la terre. Aujourd'hui il découvre le microcosme dans une goutte d'eau, et les éléments dans les étoiles. Il connaît les lois de la cellule vivante avec ses chromosomes, et celles qui régissent le macrocosme du soleil, de la lune, des planètes et des étoiles. Il est convaincu que la gravitation garantit la cohérence du système planétaire, maintient l'homme et la bête sur leur planète, et les océans à leur place. Depuis des millions et des millions d'années, soutient-il, les planètes et leurs satellites suivent les mêmes trajectoires et l'homme, au cours de ces millénaires, a gravi tous les degrés successifs qui, de l'infusoire monocellulaire primitif, le haussèrent jusqu'à son rang d'Homo Sapiens. La connaissance de l'homme approche-t-elle aujourd'hui de la perfection? Quelques pas de, plus suffiront-ils à parachever la conquête de l'univers : extraire l'énergie de l'atome (depuis que ces pages ont été écrites, c'est chose faite), guérir le cancer, contrôler la génétique, communiquer avec d'autres planètes, savoir si elles aussi sont habitées par des êtres vivants. Ici commence l'Homo Ignorans. L'homme ignore ce qu'est la vie; il ignore quelle en fut l'origine et si elle a pris naissance dans la matière inorganique. Il ne sait si la vie existe sur d'autres planètes de notre soleil, ou sur celles d'autres soleils et, dans l'affirmative, si les formes de vie y sont identiques à celles que nous connaissons sur notre terre, y compris l'homme. Il ne sait pas comment notre système solaire fut créé quoiqu'il ait, là-dessus, imaginé certaines hypothèses. Il sait seulement que le système solaire s'est formé il y a des billions d'années. Il ignore ce qu'est cette mystérieuse force, la gravitation, qui le maintient à la verticale, pieds au sol, tout comme ses frères qui habitent à l'opposé de la planète; et pourtant il considère ce phénomène comme la « loi des lois ». Il ignore tout de l'aspect du sol à huit kilomètres de profondeur. Il ne sait comment les montagnes se sont formées, ni comment les continents ont surgi des mers, bien qu'il risque là-dessus de nouvelles hypothèses; il ne sait pas, non plus, d'où est venu le pétrole : nulle certitude, rien que des hypothèses. Il ne sait pourquoi, il n'y a pas tellement longtemps, une épaisse couche de glace recouvrait la majeure partie de l'Europe et de l'Amérique du Nord (et c'est cependant une certitude); la présence de palmiers à l'intérieur du cercle polaire le déconcerte, et il est incapable d'expliquer par quel phénomène la même faune se trouve emplir les lacs intérieurs du vieux monde et ceux du nouveau monde. Il ignore aussi bien d'où vient le sel des mers. Bien que l'homme sache qu'il vit sur cette planète depuis des millions d'années, les premiers éléments de son histoire ne remontent qu'à quelques millénaires. Et encore ces quelques milliers d'années sont-ils très insuffisamment connus. 6 Pourquoi l'âge de bronze précède-t-il l'âge de fer, alors que le fer est plus répandu de par le monde, et que la fabrication en est autrement simple que celle de l'alliage du cuivre et de l'étain ? Par quels moyens mécaniques les hommes érigèrent-ils des édifices énormes sur les hautes montagnes des Andes? Comment se fait-il que la légende du Déluge ait pris naissance dans tous les pays de la terre ? Quel est le sens véritable du mot « antédiluvien »? Quels faits ont inspiré les images eschatologiques de la fin du monde? L’œuvre que j'entreprends, dont ce livre ne constitue que la première partie, apportera des répons à quelques-unes de ces questions : mais ces réponses entraîneront nécessairement l'abandon de certaines notions scientifiques aujourd'hui considérées comme sacro-saintes, celle, par exemple, de la révolution harmonieuse de la terre, et celle qui attribue des millions d'années à la constitution présente du système solaire : la théorie de l'évolution elle-même, en conséquence, se trouvera remise en question. L'harmonie céleste Le soleil se lève à l'Est et se couche à l'Ouest. Le jour a une durée de vingt-quatre heures, l'année de 365 jours, 5 heures et 49 minutes. La lune tourne autour de la terre; elle présente des phases et est successivement croissante, pleine, décroissante. L'axe de la terre est dirigé vers l'étoile polaire. Après l'hiver vient le printemps, puis l'été et l'automne - ce sont des faits d'observation courante. Mais sont-ce des lois invariables ? En sera-t-il de même pour l'éternité ? En a-t-il toujours été ainsi ? Le soleil a neuf planètes. Mercure n'a pas de satellites. Vénus non plus. La terre a une lune. Mars a deux petits satellites, simples fragments de rochers, et l'un d'eux accomplit son mois avant que Mars n'ait achevé son jour. Jupiter a onze satellites, et compte onze espèces différentes de mois. Saturne a neuf satellites, Uranus cinq 1, Neptune un, Pluton n'en a aucun 2. En a-t-il toujours été ainsi ? en sera-t-il éternellement ainsi ? Le soleil accomplit sa rotation en direction de l'Est. Toutes les planètes gravitent autour du soleil dans le même sens (sens inverse de celui des aiguilles d'une montre pour l'observateur tourné vers le Nord). La plupart de leurs satellites circulent dans le sens inverse des aiguilles d'une montre (sens direct) mais quelques-uns dans le sens contraire (sens rétrograde). Aucune orbite n'est un cercle parfait. Il n'y a aucune régularité dans l'excentricité des orbites planétaires. Chaque ellipse s'incline dans une direction différente. On ne sait pas avec certitude, mais on pense que Mercure présente toujours la même face au soleil, comme la lune à la terre. Les renseignements recueillis sur Vénus par différentes méthodes d'observation sont contradictoires. On ne sait si Vénus, tourne sur elle-même si lentement que son jour est égal à son année, ou si rapidement que la partie dans l'ombre ne se refroidit jamais suffisamment. La durée de la rotation de Mars est de 24 heures 37 minutes 22,6 secondes, durée moyenne comparable au jour terrestre. Jupiter dont le volume est treize cents fois celui de la terre a une brève durée de rotation : 9 heures 50 minutes. D'où proviennent ces variations? Ce n'est point une loi absolue qu'une planète tourne sur elle-même ou qu'elle ait des jours et des nuits; encore moins que son jour et sa nuit se reproduisent nécessairement toutes les 24 heures. Si Pluton tourne sur lui-même d'Est en Ouest 3, il voit le soleil se lever à l'Ouest. Uranus ne connait ni le soleil levant ni le soleil couchant, pas plus à l'Est qu'à l'Ouest. Ainsi ce n'est point -.me règle qu'une planète du système solaire accornplisse sa rotation d'Est en Ouest, ni que le soleil se lève à l'Est. L'équateur de la terre est incliné sur le plan de l'écliptique selon un angle de 23°27'. Ceci produit le changement des saisons, au cours de la révolution annuelle autour du soleil. Les 7 axes des autres planètes présentent des directions si variées, qu'ils semblent être l'effet d'un choix délibéré. Ce n'est pas une règle commune à toutes les planètes que l'hiver succède à l'automne, et l'été au printemps. L'axe d'Uranus est situé presque dans le plan de son orbite. Pendant vingt ans environ, une de ses régions polaires est le lieu le plus chaud de la planète. Puis la nuit tombe peu à peu et vingt années plus tard l'autre pôle entre dans les tropiques pour une durée égale 4. La lune ne possède pas d'atmosphère. On ignore s'il en est de même pour Mercure. Vénus est couverte de nuages épais, mais non de vapeur d'eau. Mars a une atmosphère transparente, mais presque sans oxygène ni vapeur d'eau, et sa composition nous demeure inconnue. Jupiter et Saturne ont des couches gazeuses. On ne sait pas s'ils possèdent des noyaux solides. Ce n'est pas une règle absolue qu'une planète ait une atmosphère ou de l'eau. Le volume de Mars est 0,I5 fois celui de la terre. La planète voisine, Jupiter, est environ 8750 fois plus grande que Mars. Il n'y a aucune constante, et aucun rapport entre la dimension des planètes et leur position dans le système. On aperçoit sur Mars des « canaux » et des calottes polaires; sur la lune il y a des cratères et sur la terre des océans. Vénus a des nuages brillants. Jupiter présente des bandes et une tache rouge; Saturne des anneaux. L'harmonie céleste est composée de corps différents par leurs dimensions, différents par leurs formes, par leur vitesse de rotation, avec des axes de rotation orientés différemment, avec des sens de rotation différents, avec des atmosphères de nature différente, ou sans atmosphère; avec un nombre variable de satellites, ou sans satellites, et avec des satellites qui gravitent dans les deux sens. C'est donc l'effet du hasard, semble-t-il, que la terre possède un satellite, un jour et une nuit, et que la somme de leur durée soit égale à 24 heures; que nous ayons une succession de saisons, des océans, de l'eau, une atmosphère et de l'oxygène; et probablement aussi que notre planète soit placée entre Vénus à notre gauche, et Mars à notre droite. L'origine du système planétaire Toutes les théories sur l'origine du système planétaire et sur la force qui maintient ses éléments en mouvement remontent à la théorie de la gravitation et à la Mécanique Céleste de Newton. Le soleil attire les planètes et, sans l'influence d'une seconde force, elles se précipiteraient vers lui. Mais chaque planète est contrainte en raison de sa vitesse acquise de s'écarter du soleil, et en conséquence une orbite se forme. De même, un satellite ou une lune est soumis à une force centrifuge qui l'éloigne de sa planète, mais l'attraction de cette planète courbe la trajectoire qu'aurait suivie le satellite sans cette force d'attraction; sous l'effet de ces deux forces se trouve dessinée une orbite de satellite. L'inertie ou la persistance de mouvement, propriété intime des planètes et des satellites, a été postulée par Newton, mais il n'a pas expliqué comment, ni quand, l'attraction ou la répulsion initiales se sont produites 1. La théorie sur l'origine du système planétaire qui domina tout le XIXe siècle a été émise par Swedenborg le théologien, et par le philosophe Kant ; Laplace 2 l'a traduite en termes scientifiques, mais sans en faire une exploration quantitative. Elle peut se résumer ainsi : Il y a des centaines de millions d'années le soleil était une immense masse gazeuse, de forme sensiblement discoïdale. Ce disque était d'une dimension égale à l'orbite de la planète la plus éloignée. Il tournait autour de son centre. Par suite de la contraction sous l'effet de la gravitation, un soleil sphérique se forma au centre du disque. Le mouvement de rotation de toute la nébuleuse mit en action une force centrifuge ; des parties de matière placées à la périphérie résistèrent au mouvement de contraction dirigé vers le centre et éclatèrent en anneaux qui prirent la forme de globes. C'étaient les planètes en formation. En d'autres termes, 8 par suite de la contraction du soleil au cours de sa rotation, de la matière se détacha, et des parties de cette matière solaire formèrent les planètes. Le plan dans lequel se déplacent les planètes est le plan équatorial du soleil. Cette théorie aujourd'hui ne saurait nous satisfaire : on lui fait trois objections principales. La première, c'est que la vitesse de la rotation axiale du soleil au moment où s'est formé le système planétaire n'a pu être suffisante pour que les anneaux de matière se détachent. Même en l'admettant, ils ne se seraient pas arrondis en globes. D'autre part la théorie de Laplace n'explique pas pourquoi les planètes ont une vitesse angulaire de rotation quotidienne, et de révolution annuelle, supérieure à celle que le soleil aurait pu leur imprimer. Enfin, pourquoi certains des satellites ont-ils une rotation rétrograde ou tournent-ils dans une direction opposée à celle de la plupart des éléments du système solaire ? « Il apparaît clairement établi, quelle que soit la structure que nous attribuons à un soleil primitif, qu'un système planétaire ne peut se créer par le seul effet de la rotation du soleil. Si un soleil, tournant seul dans l'espace, n'est pas capable de donner naissance à sa famille de planètes et de satellites, il devient nécessaire de faire appel à la présence et à l'influence d'un second corps. Ceci nous conduit directement à la théorie des marées 3 » La théorie des marées, qui, à son premier stade, a été appelée théorie planétésimale 4, suppose qu'une étoile passa très près du soleil. Une immense marée de matière solaire fut soulevée vers l'étoile qui passait, arrachée au corps du soleil, mais demeura dans son domaine; et c'est de cette matière que furent formées les planètes. D'après la théorie planétésimale, la masse ainsi arrachée se brisa en petits fragments, qui se condensèrent dans l'espace. Quelques-uns furent éjectés du système solaire, d'autres retombèrent sur le soleil, et le reste tourna autour de lui en vertu de la force de gravitation. Dans leur révolution sur des orbites très allongées, ils s'agglomérèrent, arrondirent leurs orbites à la suite de collisions, et à la fin formèrent les planètes avec leurs satellites. Selon la théorie des marées 5 il est impossible que la matière arrachée au soleil se disperse d'abord, puis se réunisse par la suite. La « marée » se brisa en quelques fragments qui, assez rapidement, passèrent de l'état gazeux à l'état liquide, puis à l'état solide. A l'appui de cette théorie on a soutenu que lors de la fragmentation de cette « marée » en un certain nombre de «gouttes», les plus grosses de ces gouttes provenaient probablement de la partie centrale, et les plus petites soit du point d'origine de la marée (près du soleil), soit de son point extrême d'éloignement. En fait, Mercure, la planète la plus proche du soleil, est petite. Vénus est plus grande. La terre est un peu plus grande que Vénus. Jupiter est trois cent vingt fois plus grande que la terre (en masse). Saturne est un peu plus petit que Jupiter. Uranus et Neptune, grandes planètes encore, n'ont pas la taille de Jupiter et de Saturne. Pluton est aussi petit que Mercure. La difficulté de la théorie des marées provient de ce point même qui prétend l'étayer : la masse des planètes. Entre la terre et Jupiter tourne une petite planète, Mars, dont la masse est égale au dixième de celle de la terre, alors que, selon les données de la théorie, on devrait découvrir là une planète de dix à cinquante fois plus grande que la terre. D'autre part, Neptune est plus grand, et non plus petit qu'Uranus. Une autre difficulté vient de l'improbabilité, au reste admise, d'une rencontre entre deux étoiles. Un des auteurs de la théorie des marées a estimé cette probabilité dans les termes suivants : « En gros, nous pouvons estimer qu'une étoile a une chance de former un système planétaire en 5.000.000.000.000.000.000 d'années. » Mais étant donné que la vie d'une étoile est très inférieure à ce chiffre, « une seule étoile sur 100.000 a pu former un système planétaire dans toute son existence ». Dans la Voie Lactée qui comprend cent millions d'étoiles, les systèmes planétaires « se forment au rythme d'environ un par cinq billions d'années... Notre système, 9 avec son âge de l'ordre de deux billions d'années, est probablement le plus jeune de toute la galaxie ». La théorie nébulaire et la théorie des marées considèrent l'une et l'autre les planètes comme provenant du soleil, et les satellites comme nés des planètes. Le problème de l'origine de la lune est, semble-t-il, fort gênant pour la théorie des marées. Plus petite que la terre, la lune a achevé plus tôt son refroidissement et sa condensation, et les volcans lunaires ne sont plus en activité. On calcule que la lune possède un poids spécifique plus léger que la terre; on en conclut que la lune a été constituée par couches superficielles de la matière terrestre, qui sont riches en silice légère, alors que le noyau de la terre se compose de métaux lourds, en particulier de fer. Mais cette hypothèse postule que la formation de la lune et celle de la terre n'ont pas été simultanées. La terre, constituée par une masse éjectée du soleil, a dû subir un processus de nivellement qui a placé les métaux lourds au centre et la silice à la périphérie, avant que la lune n'ait été arrachée à la terre par une nouvelle « marée ». Ce qui impliquerait des déformations provoquées par deux « marées » consécutives dans un système où l'éventualité d'une seule « marée » est considérée comme déjà fort improbable. Si le passage d'une étoile auprès d'une autre a lieu, parmi cent millions d'étoiles, une seule fois en cinq billions d'années, deux événements de ce genre pour la même étoile semblent infiniment douteux. Par conséquent, et faute de mieux, on suppose que les satellites ont été arrachés aux planètes par l'attraction du soleil, lors de leur premier passage à leur périhélie, alors que, poursuivant leur course sur leurs orbites allongées, les planètes s'approchaient du soleil. D'autre part le mouvement des satellites autour des planètes suscite de nouvelles difficultés aux théories cosmologiques actuelles. Laplace a fondé sa théorie de l'origine du système solaire sur le postulat que toutes les planètes et tous les satellites tournent dans le même sens. Il a écrit que la rotation axiale du soleil, les révolutions orbitales et les rotations axiales des six planètes, de la lune, des satellites et des anneaux de Saturne présentent 43 mouvements, tous dans le même sens. « On trouve par l'analyse des probabilités qu'il y a plus de quatre milliards à parier contre un que cette disposition n'est pas l'effet du hasard, ce qui forme une probabilité supérieure à celle des événements historiques sur lesquels on ne se permet aucun doute 7.» Il en déduisit qu'une cause commune première dirigeait les mouvements des planètes et des satellites. Depuis Laplace, de nouveaux éléments du système solaire ont été découverts. Nous savons maintenant que, bien que la majorité des satellites circulent dans le même sens que celui des révolutions des planètes et de la rotation du soleil, les satellites d'Uranus tournent dans un plan presque perpendiculaire au plan orbital de leur planète et que trois des onze satellites de Jupiter, un des neuf de Saturne, et l'unique satellite de Neptune tournent en sens inverse. Ces faits contre-disent l'argument principal de la théorie de Laplace : une nébuleuse douée de rotation ne pourrait produire des satellites ayant des révolutions de sens contraires. Dans la théorie des marées ' c'est le passage de l'étoile qui a déterminé la direction des mouvements des planètes. Elle a traversé le plan selon lequel tournent maintenant les planètes, suivant une direction qui: a orienté leurs révolutions d'ouest en est. Mais pourquoi les satellites d'Uranus tournent-ils perpendiculairement à ce plan, et quelques satellites de Jupiter et de Saturne en sens inverse? 'Voilà ce que ne saurait expliquer la théorie des marées. Toutes les théories existantes admettent que la vitesse angulaire de révolution d'un satellite doit être inférieure à la vitesse de rotation de sa planète sur elle-même. Mais le satellite le plus proche de Mars accomplit sa révolution plus rapidement que Mars sa rotation. Quelques-unes des difficultés auxquelles se heurtent la théorie de la nébuleuse et celle des marées subsistent dans une autre théorie, récemment proposée 8. Selon celle-ci, le soleil aurait appartenu à un système d'étoiles doubles. Le passage d'une étoile aurait brisé le compagnon du 10 soleil, et de ses débris se seraient formées les planètes. Cette hypothèse admise, on explique que les grandes planètes furent constituées par des débris, et que les petites, les planètes dites « terrestres », naquirent des grandes par un processus de scission. Cette hypothèse sur la naissance des petites planètes solides à partir des grandes planètes gazeuses a pour objet d'expliquer la différence du rapport poids-volume entre les grandes et les petites planètes. Mais cette théorie ne parvient pas à expliquer la différence des poids spécifiques entre les petites planètes et leurs satellites. Par un processus de scission, la lune naquit de la terre. Mais le poids spécifique de la lune est supérieur à celui des grandes planètes et inférieur à celui de la terre : la théorie selon laquelle c'est la terre qui naquit de la lune, malgré les petites dimensions de celle-ci, paraîtrait ainsi plus vraisemblable. Ceci jette à bas l'argument. Le problème de l'origine des planètes et de leurs satellites reste donc sans solution. Les théories non seulement se contre-disent, mais chacune d'elles porte en soi ses propres contradictions. « Si le soleil n'avait pas été accompagné de planètes, son origine et son évolution n'auraient présenté aucune difficulté 9. » L'origine des comètes La théorie de la nébuleuse et celle des marées s'efforcent d'expliquer l'origine du système solaire, mais elles laissent de côté les comètes. Les comètes sont plus nombreuses que les planètes. On connaît plus de soixante comètes qui font définitivement partie du système solaire. Ce sont les comètes de courte période (moins de quatre-vingts ans). Elles décrivent des ellipses très allongées et, à part une, elles ne dépassent pas la ligne que trace l'orbite de Neptune. On estime que, outre les comètes de courte période, plusieurs centaines de milliers de comètes visitent le système solaire. Cependant, on ne sait avec certitude si elles y reviennent périodiquement. Actuellement on en observe un nombre approximatif de cinq cents par siècle, et l'on pense qu'elles ont une durée moyenne de plusieurs dizaines de milliers d'années. Des théories essaient de rendre compte de l'origine des comètes; mais à part une tentative d'explication selon laquelle elles seraient de minuscules planètes 1 qui n'auraient pas subi une attraction latérale suffisante pour dessiner des orbites circulaires, aucun système n'a été proposé, qui expliquât l'origine du système solaire dans sa totalité, avec ses planètes et ses comètes. Pourtant aucune théorie cosmique n'est valable si elle se limite au problème des planètes, ou à celui des comètes exclusivement. Une théorie considère les comètes comme des corps cosmiques errants, arrivant de l'espace interstellaire. Après s'être approchées du soleil, elles s'en écartent en formant une vaste orbite parabolique. Mais si elles passent à proximité d'une des grandes planètes, elles peuvent être forcées de transformer leur orbite parabolique en ellipse, et de devenir des comètes de courte période 2. Selon cette théorie lesdites comètes sont « captées » : les comètes de longue période, ou sans période, sont délogées de leur trajectoire et transformées en comètes de courte période. L'origine des comètes de longue période est une question qui demeure sans réponse. Les comètes de courte période semblent avoir quelque relation avec les grandes planètes. Une cinquantaine de comètes se déplacent entre le soleil et l'orbite de Jupiter. Leurs périodes sont inférieures à neuf ans. Quatre comètes vont jusqu'à l'orbite de Saturne. Deux tournent à l'intérieur du cercle décrit par Uranus, et neuf comètes d'une période moyenne de soixante et onze ans se déplacent à l'intérieur de l'orbite de Neptune. Celles-ci composent le système des comètes de courte période tel qu'il est présentement connu. Au dernier groupe appartient la comète de Halley, qui, parmi les comètes de courte période, a la plus longue période de révolution (environ soixante-seize ans). Ensuite, il y a un grand vide, au delà duquel se trouvent les comètes auxquelles il faut des milliers d'années pour revenir au soleil, si elles y reviennent jamais. 11 La disposition des comètes de courte période a suggéré l'idée qu'elles étaient « captées » par les grandes planètes. Cette théorie se fonde sur un fait d'observation directe : les trajectoires des comètes sont déformées par l'action des planètes. Une autre théorie sur les comètes suppose qu'elles ont une origine solaire, mais non point à la manière qu'imagine la théorie des marées pour expliquer l'origine des planètes. De puissants tourbillons à la surface du soleil balayent les gaz incandescents et les entassent en grosses protubérances. On observe ces protubérances quotidiennement. La matière est arrachée au soleil et retourne au soleil. On calcule que si la vitesse d'éjection dépassait 618 kilomètres seconde, vitesse du mouvement sur une parabole, la matière ne retournerait pas au soleil, mais deviendrait une comète de longue période. Alors la trajectoire de la masse éjectée pourrait être perturbée par son passage à proximité d'une des grandes planètes, et la comète deviendrait une comète de courte période. Semblable naissance de comètes n'a jamais été observée, et l'hypothèse que la matière en explosant puisse atteindre une vitesse de 618 kilomètres-seconde est extrêmement douteuse. On a donc supposé qu'il y a des millions d'années, alors que l'activité de leurs masses gazeuses était plus puissante, les grandes planètes ont expulsé les comètes de leur propre corps. La vitesse nécessaire pour que, la masse éjectée échappe à la force d'attraction du corps éjectant est moindre dans le cas des planètes que dans le cas du soleil, à cause de leur force d'attraction moindre. On calcule qu'une masse éjectée de Jupiter à la vitesse d'environ 62 kilomètres seconde, ou à un peu plus du tiers de cette vitesse dans le cas de Neptune, se trouverait libérée. Cette variante de la théorie néglige la question de l'origine des comètes de longue période. Cependant une explication a été proposée : les grandes planètes transformeraient les orbites courtes des comètes qui passent à leur proximité en orbites allongées, ou même elles expulseraient ces comètes du système solaire. Quand elles passent près du soleil, les comètes émettent des queues. On suppose que la matière de la queue ne retourne pas à la tête de la comète, mais se disperse dans l'espace. En conséquence, les comètes, en tant que corps lumineux, doivent avoir une existence limitée. Si la comète de Halley suit son orbite actuelle depuis l'ère pré-cambrienne, elle a dû « former et perdre huit millions de queues, ce qui semble improbable 3 ». Si les comètes disparaissent, leur nombre dans le système solaire doit diminuer constamment, et aucune comète de courte période n'aurait pu garder sa queue depuis l'ère géologique. Mais comme il y a beaucoup de comètes lumineuses de courte période, elles ont dû se constituer, spontanément ou non, à une époque où les autres éléments du système, planètes et satellites, occupaient déjà leur place. On a proposé une théorie suivant laquelle le système solaire aurait traversé une nébuleuse, et y aurait acquis ses comètes. le soleil a-t-il formé ses planètes par contraction ou par marée, et ses comètes par explosion ? Les comètes sont-elles venues des espaces interstellaires, et sont-elles restées dans le système solaire après avoir été captées par les grandes planètes ? Les grandes planètes ont-elles produit les petites par scission, ou bien ont-elles expulsé les comètes à courte période de leur propre corps? Il est admis que nous ne pouvons connaître la vérité sur l'origine du système planétaire et cométaire, qui remonte à des billions d'années. « Le point faible, dans ce problème de l'origine et du développement du système solaire, c'est qu'il demeure « spéculatif ». C'est une opinion courante que faute d'avoir été présents à la formation du système, nous ne pouvons légitimement avoir la moindre idée de cette formation 4 ». Tout ce que nous pouvons faire, pense-t-on, c'est d'explorer une seule planète, celle qui nous porte, afin d'apprendre son histoire, puis par déduction tenter d'appliquer les résultats ainsi recueillis à d'autres membres de la famille solaire. 12 Chapitre 2 La planète Terre La terre a une enveloppe rocheuse la lithosphère; elle comprend des roches ignées, comme le granit et le basalte, recouvertes de roches sédimentaires. Les roches ignées forment la croûte originelle de la terre, les roches sédimentaires ont été déposées par les eaux. La composition de l'intérieur de la terre est inconnue. La propagation des ondes sismiques confirmerait l'hypothèse que l'écorce de la terre a plus de 3000 kilomètres d'épaisseur; étant donné la pesanteur des masses montagneuses (théorie isostatique), on estime que l'écorce n'a qu'une centaine de kilomètres d'épaisseur. La présence de fer dans l'écorce, ou la migration de métaux lourds du noyau jusqu'à l'écorce a été insuffisamment expliquée ; car pour que ces métaux aient quitté le noyau il faut qu'ils en aient été éjectés par explosion, et pour qu'ils soient demeurés répandus dans l'écorce, il faut que ces explosions aient été suivies d'un. refroidissement immédiat. Si, à l'origine, la planète était un conglomérat incandescent de divers éléments, comme le prétendent les théories de la nébuleuse et la théorie des marées, le fer du globe aurait alors dû s'oxyder et se combiner avec tout l'oxygène disponible. Mais pour une raison inconnue le phénomène ne s'est pas produit. Ainsi la présence d'oxygène dans l'atmosphère terrestre demeure inexpliquée. L'eau des océans contient une grande quantité de chlorure de sodium soluble (sel marin) : le sodium aurait pu provenir des roches qui avaient subi l'érosion des eaux de pluie. Mais les roches sont pauvres en chlore, et étant donné la proportion de chlore et de sodium dans l'eau de mer, les roches ignées devraient contenir cinquante fois plus de chlore qu'elles n'en contiennent en fait. Les couches profondes de roches ignées n'offrent aucune trace de fossiles. Dans les roches sédimentaires sont incrustés des squelettes d'animaux marins et terrestres, et fréquemment dans plusieurs couches superposées. Il n'est pas rare que les roches ignées pénètrent les roches sédimentaires, ou même les recouvrent sur de vastes superficies; ce qui suppose des éruptions successives de roches ignées qui entrèrent en fusion alors que la vie existait déjà sur la terre. Au-dessus des couches qui ne présentent aucune trace de fossiles, se trouvent des couches qui renferment des coquillages; et parfois ils sont si nombreux qu'ils constituent la masse entière des roches. On les découvre souvent dans les roches très dures. Les couches supérieures contiennent des squelettes d'animaux terrestres, souvent d'espèces disparues; et il n'est pas rare qu'au-dessus des couches qui renferment les restes d'animaux terrestres, d'autres couches révèlent une faune marine. Les espèces animales, sinon leurs genres, varient avec les couches. Les couches sont souvent obliques, et quelquefois presque verticales. Assez fréquemment elles présentent des failles et un aspect très tourmenté. Cuvier (1769-1832), le fondateur de la paléontologie des vertébrés, ou science des squelettes pétrifiés d'animaux vertébrés, depuis le poisson jusqu'à 1'homme, fut très impressionné par l'image que présente la disposition des couches terrestres 1. « Lorsque le voyageur parcourt ces plaines fécondes où des eaux tranquilles entretiennent par leur cours régulier une végétation abondante, et dont le sol, foulé par un peuple nombreux, orné de villages florissants, de riches cités, de monuments superbes, n'est jamais troublé que par les ravages de la guerre ou par l'oppression des hommes en pouvoir, il n'est pas tenté de 13 croire que la nature ait eu aussi ses guerres intestines, et que la surface du globe ait été bouleversée par des révolutions et des catastrophes; mais ses idées changent dès qu'il cherche a creuser ce sol, aujourd'hui si paisible. » Cuvier pensait que la terre avait subi de grands cataclysmes, transformant à plusieurs reprises les fonds marins en continents, et réciproquement. Il soutenait que les genres et les espèces étaient immuables depuis la création. Mais, après avoir observé des fossiles d'animaux très dissemblables, à différents niveaux de la terre, il en conclut que des cataclysmes avaient dû anéantir la vie sur de grandes étendues, abandonnant la terre à d'autres formes de vie. Quelle fut leur provenance ? Ou bien elles furent créées postérieurement, ou bien plus vraisemblablement elles arrivèrent d'autres parties de la terre qu'avaient épargnées les cataclysmes. Cuvier ne put découvrir la cause de ces cataclysmes. Il voyait là « le problème géologique le plus important à résoudre », mais il se rendait compte que « pour le résoudre en entier, il faudrait découvrir la cause de ces événements, entreprise d'une tout autre difficulté ». Il savait seulement qu'on avait fait « de nombreuses tentatives », et ne s'estimait pas capable de proposer une solution. « Ces idées m'ont poursuivi, je dirais presque tourmenté, pendant que j'ai fait les recherches sur les os fossiles 2. » La théorie de Cuvier sur les formes stabilisées de la vie, et sur les cataclysmes et leurs gigantesques destructions, fut supplantée par une théorie de l'évolution en géologie (Lyell) et en biologie (Darwin). Les montagnes ne sont que les restes de plateaux érodés par la très lente action du vent et de l'eau. Les roches sédimentaires sont les résidus de roches ignées érodées par la pluie, puis transportées jusqu'à la mer, où ils se déposèrent lentement. On suppose que les squelettes d'oiseaux et d'animaux terrestres trouvés dans ces roches sont ceux d'animaux qui longeaient le bord de la mer dans des eaux peu profondes; ils y moururent, et furent recouverts de sédiments avant que les poissons n'eussent détruit leurs cadavres, et l'eau désagrégé leurs squelettes. Aucun cataclysme ne vint interrompre le lent et constant processus. La théorie de l'évolution, qu'on peut faire remonter à Aristote, et qui fut enseignée par Lamarck à l'époque de Cuvier et par Darwin après lui, a été généralement considérée comme exacte par les naturalistes, et cela depuis près d'un siècle. Des roches sédimentaires recouvrent les hautes montagnes, et les plus hautes de toutes, l'Himalaya. On y trouve des coquillages et des squelettes de poissons. Cela signifie qu'à une époque lointaine des poissons nageaient sur ces montagnes. Quelle cause provoqua le surgissement de ces montagnes ? Il a fallu une violente poussée de l'intérieur, ou une traction de l'extérieur, ou des mouvements de torsion sur les flancs pour faire surgir les montagnes, soulever les continents hors des fosses marines, et submerger d'autres masses terrestres. Si nous ne savons pas quelles sont ces forces, il nous est impossible de répondre au problème de l'origine des montagnes et des continents en quelque endroit du globe qu'il se pose. Examinons le cas de la côte orientale de l'Amérique du Nord. « Il n'y a pas bien longtemps, géologiquement parlant, la basse plaine qui s'étend de New Jersey à la Nouvelle Floride était submergée. A cette époque-là, les vagues de l'Océan se brisaient directement sur les vieux monts Appalaches. Auparavant, la partie Sud-Est de la chaîne s'était enfoncée sous la mer, avait été recouverte d'une couche de sable et de boue, qui s'épaississait vers le large. Cette sorte de promontoire que formait la masse des sédiments marins fut alors soulevée, entaillée de rivières et elle donna la plaine côtière atlantique des États-Unis. Mais pourquoi fut-elle soulevée? A l'Ouest sont les Appalaches. Le géologue nous parle de l'époque tourmentée où une ceinture de roches allant de l'Alabama à Terre-Neuve fut comprimée, bousculée, pour former ce système montagneux. Pourquoi ? Comment ? Autrefois 14 la mer envahit la région des grandes plaines du Mexique à l'Alaska, puis se retira. Comment expliquer le phénomène 3 » Et la naissance de la Cordillère? « C'est toujours le mystère de la formation des montagnes qui réclame un éclaircissement. » Il en est de même sur toute la surface du globe. L'Himalaya était sous la mer. Maintenant l'Eurasie est à 5 kilomètres. ou plus, au-dessus du fond du Pacifique. Pourquoi donc ? « Le problème de la formation des montagnes est un problème irritant. Beaucoup d'entre elles sont composées de roches qui ont subi une pression tangentielle et qui se sont plissées, ce qui implique un rétrécissement de la croûte terrestre sur des centaines de kilomètres. Le rétrécissement radial est lamentablement insuffisant pour provoquer la force de pression horizontale constatée. C'est là que réside la déroutante difficulté du problème de la formation des montagnes. Les géologues n'ont pas encore trouvé une issue satisfaisante à ce dilemme 4. » Même les auteurs de manuels avouent leur ignorance « Pourquoi les fonds marins des époques anciennes sont-ils devenus les hauts-plateaux d'aujourd'hui ? Qu'est-ce qui engendre les énormes forces qui courbent, brisent, écrasent les roches des régions montagneuses ? Ces questions attendent toujours des réponses satisfaisantes 5. » On suppose que le surgissement des montagnes s'est opéré par un processus lent et graduel. D'autre part, il est évident que les roches ignées, déjà dures, ont dû devenir fluides pour pénétrer les roches sédimentaires, ou les recouvrir. On ignore les causes du phénomène, mais on. affirme qu'il a dû se produire bien avant que l'homme n'apparût sur la terre. Ainsi, de délicats problèmes se posent quand on retrouve des crânes d'hommes préhistoriques dans des couches récentes, ou des crânes d'hommes modernes, mêlés à des os d'animaux disparus, dans des couches anciennes. Quelquefois aussi, en creusant des mines, on découvre un crâne humain au cœur d'une montagne, sous une épaisse couche de basalte ou de granit, tel le crâne de Calaveras en Californie. Des restes humains et des os travaillés par l'homme, des pierres polies, ou des poteries, ont été trouvés sous de grands dépôts d'argile et de gravier, parfois à plus de 30 mètres de profondeur. L'origine de l'argile, du sable et du gravier sur des roches ignées ou sédimentaires, pose un délicat problème. La théorie des époques glaciaires (proposée en 1840) tente d'éclairer ce problème et certains autres phénomènes énigmatiques. En une région aussi septentrionale que le Spitzberg, à l'intérieur du cercle polaire, se sont formés, dans le passé, des récifs de corail, qui ne se trouvent que dans les régions tropicales. Des palmiers y poussèrent aussi bien. Le continent de l'Antarctide, qui aujourd'hui ne possède pas un seul arbre. a dû, à une époque donnée, être recouvert de forêts, puisqu'il contient des dépôts de charbon. Comme nous le voyons, la planète Terre est riche en secrets. Nous n'avons pas fait un pas de plus vers la solution du problème de l'origine du système solaire, en explorant notre planète. Au contraire nous avons soulevé maints nouveaux problèmes restés sans solution, tels ceux de la lithosphère, de l'hydrosphère, et de l'atmosphère de la terre. Serons-nous plus heureux, si nous tentons de comprendre les transformations qui ont affecté la surface du globe à l'époque géologique la plus récente, celle de la dernière période glaciaire, très proche des temps qu'on appelle historiques ? Les époques glaciaires Il n'y a guère que quelques milliers d'années, nous enseigne-t-on, de vastes surfaces de l'Europe et de l'Amérique du Nord étaient couvertes de glaciers. Les glaces éternelles s'étendaient non seulement sur les flancs des montagnes, mais encore s'entassaient en lourdes masses sur les continents, même sous des latitudes tempérées. Là où coulent aujourd'hui l'Hudson, l'Elbe, et le Dniepr supérieur, se déployaient alors des déserts de glace. Ils étaient 15 pareils à l'immense glacier du Groënland qui recouvre cette île. Des indices subsistent qui suggèrent que le recul des glaciers fut interrompu par une nouvelle accumulation des glaces, et que les fronts en varièrent à plusieurs reprises. Les géologues sont capables de déterminer les fronts glaciaires. La glace se dépose avec une grande lenteur poussant des pierres devant elle, et les accumulations de pierres ou de moraines restent sur place quand le glacier fond et se retire. On a trouvé les traces de cinq ou six déplacements consécutifs des glaciers au cours de l'époque glaciaire, ou de cinq ou six périodes glaciaires. Une certaine force, à plusieurs reprises, a poussé la couche de glace vers les latitudes modérées. Ni la cause des époques glacières, ni celle de ce recul du désert de glace ne nous sont connues. L'époque de ces reculs est également matière à conjecture. Beaucoup d'hypothèses ont été hasardées, pour expliquer comment les époques glaciaires ont débuté, et pourquoi elles ont pris fin. Les uns ont supposé que le soleil a pu émettre plus ou moins de chaleur, ce qui amène des alternances de chaleur et de froid sur la terre. Mais aucune preuve de pareille versatilité du soleil n'a été apportée à l'appui de cette hypothèse. D'autres ont supposé que l'espace cosmique comporte des surfaces chaudes et froides, et que, quand notre système solaire traverse les surfaces froides, les glaces descendent à des latitudes plus proches des tropiques. Mais on n'a trouvé aucun agent physique qui justifiât ces hypothétiques étendues chaudes ou froides de l'espace. D'autres se sont demandé si la précession des équinoxes, ou le lent déplacement de direction de l'axe terrestre, pouvait causer des variations de climat périodiques. Mais il a été démontré que la différence d'insolation n'aurait pu être suffisante pour provoquer les époques glaciaires. D'autres encore ont cru trouver la réponse dans les variations périodiques de l'excentricité de l'écliptique (orbite terrestre), avec glaciation à l'excentricité maximum. Quelques-uns ont supposé que l'hiver à l'aphélie, le point le plus éloigné de l'écliptique, provoquait la glaciation, et d'autres ont pensé que l'été à l'aphélie entraînait ce même résultat. Certains savants ont fait appel aux altérations de position de l'axe terrestre. Si la planète Terre est rigide, comme on le croit (L. Kelvin), l'axe n'aurait pu se déplacer de plus de trois degrés au cours des âges géologiques (George Darwin); si elle était élastique, il aurait pu se déplacer jusqu'à dix ou quinze degrés par un processus d'une extrême lenteur. L'origine des époques glaciaires a été attribuée par quelques savants à la diminution de la chaleur première de la terre. Les périodes chaudes entre les époques glaciaires seraient dues à la chaleur libérée par une décomposition hypothétique d'organismes dans les couches proches de la surface du sol. L'augmentation et la diminution de l'action des sources chaudes a été également envisagée. D'autres ont supposé que de la poussière d'origine volcanique emplissait l'atmosphère terrestre, et contrariait l'insolation, ou, à l'inverse, qu'une augmentation d'anhydride carbonique dans l'atmosphère empêchait la réflexion des rayons calorifiques à la surface de la planète. Une diminution d'anhydride carbonique dans l'atmosphère amènerait une chute de température (Arrhenius); mais on a démontré par le calcul que telle ne pouvait être la cause véritable des époques glaciaires (Angström). On a jeté dans le débat les déviations des courants chauds de l'océan Atlantique, et par imagination l'on a supprimé l'isthme de Panama pour permettre au Gulf-Stream de pénétrer dans le Pacifique, comme il eût pu le faire pendant les époques glaciaires. Mais il a été prouvé que les deux océans étaient déjà séparés à l'époque glaciaire. De plus, une partie du Gulf Stream serait de toute manière restée dans l'Atlantique. Les reculs périodiques des glaces entre les différentes ères glaciaires postuleraient une disparition et une réapparition périodiques de l'isthme de Panama. 16 D'autres théories de caractère également hypothétique ont été avancées. Mais on n'a prouvé ni l'existence des phénomènes à l'origine de ces changements, ni qu'ils aient été capables de produire semblable effet. Toutes les théories et hypothèses citées ci-dessus sont vouées à l'échec, si elles ne peuvent satisfaire à une condition primordiale : pour que des masses de glace aient pu se former, il a fallu que se produise une augmentation des précipitations. Celle-ci implique nécessairement une augmentation de vapeur d'eau dans l'atmosphère, qui est la conséquence d'une évaporation accrue à la surface des océans. Mais une telle évaporation n'a pu être provoquée que par la chaleur. Plusieurs savants ont attiré l'attention sur ce fait, et ont même calculé que, pour former une nappe de glace aussi vaste que celle de l'époque glaciaire, la surface de tous les océans a dû s'évaporer jusqu'à une assez grande profondeur. Cette évaporation des océans, suivie d'un rapide processus de congélation jusque sous les latitudes modérées, aurait produit l'époque glaciaire. Le problème est le suivant : quels phénomènes auraient pu provoquer cette évaporation, et la congélation qui la suivit immédiatement ? Comme la raison d'une alternance si rapide de réchauffement et de refroidissement sur de vastes étendues du globe nous échappe, on admet qu'actuellement, « la cause de l'énorme formation de glaces sur la terre reste un mystère déconcertant, une question capitale pour ceux qui dans l'avenir déchiffreront les énigmes de la terre 1 ». Non seulement les causes de l'apparition et de la disparition ultérieure de la couche glaciaire sont inconnues, mais encore la forme géographique des surfaces recouvertes de glace pose un nouveau problème. Pourquoi cette couche de glace, dans l'hémisphère austral, s'est-elle déplacée des régions tropicales de l'Afrique vers le pôle Sud, et non dans la direction opposée ? De même pourquoi, dans l'hémisphère boréal, aux Indes, la glace s'est-elle déplacée de l'équateur vers les monts de l'Himalaya, et vers des latitudes plus élevées ? Pourquoi les glaciers de l'époque glaciaire ont-ils recouvert la plus grande partie de l'Europe et de l'Amérique du Nord, tandis que le Nord de l'Asie était épargné ? En Amérique le plateau de glace s'étendait jusqu'à la latitude 40 et dépassait même cette limite. En Europe, il atteignait la latitude 50; tandis que le Nord-Est de la Sibérie par delà le cercle polaire, et par delà même la latitude 75, n'était point recouvert par ces glaces éternelles. Toutes les hypothèses sur l'augmentation ou la diminution d'insolation dues aux variations solaires, ou aux changements de température de l'espace cosmique, et toutes autres hypothèses de cet ordre, se heurtent inéluctablement à ce problème. Les glaciers se forment dans les régions des neiges éternelles. C'est pour cette raison qu'ils restent sur les flancs des hautes montagnes. Le Nord de la Sibérie est l'endroit le plus froid du monde. Pourquoi l'ère glaciaire a-t-elle laissé cette région intacte, alors qu'elle visitait le bassin du Mississipi et l'Afrique entière au Sud de l'Équateur ? Nulle réponse satisfaisante n'a jusque là été proposée. Les mammouths Le Nord-Est de la Sibérie qui fut épargné par les glaces à l'époque glaciaire recèle une autre énigme. Le climat semble y avoir changé radicalement depuis la fin de l'ère glaciaire; la température moyenne annuelle y a fait apparemment une chute considérable. Des animaux vivaient autrefois dans cette région, qui en ont disparu, et des plantes y poussaient qui ne le peuvent aujourd'hui. Le changement a dû s'opérer très brusquement. La cause de ce climat reste inexpliquée. Ce bouleversement climatérique dans des circonstances mystérieuses a provoqué la disparition de tous les mammouths de Sibérie. Le mammouth appartenait à la famille des éléphants. Ses défenses avaient jusqu'à 3 mètres de long. Ses dents étaient parvenues à un degré élevé de développement et leur « densité » était supérieure à celle des dents de l'éléphant à n'importe quel stade de son évolution. Il ne semble 17 pas avoir succombé dans la lutte pour la vie, comme l'eût pu faire un produit de l'évolution improprement adapté. On pense que l'extinction des mammouths a coïncidé avec la fin de la dernière période glaciaire. On a découvert un grand nombre de défenses de manunouths dans le Nord-Est de la Sibérie. Cet ivoire bien conservé n'a cessé d'être un objet d'exportation vers la Chine et l'Europe depuis la conquête de la Sibérie par les Russes, et il était déjà exploité en des temps plus reculés. A l'époque moderne, la principale source d'approvisionnement du marché mondial de l'ivoire était les toundras du Nord-Est de la Sibérie. En 1799, des corps de mammouths gelés ont été découverts dans ces toundras. Ces corps étaient parfaitement conservés, et les chiens des traîneaux en mangèrent la chair sans inconvénients. « La chair est fibreuse, et rnarbrée de graisse; elle paraît aussi fraîche que du boeuf bien congelé 1. » Par quoi fut provoquée leur mort et l'extinction de leur race ? Cuvier a écrit, à ce propos 2 : « Ces irruptions, ces retraites répétées (de la mer) n'ont point toutes été lentes, ne se sont point toutes faites par degrés, au contraire, la plupart des catastrophes qui les ont amenées ont été subites; et cela est surtout facile à prouver pour la dernière de ces catastrophes; pour celle qui, par un double mouvement, a inondé et ensuite remis à sec nos continents actuels, ou du moins une grande partie du sol qui les forme aujourd'hui. Elle a laissé encore dans les pays du Nord des cadavres de grands quadrupèdes que la glace a saisis, et qui se sont conservés jusqu'à nos jours, avec leur peau, leur poil et leur chair. S'ils n'eussent été gelés aussitôt que tués, la putréfaction les aurait décomposés. Et d'un autre côté, cette gelée éternelle n'occupait pas auparavant les lieux où ils ont été saisis, car ils n'auraient pas pu vivre sous une pareille température. C'est donc le même instant qui a fait périr les animaux, et qui a rendu glacial le pays qu'ils habitaient. Cet événement a été subit, instantané, sans aucune gradation, et ce qui est si clairement démontré pour cette dernière catastrophe ne l'est pas moins pour celles qui l'ont précédée. » La théorie proposée par Deluc 3 et répandue par Cuvier, qui envisage une série de cataclysmes anéantissant la vie sur cette planète, et des recréations, ou des retours successifs de la vie, n'a pas convaincu le monde scientifique. Comme Lamarck avant Cuvier, Darwin, après lui, a pensé que la règle de la reproduction est un processus d'évolution extrêmement lent, et qu'aucune catastrophe n'est venue interrompre ce processus par changements infinitésimaux. Selon la théorie de l'évolution, ces infimes changements se sont produits par suite de l'adaptation aux conditions de l'existence dans la lutte des espèces pour survivre. Comme les théories de Lamarck et de Darwin, qui postulent que le règne animal subit une lente transformation et que des dizaines de milliers d'années sont nécessaires pour avancer d'un pas infime dans l'évolution, les théories géologiques du XIXe, aussi bien que du XXe siècle, considèrent que les processus géologiques sont d'une extrême lenteur, et sont l'effet de l'érosion par la pluie, le vent et les marées. Darwin a reconnu qu'il ne pouvait expliquer l'extinction du mammouth, mieux évolué que l'éléphant qui pourtant lui survécut 4. Mais, en accord avec la théorie de l'évolution, ses disciples ont supposé qu'un tassement progressif du terrain avait contraint les mammouths à refluer sur les montagnes, où ils s'étaient trouvés isolés par des marécages. Mais puisque les processus géologiques sont lents, les mammouths n'auraient pu se laisser prendre au piège sur des montagnes isolées. De plus, cette théorie ne peut être exacte, car les mammouths ne sont pas morts de faim. Dans leur estomac et entre leurs dents on a découvert de l'herbe et des feuilles non encore digérées. Preuve nouvelle de leur mort brutale. Des recherches ultérieures ont démontré que les brindilles et les feuilles trouvées dans leur estomac n'appartiennent pas à des plantes qui poussent dans les régions où moururent les animaux, mais beaucoup plus au sud, à plus de 1500 kilomètres de là. Il semble évident que le climat a subi une altération 18 radicale depuis la mort des mammouths, et comme les corps des animaux n'ont pas été trouvés décomposés, mais intacts dans des blocs de glace, il a fallu que le changement de température ait presque immédiatement suivi leur mort, à moins qu'il ne l'ait même provoquée. Il reste à ajouter qu'après les tempêtes de l'océan Arctique, des défenses de mammouth ont été entraînées sur les plages des îles arctiques. Ce qui prouve qu'une partie du pays où les mammouths vécurent et se noyèrent est recouverte par l'océan Arctique. L'époque glaciaire et l'âge de l'homme Le mammouth vivait à l'époque de l'homme. L'homme le représenta sur les murs des cavernes; des ossements humains, à plusieurs reprises, ont été découverts en Europe Centrale mêlés à des ossements de mammouths ; parfois on trouve les abris de l'homme néolithique d'Europe jonchés d'os de mammouths 1. L'homme se déplaça vers le Sud quand les glaces s'étendirent sur l'Europe, et il retourna vers le Nord lorsque la glace se retira. L'homme historique fut témoin de grandes variations climatiques. On suppose que les mammouths de Sibérie, dont la viande est encore fraîche, furent détruits à la fin de la dernière époque glaciaire, en même temps que les mammouths d'Europe et de l'Alaska. S'il en est ainsi, les mammouths sibériens furent eux aussi les contemporains d'un homme relativement moderne. A une époque où, en Europe, au bord du grand glacier, l'homme en était encore aux ultimes stades de la culture néolithique, dans le Proche et le Moyen-Orient (région des grandes cultures antiques), il était peut-être déjà très avancé dans l'âge des métaux. Il n'existe aucune table chronologique de la culture néolithique, parce que l'écriture fut inventée approximativement au début de la période du cuivre, première période de l'âge du bronze. On suppose que l'homme néolithique d'Europe laissa quelques dessins, mais aucune inscription et par conséquent il n'existe aucun moyen de déterminer la fin de l'époque glaciaire en termes de chronologie. Les géologues ont essayé d'assigner une date à la fin de la dernière époque glaciaire, en mesurant les alluvions arrachées aux glaciers et entraînées par les rivières, et les dépôts d'alluvions glaciaires dans les lacs. On calcula la quantité charriée par le Rhône depuis les glaciers des Alpes, et la quantité totale qui recouvre le fond du lac Leman, que traverse le Rhône ; d'après les chiffres obtenus, on évalua la durée et la vitesse de recul des glaciers de la dernière époque glaciaire. Selon le savant suisse François Forel, 12000 ans se sont écoulés depuis l'époque où la nappe de glace de la dernière période glaciaire se mit à fondre; chiffre étonnamment bas, alors qu'on pensait que l'ère glaciaire avait pris fin il y a quelque 30 ou 50.000 ans. Ces calculs ont le défaut de n'être que des estimations indirectes ; puisque la vitesse à laquelle la boue glaciaire se dépose dans les lacs ne fut pas constante, et que la quantité même en fut variable, elle dut s'accumuler au fond des lacs plus rapidement au début, alors que les glaciers étaient plus vastes. Si l'époque glaciaire eut une fin brusque, les dépôts d'alluvions glaciaires durent être beaucoup plus considérables au début ils n'auraient donc qu'une analogie lointaine avec l'accumulation des alluvions produites par la fonte annuelle des neiges sur les Alpes. Par conséquent, le temps qui s'est écoulé depuis la fin de la dernière période glaciaire doit être encore plus bref que le chiffre proposé. Les géologues estiment que les grands lacs américains se sont formés à la fin de l'époque glaciaire, lorsque le glacier continental se retira, et que les dépressions qu'il laissa derrière lui se transformèrent en lacs. Au cours des deux derniers siècles, les chutes du Niagara ont reculé du lac Ontario vers lac Erié, à la vitesse de 1 m.50 par an, entraînant les rochers du lit des chutes 2. Si ce processus se poursuit à la même cadence depuis la fin de la dernière période glaciaire, il a fallu environ 7.000 ans pour que les chutes du Niagara, depuis leur point de départ, à l'embouchure des gorges (à Queenston), pussent atteindre leur emplacement actuel. Ce 19 calcul repose sur l'hypothèse que la quantité d'eau qui traverse les gorges est demeurée constante depuis la fin de l'époque glaciaire, et, en conséquence, on a conclu que ces 7.000 ans peuvent constituer « le temps maximum qui s'est écoulé depuis la formation des Chutes 3 ». Au début, quand d'immenses masses d'eau furent libérées par la retraite du glacier continental, la vitesse de déplacement des chutes du Niagara dut être très supérieure; la durée approximative « peut subir une diminution importante » et on la réduit parfois à 5.000 ans 4. L'érosion et la sédimentation sur les rives et au fond du lac Michigan suggèrent également un laps de temps qui se pourrait évaluer par milliers, et non plus par dizaines de milliers d'années. En outre, le résultat des recherches paléontologiques en Amérique apporte une preuve qui constitue « une garantie qu'avant la dernière période de glaciation, l'homme moderne, représenté par la race très développée des Indiens d'Amérique, vivait sur la côte orientale de l'Amérique du Nord 5 » (A. Keith). On présume qu'à l'avènement de la dernière période glaciaire, les Indiens se retirèrent vers le Sud, puis remontèrent vers le Nord quand la glace découvrit le sol; c'est aux environs de cette période que les Grands Lacs émergèrent, que le bassin du Saint-Laurent se forma, et que les chutes du Niagara se mirent à reculer en direction du lac Erié. Si la fin de la dernière période glaciaire ne remonte pas à plus de quelques milliers d'années, soit dans les temps préhistoriques, soit en une époque où l'écriture était peut-être déjà employée dans les grands centres de la civilisation antique, les indices que la Nature grava dans les rochers et ceux qu'y inscrivit l'homme doivent composer une image cohérente. Explorons donc les traditions et les trésors littéraires de l'homme ancien, et confrontons-les avec ceux que la Nature nous a légués. Les âges du monde L'idée que les différents âges ont été interrompus par de grands bouleversements naturels est répandue à travers le monde entier. Le nombre de ces âges varie avec les peuples et avec les traditions. Les variations proviennent du nombre de catastrophes que chaque peuple particulier se remémorait, ou de la façon dont il calculait la fin d'une période. Ainsi les annales de l'antique Etrurie, d'après Varron, font mention de sept grands âges écoulés. Censorinus, auteur du IIIe siècle de notre ère et compilateur de Varron, a écrit : « Les hommes croyaient à l'apparition de différents prodiges, par lesquels les dieux leur faisaient connaître la fin de chaque âge. Les Etrusques étaient versés dans la science des étoiles, et après avoir observé les prodiges avec attention, ils consignaient leurs observations dans leurs livres 1 » L'histoire de la Grèce révèle de semblables traditions. Censorinus a écrit : « Il y a une période, qu'Aristote appelait la suprême année, à la fin de laquelle le soleil, la lune et toutes les planètes reprennent leur position primitive. Cette « suprême année » a un grand hiver, appelé par les Grecs kataklysmos, ce qui signifie déluge, et un grand été appelé ekpyrosis, ou combustion du monde. Ce monde, en vérité, semble être successivement inondé et brûlé au cours de ces deux époques. » Anaximène et Anaximandre, au VIe siècle avant J.-C., et Diogène d'Apollonia, au Ve siècle, imaginaient la destruction du monde que suivait une nouvelle création. Héraclite (540-475 av. J.-C.) enseignait que le monde est détruit par le feu au bout de chaque période de 10.800 ans. Aristarque de Samos, au IIIe siècle avant notre ère, enseignait qu'en une période de 2484 années, la terre subit deux destructions, l'une par la chaleur, l'autre par le déluge. Les stoïciens croyaient communément que des embrasements périodiques consumaient le monde, qui retrouvait ensuite une forme nouvelle. Ceci est dû aux forces d'un feu éternellement actif qui existe dans les choses, et qui au bout de longs cycles réduit tout à sa forme primitive, et d'où 20 prend naissance un monde neuf. » Ainsi Philon présentait-il l'idée des stoïciens d'une sorte de refonte du monde grâce à des embrasements périodiques 2. Dans un de ces cataclysmes le monde trouvera sa destruction finale; en se heurtant à un autre monde, il s'éparpillera en atomes, d'où sera créée, à la suite d'un long processus, une nouvelle terre, quelque part dans l'univers. « Démocrite et Epicure, expliquait Philon, postulent qu'il existe beaucoup de mondes, dont ils attribuent l'origine à des collisions mutuelles et à des agglomérations d'atomes; quant à leur destruction elle serait l'effet du contre-coup et des collisions des mondes ainsi formés. » Dans sa marche vers sa destruction finale, notre terre subit des cataclysmes cosmiques périodiques, et elle se recrée, avec tout ce qui vit sur elle. Hésiode, un des premiers auteurs grecs, a parlé de quatre âges, et de quatre générations d'hommes, qui furent détruits par le courroux des dieux planétaires. Le troisième âge fut l'âge du bronze. Quand il fut détruit par Zeus, une nouvelle génération d'hommes repeupla la terre. Ils employèrent le bronze pour fabriquer des armes et des instruments, et de plus commencèrent d'utiliser le fer. Les héros de la guerre de Troie appartenaient à la quatrième génération. Alors une nouvelle destruction fut décrétée, et après cela vint « une autre génération, la cinquième, celle des hommes qui habitent cette terre généreuse », la génération de l'âge du fer 3. Dans un autre ouvrage, Hésiode décrit la fin d'un âge : « La terres génératrice de vie était embrasée et craquait de toutes parts, le sol bouillonnait, et les flots de l'océan... On eût dit en vérité que la terre et le vaste ciel au-dessus d'elle se heurtaient, car pareils craquements gigantesques auraient retenti si la terre s'était ruée à sa destruction, et si le ciel d'en haut l'avait précipitée dans l'abîme 4. » Cette tradition de quatre âges achevés se retrouve sur les bords de la mer du Bengale, et sur les plateaux du Thibet, l'âge actuel étant le cinquième 5. Le livre sacré hindou Bhagavata Pourana nous parle de quatre époques, et de pralayas, ou cataclysmes dans lesquels, à différentes époques, l'humanité a été presque entièrement détruite; le cinquième âge est l'âge actuel. Les âges du monde sont appelés Kalpas ou Yugas. Chaque âge a été détruit par le feu, l'inondation ou le cyclone. L'Ezour Vedam et le Bhaga Vedam,.livres sacrés hindous, conservent cette notion de quatre âges achevés, l'unique différence étant le nombre d'années attribué à chacun d'eux 6. Au chapitre « Cycles du monde », du Visuddhi-Magga, il est dit qu'il y a trois destructions : la destruction par l'eau; la destruction par le feu, la destruction par le vent »; mais qu'il y a sept âges, chacun d'eux étant séparé du précédent par un cataclysme universel 7. Des allusions aux âges et aux cataclysmes se retrouvent dans l'Avesta (Zend-Avesta), les écrits sacrés du mazdaïsme, religion primitive des Perses8. « Bahman Yast », l'un des livres de l'Avesta, compte sept âges du monde ou millénaires9. Zarathoustra (Zoroastre), prophète du mazdaïsme, parle des « Signes, merveilles et confusions qui se manifestent dans le monde à la fin de chaque millénaire 11 » Les Chinois appellent les âges révolus kis, et comptent 10 kis du commencement du monde à Confucius11. Dans l'antique encyclopédie chinoise, Sing-li-ta-tsiuena-chou, on discute de convulsions générales de la terre. Par suite de la périodicité de ces convulsions, la période comprise entre deux catastrophes est considérée comme une « grande année ». De la même façon qu'au cours d'une année, le mécanisme cosmique se remonte au cours d'un âge du monde, et « dans une convulsion générale de la nature, la mer est arrachée à son lit, les montagnes surgissent du sol, les rivières changent leur cours, les êtres humains et toutes les choses sont détruits, et les anciens vestiges effacés 12 ». Une vieille et très persistante tradition, qui a trait aux âges du monde précipités dans des catastrophes cosmiques a été retrouvée dans les deux Amériques, parmi les Incas 13, les 21 Aztèques et les Mayas 14. Une grande partie des inscriptions de pierre découvertes chez les Yucatèques évoquent de pareils cataclysmes. « Les plus anciens de ces fragments (Katuns, ou calendriers sur pierre du Yucatan) font de fréquentes allusions à de grands cataclysmes qui, à plusieurs reprises, bouleversèrent le continent américain, et dont tous les peuples de ce continent ont gardé un souvenir plus ou moins distinct 15. » Les codici mexicains et les auteurs indiens qui composèrent les annales de ces peuples accordent une place prépondérante à cette tradition des cataclysmes qui décimèrent l'humanité et changèrent la face du monde. Dans les chroniques du royaume mexicain il est dit : « les anciens savaient que, avant que le ciel et la terre actuels fussent formés, l'homme était déjà créé, et la vie s'était manifestée quatre fois 16 ». La tradition de créations et de cataclysmes successifs se retrouve dans le Pacifique, à Hawaï 17 et dans les îles de Polynésie : il y avait neuf âges, et à chaque âge un ciel différent était au dessus de la terre 18. Les Islandais aussi croyaient que neuf mondes furent engloutis au cours d'âges successifs, tradition qui est contenue dans l'Edda 19. La conception rabbinique des âges se cristallisa au cours de la période postérieure à l'Exil. Avant même la naissance de notre terre, des mondes avaient été créés à seule fin d'être ultérieurement anéantis. « Il fit plusieurs mondes avant le nôtre, mais Il les détruisit tous. » Cette terre, de même, ne fut pas créée au commencement pour s'intégrer harmonieusement dans le Plan Divin. Elle fut refaite à six reprises consécutives. Des conditions nouvelles apparurent après chacun de ces cataclysmes. Sur la quatrième terre vécut la génération de la Tour de Babel; nous appartenons au septième âge. Chacun des âges, ou chacune des « terres » porte un nom. Sept cieux et sept terres furent créés. Le plus éloigné, le septième, Eretz ; le sixième, Adamah ; le cinquième, Arka ; le quatrième, Harabah ; le troisième, Yabbashah ; le deuxième, Tevel, enfin « notre terre à nous appelée Heled ; comme les autres, elle est séparée de la précédente par des abîmes, le chaos et l'eau 20 ». De grands cataclysmes changèrent la face de la terre; « quelques-uns périrent par le déluge, d'autres furent consumés par le feu », écrit le philosophe juif Philon 21. Selon le rabbin Rashi, l'ancienne tradition signale des effondrements périodiques du firmament; l'un d'eux eut lieu aux jours du Déluge, et ils se répétèrent à des intervalles de 1656 années 22. La durée des âges du monde est différente selon les traditions arméniennes et les traditions arabes 23. Les âges du soleil Un événement maintes fois cité dans les traditions des âges du monde est l'apparition d'un nouveau soleil dans le ciel au commencement de chaque âge. Le mot « soleil » est substitué au mot « âge » dans les traditions cosmogoniques de nombreux peuples, dans toutes les régions du globe. Les Mayas comptaient les âges d'après le nom attribué à leurs soleils consécutifs. Ceux-ci s'appelaient : Soleil de l'Eau, Soleil du Tremblement de terre, Soleil du Cyclone, Soleil du Feu. «Ces Soleils marquent les époques auxquelles on place les différentes catastrophes que le monde a subies 1. » Ixtlilxochitl (environ 1568-1648), l'érudit indien, a décrit dans ses annales des rois de Tezcuco les âges du monde, d'après les noms des « Soleils 2 ». Le Soleil de l'Eau (ou Soleil des Eaux) fut le premier âge, terminé par un déluge qui fit périr presque toutes les créatures. Le Soleil, ou âge, du Tremblement de terre fut anéanti par un séisme terrifiant qui fendit la terre en maints endroits et renversa les montagnes; l'âge du Soleil du Cyclone fut détruit par un cyclone cosmique. Le Soleil du Feu fut l'âge qui disparut sous une pluie de feu 3. 22 Humboldt, citant Gòmara, écrivain espagnol du XVIe siècle, écrivait : « Les nations de Culhua ou du Mexique croient, d'après leurs peintures hiéroglyphiques qu'avant le soleil qui les éclaire maintenant il y en a déjà eu quatre qui se sont éteints les uns après les autres. Ces quatre soleils sont autant d'âges dans lesquels notre espèce a été anéantie par des inondations des tremblements de terre, par un embrasement général et par l'effet des ouragans 4. » Les quatre éléments jouèrent un rôle dans chaque cataclysme; si le déluge, le cyclone, le tremblement de terre et le feu donnèrent leur nom à un cataclysme différent, ce fut à cause de la prédominance de l'un d'eux dans ces bouleversements. Les symboles des soleils successifs sont visibles sur les documents littéraires précolombiens du Mexique 5. Cinco soles que son edas, ou « cinq soleils qui sont des époques », a écrit Gòmara dans sa description de la conquête du Mexique 6. Une phrase analogue se trouve chez Lucius Ampelius, auteur romain, qui, dans son Liber Memorialis, a écrit 7: Soles fuere quinque (il y eut cinq soleils). C'est cette même croyance que Gòmara découvrit dans le Nouveau Monde. Au Mexique les Annales de Cuauhtitlan, écrites en langue nahuatl (vers 1570), et basées sur de vieilles sources, contiennent la tradition de sept époques solaires. Chicon-Tonatiuh ou « les sept soleils », désigne les cycles du monde, ou actes du drame cosmique 8. Le livre sacré bouddhique Visuddhi-Magga consacre un chapitre aux « cycles du monde 9 ». « Il y a trois destructions : la destruction par l'eau, la destruction par le feu, la destruction par le vent. » Après le cataclysme du déluge « lorsqu'une longue période se fut écoulée après la cessation des pluies un deuxième soleil apparut ». Dans l'intervalle le monde fut enveloppé de ténèbres. « Quand ce deuxième soleil apparaît, il n'y a pas de distinction entre le jour et la nuit », mais « une chaleur incessante accable le monde ». Quand le cinquième soleil apparut,. l'océan peu à peu se dessécha ; quand le sixième soleil apparut,« le monde entier s'emplit de fumée ». « Après une autre longue période, un septième soleil apparaît, et le monde entier s'embrase. » Ce livre bouddhique fait également allusion à un antérieur « Discours sur les sept soleils 10 ». Les Brahmanes appelaient les époques séparant deux destruction : « les grands jours 11 ». Les livres de la Sibylle énumèrent les âges au cours desquels le monde subit la destruction, puis la recréation. « La Sibylle a parlé comme suit : « les neuf soleils sont neuf âges... Ce soleil est le septième ». La Sibylle a évoqué dans sa prophétie deux autres âges futurs : ceux du huitième et du neuvième soleil 12. Les indigènes du Nord de Bornéo déclarent aujourd'hui encore qu'à l'origine le ciel pesait sur la terre, que six soleils périrent et qu'à présent le monde est éclairé par le septième 13. Les manuscrits mayas, les livres sacrés bouddhiques, livres de la Sibylle font allusion à sept âges solaires. Dans toutes les sources citées, les « soleils » sont considérés (par les sources elles-mêmes) comme étant des époques consécutives dont chacune fut anéantie dans une grande destruction générale. Cette substitution du mot « soleil » au mot « âge » par les peuples des deux hémisphères s'explique-t-elle par le changement d'aspect de l'astre lui-même et par le changement de sa trajectoire dans le ciel, à chacun des âges du monde ? 23 Première partie Vénus 24 Dans toute l'histoire de l'humanité, aucun livre n'a été lu plus attentivement, n'a circulé plus largement, ou n'a été exploré avec plus de soin que l'Ancien Testament. R. – H. PFEIFFER Introduction à l'Ancien Testament 25 26 Chapitre 1 La plus incroyable des histoires La plus incroyable histoire de miracles est racontée à propos de Josué, fils de Noun, qui, poursuivant les rois de Chanaan à Bethoron, supplia le soleil et la lune de s'immobiliser. « Il dit, en présence des Israélites « Soleil, arrête-toi sur Gabaon, « Et toi, lune, sur le val d'Ajalon. » Et le soleil s'arrêta et la lune se tint immobile, jusqu'à ce que le peuple se fût vengé de ses ennemis. Cela est écrit dans le livre du juste. Le soleil s'arrêta au milieu du ciel et ne se hâta pas de se coucher pendant presque un jour entier. (Josué 10-12, 13.) Cette histoire paraît incroyable, même aux personnes les plus pieuses ou les plus imaginatives. On pourrait admettre qu'une mer déchaînée ait anéanti une armée, et en ait épargné une autre; que la terre-se soit ouverte, engloutissant des êtres humains; que le cours du Jourdain se soit trouvé bloqué par l'effondrement d'une partie de sa rive; que les murs de Jéricho aient été abattus, non par la clameur des trompettes, mais par un tremblement de terre. Mais que le soleil et la lune aient interrompu leur course à travers le firmament, voilà qui est pur produit de la fantaisie, image poétique, métaphore 2, monstrueuse invraisemblance, qui défie le sens commun 3, invention méprisable qui peut-être même trahit une sorte d'irrespect à l'égard du Créateur. Pour la science de notre temps, et non pour celle de l'époque où furent écrits le livre de Josué et le livre du juste, pareil événement impliquerait que la terre cessât, un certain temps, de tourner, sur sa route assignée. Une telle perturbation est-elle concevable ? On ne découvre point le moindre indice de désordre dans les annales actuelles de la terre. Chaque année comprend 365 jours 5 heures et 49 minutes. I,'abandon par la terre de sa rotation régulière est impensable, sauf dans le cas très improbable où notre planète rencontrerait un autre corps céleste d'une masse suffisante pour interrompre la trajectoire éternelle de notre monde. Il est bien vrai que des aérolithes ou météorites tombent continuellement sur notre terre, quelquefois par milliers et dizaines de milliers. Mais on n'a jamais perçu le moindre désordre dans la rotation de la planète elle-même. Cette considération ne postule pas qu'un corps plus grand, ou un plus grand nombre de corps, n'aient pu heurter la sphère terrestre. Le grand nombre d'astéroïdes qu'on distingue entre les orbites de Mars et de Jupiter suggère qu'à une époque indéterminée une autre planète y était présente. Maintenant ces météorites suivent approximativement la trajectoire que suivait la planète détruite dans sa révolution autour du soleil. Il est possible qu'une comète soit entrée en collision avec elle et l'ait fracassée. Il n'est guère probable qu'une comète puisse entrer en collision avec notre planète; cependant l'idée n'est pas absurde. Le mécanisme céleste fonctionne avec une précision presque absolue. Mais dans le ciel errent par milliers, par millions, des comètes qui ont perdu leurs trajectoires, et leur interférence peut perturber l'harmonie céleste. Quelques-unes de ces comètes appartiennent à notre système. Périodiquement elles reviennent, mais à des intervalles assez irréguliers, à cause de l'attraction des grandes planètes, au moment où elles s'en 27 approchent trop. Mais d'autres comètes, innombrables, et décelables au seul télescope, arrivent à très grande vitesse des espaces incommensurables de l'Univers, et disparaissent, peut-être à jamais. Certaines comètes ne sont visibles que quelques heures, d'autres des jours, des semaines ou même des mois. Se pourrait-il que la terre, notre terre, se rue, au risque d'une collision pleine de périls, vers une énorme masse de météorites, une traînée de pierres tournant à une vitesse vertigineuse à travers notre système solaire ? Cette hypothèse a été analysée avec passion au cours du siècle dernier. Depuis l'époque où Aristote avait affirmé qu'un météorite, tombé à Aegospotamos alors qu'une comète brillait au ciel, avait été soulevé de terre par le vent, emporté dans les airs, et s'était abattu à cet endroit, jusqu'en 1803 (26 avril), où de nombreux météorites tombèrent à Laigle en France et furent examinés par Biot, représentant l'Académie des Sciences, tout le monde savant, les Copernic, Galilée, Képler, Newton, et Huygens, jugeait absolument Impossible qu'un seul bloc pût s'abattre sur la terre, et cela malgré les cas nombreux où des pierres tombèrent sous les yeux mêmes de la foule; ainsi un météorite s'abattit en présence de l'empereur Maximilien et de sa cour à Ensisheim, en Alsace, le 7 novembre 14924. juste avant 1803 l'Académie des Sciences de Paris refusait encore d'ajouter foi à un phénomène similaire. La chute de météorites, le 24 juillet 1790, dans le Sud-Ouest de la France, fut déclarée « un phénomène physiquement impossible 5 ». Depuis 1803, cependant, les savants admettent que des pierres tombent du ciel. Si une ou plusieurs pierres peuvent entrer en collision avec la terre, une comète entière pourrait-elle faire de même ? On a calculé que cette possibilité existe, mais qu'elle est très improbable 6. Si la tête d'une comète passait suffisamment près de notre trajectoire pour dévier la course de la terre, un autre phénomène, outre la perturbation de la trajectoire terrestre, se produirait sans doute : une pluie très dense de météorites frapperait la terre; des blocs incandescents, après avoir traversé l'atmosphère, frapperaient leur but en pleine violence. Dans le livre de Josué, deux versets avant le passage où il évoque l'arrêt du soleil pendant plusieurs heures, nous trouvons ces mots : « comme ils (les rois de Chanaan) fuyaient devant Israël, à la descente de Béthoron, le Seigneur lança sur eux du ciel une averse « de grosses pierres » jusqu'à Azéca; et ceux qui moururent sous cette averse de grêle (pierres de barad) furent plus nombreux que ceux que les Israélites firent périr par l'épée ». (Josué 10-11.) L'auteur du livre de Josué ignorait certainement la relation entre les deux phénomènes. On ne peut prétendre qu'il ait possédé la moindre connaissance de la nature des aérolithes, des forces d'attraction entre les corps célestes et autres lois semblables. Étant donné qu'il relate ces phénomènes comme simultanés, il est improbable qu'ils aient été inventés. Les météorites tombèrent sur la terre en torrents. Ils durent tomber en très grand nombre, car ils frappèrent plus de guerriers que les épées des adversaires. Pour tuer des guerriers par centaines ou par milliers sur le champ de bataille, il fallut que s'abatte une vraie cataracte de pierres. Pareille averse de grosses pierres suggère qu'une traînée de météorites, ou une comète, venait de frapper notre planète. La citation de la Bible tirée du livre du juste est laconique, et peut donner l'impression que le phénomène de l'immobilisation du soleil et de la lune fut local, visible seulement en Palestine, entre la vallée d'Ajalon et de Gadaon. Mais le caractère cosmique du prodige apparaît dans une prière d'action de grâces attribuée à Josué : « Le soleil et la lune s'arrêtèrent dans les cieux Et, dans ta rage, Tu te dressas contre les oppresseurs; Tous les princes de la terre se soulevèrent. Les rois des nations s'étaient tous rassemblés. 28 Et tu les détruisis en Ton ire, Et tu les anéantis en Ta rage. Les nations tremblaient de peur à cause de Ta fureur Et les Royaumes chancelaient sous Ton courroux. Tu déversas sur eux Ta colère Et Tu les terrifias par Ta rage... La terre trembla, fut secouée du bruit de Tes tonnerres Et Tu les poursuivis en Ton orage Et Tu les consumas en Ton grand tourbillon... Leurs carcasses gisaient comme des tas d'ordures 8. C'est une vaste étendue que balaya la colère de Dieu la prière y insiste : « Tous les royaumes chancelèrent... » Un torrent de grosses pierres qui s'abat du ciel, un tremblement de terre un tourbillon, une perturbation du mouvement de la terre : ces quatre phénomènes vont de pair. Il semble qu'une volumineuse comète ait dû passer très près de notre planète et entraver brutalement son mouvement. Une partie des pierres dispersées dans la queue de la comète frappa la surface de notre terre et la fit voler en éclats. Sommes-nous fondés, sur la foi du livre de Josué, à certifier qu'à une certaine date au milieu du deuxième millénaire avant notre ère, la rotation régulière de la terre fut interrompue par une comète ? Pareille affirmation est chargée de tant d'implications qu'elle ne doit pas être faite à la légère. A ceci, je réponds que bien que les implications en soient extrêmement importantes et nombreuses, les recherches auxquelles je me suis livré, considérées dans leur ensemble, présentent un enchaînement de documents et d'autres témoignages qui concourent à étayer l'affirmation ci-dessus, et toutes les autres qu'on trouvera dans ce livre. Le problème qui nous est posé est un problème de mécanique. Les points situés sur les couches extérieures du globe en rotation (surtout à proximité de l'équateur) se déplacent à une vitesse linéaire plus grande que ceux des couches intérieures, mais à la même vitesse angulaire. Par conséquent, si brusquement la terre était arrêtée (ou ralentie) dans sa rotation, les couches intérieures pourraient s'immobiliser (ou leur vitesse de rotation se trouver ralentie), tandis que les couches extérieures tendraient à poursuivre leur rotation. Cela provoquerait une friction entre les différentes couches liquides ou semi-fluides, donc de la chaleur. A la périphérie. les couches solides seraient disloquées, ce qui amènerait l'écroulement ou le surgissement de montagnes, sinon de continents. Comme je le montrerai par la suite, des montagnes se sont effondrées, et d'autres ont surgi de terrains plats. La terre avec ses océans et ses continents a subi un accroissement de chaleur. La mer a bouillonné en de nombreux endroits, et des rochers se sont liquéfiés, des volcans ont craché des flammes et des forêts ont été ravagées par le feu. Le brusque arrêt de la terre, qui à son équateur tourne à un peu plus de 1600 kilomètres-heure, n'impliquerait-il pas la destruction totale du monde ? Puisque le monde a survécu, il a dû y avoir quelque mécanisme pour amortir le ralentissement de la rotation terrestre (s'il a vraiment eu lieu), ou quelque autre exutoire à l'énergie cinétique, outre la transformation en chaleur; ou bien les deux simultanément. Il se pourrait encore, si la rotation s'est poursuivie sans perturbation, que l'axe de la terre eût été dévié par la présence d'un puissant champ magnétique, en sorte que le soleil parut interrompre pendant des heures son mouvement diurne 9. Ces problèmes ne seront pas perdus de vue, et seront abordés dans l'épilogue de ce livre De l'autre côté de l'océan 29 Le livre de Josué, compilation du livre du juste plus ancien, replace les événements dans leur chronologie. « Josué... quitta Galgala et marcha toute la nuit. » A l'aube, il tomba à l'improviste sur ses ennemis devant Gabaon, et « les poursuivit vers la montée de Béthoron ». Comme ils s'enfuyaient, de grosses pierres furent lancées du ciel. Ce même jour « (le jour où le Seigneur livra les Amorrhéens) », le soleil s'immobilisa au-dessus de Gabaon, et la lune au dessus du val d'Ajalon. On a déjà fait observer que cette description des astres implique que le soleil était celui du matin 1. Le livre de Josué dit que les astres s'immobilisèrent au milieu du ciel. En tenant compte de la différence des longitudes l'événement dut se produire dans l'hémisphère occidental de bonne heure le matin, ou alors qu'il faisait encore nuit. Consultons les livres où sont consignées les traditions historiques des aborigènes de l'Amérique Centrale. Les marins de Colomb et de Cortès, lorsqu'ils arrivèrent en Amérique, trouvèrent des peuples cultivés qui avaient une littérature originale. La plupart de ces livres furent brûlés au XVIe siècle par les moines dominicains. Un nombre infime des anciens manuscrits échappèrent à la destruction; ceux-là sont conservés dans les bibliothèques de Paris, du Vatican, du Prado et de Dresde. Ils sont appelés « codex » et leur texte a été étudié et partiellement déchiffré. Cependant, parmi les Indiens de l'époque de la conquête et du siècle suivant, se trouvaient des lettrés qui savaient interpréter l'écriture pictographique de leurs ancêtres 2. Dans les Annales de Cuauhtitlan 3 (histoire des Empires de Culhuacan et du Mexique, écrite en langue nahuatl au XVIe siècle), il est relaté qu'au cours d'un cataclysme cosmique qui se produisit dans un passé reculé, la nuit se prolongea très longtemps. Le récit de la Bible décrit comment le soleil resta dans le ciel un jour supplémentaire (« environ tout un jour »). Les Midrashim, recueil des anciennes traditions non incorporées aux Écritures, rapportent que le soleil et la lune s'immobilisèrent pendant 36 itim, c'est-à-dire 18 heures4 ; par conséquent, du lever au coucher du soleil, le jour dura environ trente heures. Dans les annales mexicaines, il est déclaré que le monde fut privé de lumière et que le soleil n'apparut pas durant une nuit quadruple de la nuit normale. Pendant cette journée ou cette nuit d'une exceptionnelle durée, le temps ne pouvait être mesuré par les moyens habituels à la disposition des anciens 5. Sahagun, le savant espagnol qui vint en Amérique une génération après Colomb et qui recueillit les traditions des aborigènes, a écrit qu'au cours d'un cataclysme cosmique, le soleil se leva à peine au-dessus de l'horizon, et s'y arrêta. La lune aussi s'immobilisa 6. Explorons l'hémisphère occidental d'abord, parce que lorsqu'il fut découvert la Bible y était inconnue de ses habitants. De même, la tradition recueillie par Sahagun n'offre aucun indice quelle ait été introduite par les missionnaires : dans sa version rien ne suggère Josué, ni sa guerre contre les rois de Chanaan. Et la position du soleil, immobilisé juste au-dessus de l'horizon à l'Est, diffère du texte biblique, sans pourtant le contredire. Nous pourrions poursuivre notre enquête autour de la terre et étudier les différentes traditions qui font mention de la prolongation du jour ou de la nuit, ou de la disparition du soleil et de la lune, attardés en différents points du Zodiaque, tandis que la terre subissait un bombardement de pierres dans un monde embrasé. Mais il nous faut remettre un instant ce voyage. Il y eut plus d'un cataclysme aux temps où, selon le souvenir des hommes, la terre se refusa à jouer son rôle de chronomètre, en ne tournant plus régulièrement sur son axe. Il nous faut d'abord traiter des cataclysmes cosmiques isolés qui se produisirent soit avant celui ci dessus décrit, soit postérieurement, et qui furent de plus ou moins grande amplitude. 30 31 Chapitre 2 Cinquante-deux ans avant La tradition écrite pré-colombienne d'Amérique Centrale rapporte que cinquante-deux ans avant le cataclysme qui ressemble fort à celui de l'époque de Josué, une autre catastrophe de proportions mondiales avait eu lieu 1. Il est par conséquent naturel de retourner aux vieilles traditions israélites, telles qu'elles sont rapportées dans les Écritures, pour déterminer si elles contiennent le témoignage d'un cataclysme correspondant. Les pérégrinations à travers le désert selon les Écritures durèrent quarante années. Après quoi, et pendant plusieurs années avant le jour où le mouvement de la terre fut perturbé, la conquête de la Palestine se poursuivit 2. Il semble donc raisonnable de se demander si une date antérieure de cinquante deux ans à l'événement coïnciderait avec l'époque de l'Exode. Dans l'ouvrage Ages in chaos, je décris assez longuement le cataclysme qui s'abattit sur l'Egypte et l'Arabie. Dans cet ouvrage, j'explique que l'Exode eut lieu au milieu d'un grand bouleversement cosmique qui mit fin à la période de l'histoire d'Égypte connue sous le nom de « Moyen-Empire ».je m'efforce de montrer que les documents égyptiens contemporains de l'Exode décrivent le même désastre, accompagné par les « plaies d'Égypte », et que les traditions de la péninsule arabique relatent des événements similaires qui eurent lieu dans ce pays comme sur les bords de la mer Rouge. Dans ce livre, je fais état d'une idée de Beke qui soutient que le mont Sinaï était un volcan en activité. Cependant, je révèle que « l'ampleur du cataclysme dut dépasser de loin les effets des perturbations qu'eût provoquées un unique volcan en activité », et je m'engage à répondre à la question suivante : « Quelle fut la nature et l'importance de ce cataclysme, ou de cette série de cataclysmes, accompagné de « plaies » ? Je publierai quelque jour un ouvrage sur la nature des grands cataclysmes du passé. Les deux ouvrages (reconstruction de l'histoire, et reconstruction de l'histoire naturelle) ont été conçus en six mois à peine. Le souci d'établir une exacte chronologie des faits historiques avant de situer les grands faits de l'histoire de la nature dans les périodes de l'histoire des hommes m'a incité à écrire Ages in chaos le premier 3. J'emprunterai quelques données historiques aux premiers chapitres d'Ages in chaos, je les y utilise afin de synchroniser les événements dans les différentes histoires des pays de la Méditerranée Orientale. Dans le présent livre, mon dessein sera de montrer, à partir de ces données, que les mêmes événements se sont produits dans le monde entier, et d'expliquer d'autre part, la nature de tels événements. Le monde rouge J'entends établir qu'au milieu du deuxième millénaire avant notre ère, la terre subit l'un des plus grands cataclysmes de son histoire. Un corps céleste, tout récemment entré dans le système solaire - une nouvelle comète - s'approcha très près de la terre. On peut reconstituer le récit de ce cataclysme d'après les témoignages fournis par un grand nombre de documents. La comète s'éloignait de son périhélie; elle heurta d'abord la terre de sa queue gazeuse. Dans les pages suivantes, je montrerai que c'est au sujet de cette comète que Servius a écrit : « Non igneo sed sanguineo rubore fuisse » (elle n'était pas d'un rouge feu, mais d'un rouge sang). 32 L'un des premiers signes visibles de cette rencontre fut la couleur rouge que prit la surface de la terre, sous l'influence d'une fine poussière de pigments couleur rouille. Dans les mers, les lacs et les rivières, ce pigment donna à l'eau la couleur du sang. Sous l'effet de ces particules, ou de quelque autre pigment soluble, le monde devint rouge. Le Manuscrit Quiché des Mayas nous rapporte que dans l'hémisphère occidental, aux temps d'un grand cataclysme où la terre trembla et où le mouvement du soleil s'interrompit, l'eau des rivières fut transformée en sang 1. L'égyptien Ipuwer, témoin oculaire de la catastrophe, consigna sur le papyrus ses lamentations 2. « La rivière est de sang », dit-il; et le livre de l'Exode lui fait écho (7 : 20) : « Toute l'eau du fleuve se changera en sang ». L'auteur du papyrus écrivit également : « La peste s'est abattue sur le pays entier. Le sang est partout », expressions identiques à celles du livre de l'Exode (7 : 21) « il y avait du sang sur toute la terre d'Égypte ». La présence du pigment hématoïde dans les fleuves provoqua la mort des poissons, suivie de décomposition et de puanteur : « et le fleuve devint infect » (Exode : 7 : 21) « Et tous les Egyptiens creusèrent le sol dans le voisinage du Nil pour trouver de l'eau potable, car ils ne pouvaient boire celle du fleuve. » (Exode : 7 : 24). Le papyrus rapporte : « Les hommes répugnent à la goûter. Les êtres humains ont soif d'eau »; « telle est notre eau! tel est notre bonheur! que ferons-nous ? tout est ruine! » La peau des hommes et des animaux fut irritée par la poussière, qui provoquait des pustules, la maladie, et la mort du bétail, « une piste terrible 8 ». Les bêtes sauvages, effrayées par les présages du ciel, s'approchaient des villages et des cités 4. Le sommet des montagnes de Thrace reçut le nom de « Haemus », et Apollodore rapporte la tradition thrace, qui attribue comme origine à ce nom « le torrent de sang jailli sur la montagne » quand se livra le combat céleste entre Zeus et Typhon, et que Typhon fut frappé de la foudre 6. On dit qu'une ville égyptienne reçut le même nom pour la même raison 6. La mythologie qui personnifiait les forces du drame cosmique décrivait le monde comme étant teinté de rouge. Dans un mythe égyptien la teinte rouge sang du monde est attribuée au sang d'Osiris, le Dieu-Planète blessé à mort. Dans un autre mythe, c'est le sang de Set ou d'Apopi ; dans le mythe babylonien le inonde fut rougi par le sang du monstre céleste Tiamat égorgé 7. L'épopée finnoise, le Kalevala, décrit comment, au temps du bouleversement cosmique, le monde fut aspergé de lait rouge 8. Les Tartares de l'Altaï parlent d'un cataclysme où « le sang colore le monde entier en rouge », et qui est suivi d'un embrasement général 9. Les hymnes orphiques font allusion à l'époque où la voûte céleste, « le puissant Olympe, trembla de peur... et la terre tout alentour poussa un cri terrible, et la mer s'agita, soulevant des vagues pourpres 10. Voici un vieux thème de discussion : pourquoi la mer Rouge a-t-elle reçu ce nom? Si une mer est appelée noire ou blanche, la raison en peut être la coloration sombre de ses eaux, ou l'éclat des neiges et des glaces. La mer Rouge est bleu foncé. Faute de mieux, on a proposé comme explication de cette dénomination la présence de quelques formations de corail, ou de quelques oiseaux rouges sur les grèves de cette mer 11. Comme toute l'eau en Égypte, la surface de la mer, au moment du Passage, était d'une teinte rouge. Il semble donc que Raphaël n'ait point commis d'erreur dans son tableau du « Passage », en donnant à l'eau une couleur rouge. Naturellement, ce ne fut pas telle rivière, telle montagne, telle mer particulière qui se teinta de rouge, et qui reçut ainsi le nom de « rouge » ou de « sanglant », pour la distinguer des autres montagnes ou des autres mers; des foules humaines rescapées du cataclysme auquel elles venaient d'assister attribuèrent le qualificatif d'haemus, ou rouge, aux lieux mêmes où elles se trouvaient alors. 33 Le phénomène de la « pluie de sang » a également été observé sur des surfaces réduites, et à une petite échelle, en des époques plus récentes. Une de ces pluies, selon Pline, se serait produite sous le consulat de Manius Acilius et de Gaius Porcius 12. Les Babyloniens parlent également de la poussière et de la pluie rouges tombant du ciel 13. Des cas de « pluie de sang » ont été signalés dans différentes régions 14. La poussière rouge, soluble dans l'eau, tombant du ciel sous l'aspect de gouttes liquides, ne se forme pas dans les nuages, mais doit provenir d'éruptions volcaniques, ou des espaces cosmiques. Il est généralement reconnu que la chute de poussière météorite est un phénomène qui se produit surtout après le passage de météorites; cette poussière se retrouve sur la neige des montagnes et dans les régions polaires 15. La pluie de pierres Après la poussière rouge, une « petite poussière », pareille à de la « cendre de fournaise », se répandit « sur toute la terre d'Égypte » (Exode, IX, 8). Puis une pluie de météorites s'abattit sur la terre. Notre planète pénétra plus profondément dans la queue de la comète. La poussière était le signe avant-coureur des pierres. Il tomba « une grêle si violente qu'il n'y en a pas eu de semblable en Égypte depuis son origine jusqu'à ce jour » (Exode, IX, 18). Ces pierres de «barad», ici traduites par « grêle », désignent, comme dans la plupart des passages où on les cite dans la Bible, les météorites. Nous savons aussi, par les sources du Midrash et du Talmud, que les pierres qui tombèrent sur l'Égypte étaient brûlantes 1. Ceci ne peut s'appliquer qu'à des météorites, et non à une grêle glacée 2. Dans les Ecritures, il est dit que ces pierres tombèrent « mêlées de feu » (Exode, IX, 24) (expression dont je discuterai le sens dans la partie suivante), et que leur chute s'accompagna de « grands bruits » (Kolot) La traduction de ce mot par « tonnerre » est métaphorique, mais littéralement incorrecte, car « tonnerre » se dit Raam, et tel n'est pas le mot employé ici. La chute des météorites s'accompagne de fracas, et de bruits d'explosion, et en cette circonstance ils étaient si « puissants », que, selon le récit des Écritures, les gens dans le palais furent aussi terrifiés par le fracas des pierres que par les ravages qu'elles causaient (Exode, IX, 28). La poussière rouge avait effrayé le peuple : une proclamation invitait les hommes à s'abriter et à protéger leur bétail. « Mets donc en sûreté ton bétail, et tout ce que tu as dans les champs, car tous les hommes et tous les animaux qui se trouveront dans les champs, sans être rentrés à la maison, seront atteints par la grêle et périront. » (Exode, IX, 19.) De même, le témoin égyptien déclare : « Le bétail est laissé à l'abandon et il n'y a personne pour le rassembler. Chacun va chercher pour son compte les bêtes marquées à son nom 3. » La chute des pierres de feu mit en fuite le bétail effrayé. Ipuwer écrivit aussi : « les arbres sont détruits »; « on ne trouve ni fruits, ni légumes », « la semence a péri de toutes parts », « ce qui hier était encore visible a péri. La terre est aussi dénudée qu'après la coupe du lin 4 ». En un jour, les champs furent transformés en désert. Dans le livre de l'Exode (IX, 25), il est écrit : « Et la grêle frappa toute la verdure des champs, et brisa tous les arbres de la campagne. » On retrouve la description d'une semblable catastrophe dans le Visuddhi-Magga, texte bouddhique traitant des cycles du Monde. « Quand un cycle du monde est détruit par le vent... il se lève au début un grand nuage destructeur du cycle, et d'abord une poussière fine, puis une grosse poussière, puis du sable fin, puis du gros sable, et puis des graviers, des pierres et finalement des rochers aussi gros que les grands arbres au sommet des collines. Le vent « retourne le sol à l'envers, de larges surfaces se fendent et sont projetées en l'air », « toutes les demeures de la terre » sont détruites dans un cataclysme où « les mondes s'entre choquent » 5. Au Mexique, les Annales de Cuauhtitlan décrivent comment un cataclysme fut accompagné d'une pluie de pierres. Dans les traditions orales des Indiens, le motif est repris maintes fois. En une époque antique le ciel « fit pleuvoir, non de l'eau, mais du feu, et des pierres chauffées au rouge ». Tout cela concorde avec la tradition hébraïque. 34 Le naphte Le pétrole brut est formé de deux éléments, le carbone et l'hydrogène. Les principales théories sur l'origine du pétrole sont les suivantes : 1. La théorie inorganique. L'association du carbone et de l'hydrogène s'est effectuée dans les formations rocheuses de la terre sous l'effet d'une forte chaleur et d'une forte pression. 2. La théorie organique. L'hydrogène et le carbone qui composent le pétrole proviennent l'un et l'autre des débris de vie végétale et animale en particulier de la vie microscopique que contenaient les mers et les marécages. La théorie organique implique que le processus a commencé alors que la vie était déjà abondante, tout au moins dans les fonds marins La queue des comètes est composée principalement de gaz de carbone et d'hydrogène. Privés d'oxygène, ils ne brûlent pas au cours de leur trajectoire, mais les gaz inflammables, en traversant une atmosphère qui contient de 1'oxygène, prendront feu. Si les gaz de carbone et d'hydrogène, ou des vapeurs composées de ces deux éléments, pénètrent dans l'atmosphère en énormes quantités une certaine partie s'enflammera, fixant tout l'oxygène disponible, le reste échappera à la combustion, mais, par une rapide transformation, se liquéfiera. En arrivant au sol, la substance, si elle était liquide, le pénétrerait par les interstices du sable et les crevasses des rochers. Mais en tombant sur l'eau elle y flotterait, si le feu allumé dans l'atmosphère venait à s'éteindre avant que de nouveaux apports d'oxygène n'arrivent d'autres régions. La chute d'un liquide épais qui descendit vers la terre, et flamba en dégageant une fumée très dense est relatée dans les traditions orales et écrites des habitants des deux hémisphères, On lit dans Popol-Vuh, le livre sacré des Mayas 2 : « Ce fut la ruine et la destruction » ... la mer s'entassa à de grandes hauteurs... Il y eut une grande inondation; les gens se noyèrent dans une substance visqueuse qui tombait du ciel... La face de la terre s'assombrit, et la pluie sombre tomba des jours et des nuits... Puis il y eut un grand bruit de feu au-dessus de leurs têtes. » La population entière fut anéantie. Le manuscrit Quiché perpétue l'image de la destruction des populations mexicaines par une chute de bitume 3 : « Il descendit du ciel une pluie de bitume et de résine..... la terre s'obscurcit et il plut nuit et jour. Et les hommes allaient et venaient hors d'eux-mêmes, comme frappés de folie : ils voulaient monter sur les toits, et les maisons s'écroulaient; ils voulaient grimper sur les arbres, et les arbres les secouaient loin d'eux, et quand ils allaient pour se réfugier dans les grottes et les cavernes, aussitôt elles se fermaient. » Un récit semblable est enregistré dans les Annales de Cuauhtitlan 4. L'âge qui se termina par une pluie de feu fut appelé : « quia-tonatiuh'», qui signifie « le Soleil de la pluie de feu 5 ». Et beaucoup plus loin, dans l'autre hémisphère, en Sibérie, les Vogouls se transmirent à travers les siècles et les millénaires ce souvenir : « Dieu envoya une mer de feu sur la terre..... Ils appellent la cause de ce feu « Eau de feu 6 ». » Un demi-méridien plus au Sud, dans les Indes néerlandaises, les tribus indigènes racontent que, dans un passé éloigné, Sengle-Das, ou l' « Eau-de-Feu », tomba du ciel. A quelques exceptions près, tous les hommes périrent 7. Voici la description de la huitième plaie,,telle qu'elle figure dans l'Exode : « Il tomba de la grêle (barad = des météorites), et le feu était rnélangé à la grêle (barad). Elle était si violente qu'il n'y en avait point eu de semblable en Égypte depuis qu'elle forme une nation. » (Exode, IX, 24). « Il y eu du tonnerre (plus exactement : un grand bruit), et de la grêle (barad), et le feu se rua sur la terre » (Exode , IX, 23) 35 Le Papyrus Ipuwer décrit ce feu dévorant : « les portails, les colonnes et les murs sont consumés par le feu. Le ciel n'est que confusion 8 ». Le Papyrus dit que ce feu « détruisit l'humanité » presque entièrement. Plusieurs textes des Midrashim affirment que du naphte rnélangé à des pierres brûlantes s'abattit sur l'Egypte. « Les Égyptiens refusèrent de laisser partir les Israélites, et Il versa sur eux du naphte, et des pustules brûlantes. » C'était « un flot de naphte brûlant 9 ». Naphte est le nom du pétrole en araméen et en hébreu. Le peuple égyptien fut « accablé par d'étranges pluies, de la grêle et des averses inexorables, et entièrement consumé par le feu; car, fait étonnant entre tous, c'est dans l'eau qui éteint toutes choses que le feu brûlait le plus activement 10 », ce qui est la caractéristique même du pétrole en combustion. Dans la liste des plaies d'Égypte qu'énumère le Psaume CV, il est question de « fleuve de feu » et, dans Daniel (VII, 10) de « torrent enflammé ». L'Agadah de la Pâque déclare que « les hommes. puissants de Pul et de Lud (Lydie, Asie Mineure) furent détruits par un incendie dévastateur au jour du Passage ». Dans la vallée de l'Euphrate, les Babyloniens citaient souvent « la pluie de feu », dont le souvenir s'était perpétué 11. Toutes les contrées dont j'ai cité les traditions relatives à la pluie de feu possèdent en fait des gisements de pétrole : Mexique, Indes néerlandaises, Sibérie, Irak et Égypte. Il se peut que le fluide combustible ait flotté un certain temps à la surface des mers, imprégné la surface du sol, et qu'il se soit fortuitement enflammé. « Durant sept hivers et sept étés, le feu a fait rage... Il a consumé la surface de la terre », racontent les Vogouls de Sibérie 12. Le récit des pérégrinations dans le désert contient plusieurs allusions à du feu jaillissant de la terre. Après avoir quitté la montagne où leur avait été dictée la loi, les Israélites marchèrent trois jours, et il arriva que « le feu du Seigneur s'alluma au milieu d'eux, et dévora l'extrémité du camp » (Nombres, II, I). Les Israélites reprirent leur route. Puis vint la révolte de Coré et de ses complices : « et la terre ouvrit sa gueule béante, et les engloutit... et tous les Israélites qui étaient autour s'enfuirent en entendant leurs cris... Un feu jaillit d'auprès du Seigneur et dévora les deux cent cinquante hommes qui offraient l'encens 13 ». Quand ils firent brûler l'encens, les vapeurs qui sortaient par la crevasse du rocher s'enflammèrent et explosèrent. Peu habitués à se servir de cette huile riche en principes volatils, les prêtres israélites furent les premières victimes du feu. Les deux fils aînés d'Aaron, Nadab et Abiu, « moururent devant le Seigneur, lorsqu'ils apportèrent un feu étranger dans le désert de Sinaï 14 ». Le feu était appelé étranger à la fois parce qu'il était inconnu et d'origine étrangère. Si du pétrole tomba sur le désert d'Arabie et sur la terre d'Égypte et y brûla, on doit retrouver des traces d'incendie dans quelques-uns des tombeaux construits avant la fin du Moyen Empire, et dans lesquels le pétrole ou quelques-uns de ses dérivés se seraient infiltrés. Nous lisons dans la description du tombeau d'Antefoker, vizir de Sésostris I, pharaon du Moyen-Empire « Il se pose à nous un problème concernant un incendie, évidemment volontaire, qui a exercé ses ravages dans la tombe, comme dans mainte autre... La matière combustible a dû être non seulement abondante, mais légère, car seul un feu violente et se consumant rapidement peut expliquer que les tombeaux ainsi brûlés ne soient absolument pas noircis, sauf dans les parties inférieures. En général, on ne trouve pas non plus de vestiges calcinés. Ces circonstances sont déconcertantes 15. 36 « Et que nous dit l'histoire naturelle ? » demande Philon dans son livre De l'éternité du monde16 ; et il répondait : « les destructions des choses sur la terre, non pas de toutes les choses à la fois, mais d'une très grande partie, sont attribuées à deux causes principales : les attaques furieuses du feu et de l'eau. Ces deux visitations, nous dit-on, descendent sur la terre à tour de rôle, après de très longues révolutions d'années. Quand l'agent est l'incendie, un torrent de feu céleste se déverse d'en haut, s'étend sur maints endroits, et recouvre de grandes étendues de la terre habitée ». La pluie d'eau de feu a alimenté la terre en pétrole. Cette huile des roches terrestres semble être, au moins en partie, de « l'huile d'étoile », tombée à la fin des âges du monde, en particulier de l'âge qui s'est terminé au milieu du deuxième millénaire avant notre ère. Les prêtres iraniens adoraient le feu qui sortait du sol. Les adeptes du zoroastrisme ou mazdaïsme sont également appelés adorateurs du feu. Le feu du Caucase était tenu en haute estime par tous les habitants des pays voisins. C'est au Caucase que se rattache, et qu'a pris naissance la légende de Prométhée 17. Il fut enchaîné à un rocher pour avoir apporté le feu à l'homme. Le caractère allégorique de la légende prend toute sa signification si nous nous rappelons les paroles de saint Augustin, selon qui Prométhée était contemporain de Moïse 18. Des torrents de pétrole se déversèrent sur le Caucase et y brûlèrent. La fumée de l'incendie du Caucase hantait encore l'imagination d'Ovide, quinze siècles plus tard, lorsqu'il décrivit l'embrasement du inonde. Les incendies ultérieurs en Sibérie, au Caucase, en Arabie et partout ailleurs, ne furent que les flambées qui succédèrent au grand embrasement de l'époque où la terre fut enveloppée de vapeurs de carbone et d'hydrogène. Dans les siècles suivants, le pétrole fut adoré, brûlé dans les lieux saints. On s'en servit également à des fins domestiques. Puis des siècles s'écoulèrent où il fut complètement abandonné. Ce n'est qu'au milieu du siècle dernier que l'homme commença d'exploiter cette huile, en partie fournie par la comète de l'époque de l'Exode. Il utilisa ses propriétés, et aujourd'hui les grandes routes sont sillonnées de véhicules propulsés par le pétrole. Et l'homme a conquis le ciel, réalisant son antique rêve de voler comme les oiseaux. Là encore, l'homme utilise l'héritage de la comète, cette indiscrète visiteuse qui déversa des vapeurs et du feu sur ses ancêtres. Les ténèbres La terre pénétra plus profondément dans la queue de la comète qui se précipitait sur elle, et s'approcha du corps cométaire. Cette proximité, si l'on doit en croire les sources, provoqua une perturbation dans la rotation de notre globe. De terribles ouragans se déchaînèrent sur toute la surface du globe, par suite de l'altération ou du renversement de la vitesse angulaire de rotation, et sous l'effet des gaz, des poussières et des cendres de la comète qui balayaient la terre. De nombreuses sources rabbiniques décrivent la calamité des ténèbres. En voici l'essentiel 1. Un vent extrêmement violent souffla durant sept jours. Pendant tout ce temps, la terre fut plongée dans les ténèbres. « Les quatre, cinq et sixième jours les ténèbres étaient si épaisses qu'ils (les Égyptiens) étaient contraints de rester sur place. » « Les ténèbres étaient de telle nature que les moyens artificiels étaient impuissants contre elles. Les lueurs des feux, ou bien étaient éteintes par la violence de l'ouragan, ou bien invisibles, et englouties sous l'épaisseur des ténèbres. On ne discernait rien... personne n'était capable de parler ni d'entendre et personne n'osait prendre de nourriture, mais ils s'étendirent et restèrent prostrés, comme plongés en léthargie. Ainsi demeurèrent-ils, accablés par le fléau. » Les ténèbres étaient de telle nature qu'elles « les aveuglaient, et les faisaient suffoquer 2 ». Elles n'étaient pas « d'une espèce commune, ni terrestre 3 ». La tradition rabbinique, en 37 contradiction avec l'esprit du récit des Écritures, affirme qu'au cours du cataclysme des Ténèbres, la grande majorité des Israélites périt, et qu'une infime fraction de la population primitive fut épargnée et parvint à quitter l'Égypte; 98 %. des Israélites auraient péri, dit-on, dans ce cataclysme 4. Un tombeau de granit noir, trouvé à el-Arish, à la frontière de l'Égypte et de la Palestine, porte une longue inscription en hiéroglyphes, qui se déchiffre ainsi : « Le pays connut une grande affliction. Le malheur tomba sur cette terre... Il y eut un grand bouleversement dans le palais... Personne ne put quitter le palais (Il n'y eut pas de sortie hors du palais) durant neuf jours; et durant ces neuf jours de bouleversement, il y eut une telle tempête que ni les hommes, ni les dieux (la famille royale) ne pouvaient discerner le visage de ceux qui les entouraient 5. » Cette inscription donne des ténèbres le même récit que l'Exode, X, 22 : « Et il y eut d'épaisses ténèbres sur toutes la terre d'Égypte pendant trois jours. Ils ne se voyaient pas les uns les autres, et personne ne bougea de place pendant trois jours. » La différence entre le nombre de jours (trois, et neuf) attribué aux ténèbres est moindre d'après les sources rabbiniques, où leur durée est de sept jours. La différence de sept à neuf est négligeable, si l'on considère la subjectivité de l'estimation du temps, en de pareilles circonstances. L'appréciation de l'épaisseur des ténèbres est également subjective. Les sources rabbiniques disent que pendant un certain temps il y eut une très faible visibilité, et le reste du temps (trois jours), aucune. On ne doit pas oublier que, dans le cas dont j'ai déjà parlé, un jour et une nuit de ténèbres ou de lumière peuvent être interprétés soit comme un jour, soit comme deux jours. On peut au reste établir par des moyens différents que les deux sources, l'hébraïque et l'égyptienne, se rapportent au même événement. Après les longues ténèbres et l'ouragan, le Pharaon, d'après le texte hiéroglyphique du tombeau, poursuivit les « Mauvais » jusqu'au « lieu appelé Pi-Khiroti ». Le même lieu est cité dans l'Exode, XIV, 9 : « Mais les Égyptiens les poursuivirent, tous les chars et les chevaux du Pharaon... et rejoignirent leur camp près de la mer à Pi-ha-khi-roth 6. » L'inscription du tombeau rapporte également la mort du Pharaon au cours de cette poursuite, et en des circonstances exceptionnelles : « Or, lorsque sa Majesté combattit les « Mauvais» dans cette mare, endroit de la trombe d'eau, les « Mauvais » ne triomphèrent pas de sa Majesté. Sa Majesté sauta dans la trombe d'eau. » C'est la même apothéose que celle décrite dans l'Exode, XV, 19 -. « Car le cheval du Pharaon entra avec ses chars et ses cavaliers dans la mer, et le Seigneur rabattit sur eux les eaux de la mer. » Si « les ténèbres d'Égypte » furent provoquées par un arrêt de la terre, ou par un basculement de son axe, et si elles furent intensifiées par la mince poussière de cendre provenant de la comète, alors le globe entier dut subir l'effet de deux phénomènes concomitants. Dans l'hémisphère oriental, comme dans l'occidental, il dut y avoir un jour d'une anormale longueur, et très sombre. Les nations et tribus de maintes régions du globe, au Nord, au Sud et à l'Ouest de l'Égypte, possèdent de vieilles traditions relatives à un cataclysme cosmique au cours duquel le soleil ne brilla pas. Mais, dans certaines parties du monde, les traditions affirment que le soleil ne s'est pas couché pendant une durée égale à quelques jours. Les tribus du Soudan, au Sud de l'Égypte, font allusion dans leurs contes à une période où la nuit ne voulait finir 7. Le Kalevala, épopée finnoise, parle d'une époque où des grêlons de fer tombèrent du ciel, et où le soleil et la lune disparurent (« furent dérobés au ciel »), et ne reparurent plus; ils furent remplacés, après une période de ténèbres, par un nouveau soleil et une nouvelle lune 8. Caïus Julius Solinus écrit qu' « à la suite du déluge qui se serait produit au temps d'Ogygès, une nuit épaisse recouvrit le globe 9. 38 Dans les manuscrits d'Avila et de Molina, qui recueillirent les traditions des Indiens du Nouveau Monde, il est rapporté que le soleil demeura cinq jours invisible. Une collision d'étoiles précéda le cataclysme; les gens et les animaux tentèrent de se réfugier dans les cavernes des montagnes. « A peine s'y trouvaient-ils installés que la mer, rompant ses digues à la suite d'un ébranlement épouvantable, commença à monter du côté du Pacifique. Mais à mesure que la mer montait, remplissant les vallées et les plaines d'alentour, la montagne d'Ancasmarca s'élevait de son côté, comme un navire au-dessus des flots. Durant les jours que dura ce cataclysme le soleil cessa de se montrer et la terre resta dans l'obscurité 10. » De même les traditions péruviennes décrivent une époque où le soleil n'apparut pas pendant cinq jours. Au cours de ce bouleversement, la terre changea de profil, et la mer s'abattit sur le continent 11. A l'Est de l'Égypte, en Babylonie, la onzième tablette de l'épopée de Gilgamesh (Gilgamesh) fait allusion aux mêmes événements. A l'horizon se forma un nuage sombre, qui s'abattit sur la terre. Le sol se recroquevilla sous la chaleur des flammes. « La désolation... s'étendit jusqu'au ciel... toute clarté devint ténèbres. et un frère ne pouvait reconnaître son frère ... six jours... l'ouragan, le déluge, la tempête continuèrent à balayer la terre... et toute l'humanité retourna à son argile 12. » Le livre iranien Anugita révèle qu'un âge du monde se termina par une nuit et un jour de la durée de trois nuits et trois jours ordinaires 13, et le Bundehesh, dans un texte que je citerai par la suite, et qui s'apparente étroitement aux événements du cataclysme décrit ici, parle de ténèbres enveloppant le Monde en plein jour, comme au cœur de la nuit. Elles étaient provoquées, d'après le Bundehesh, par une guerre entre étoiles et planètes 14. Une nuit anormalement longue, encore obscurcie par les tourbillons de poussière qui s'abattaient des espaces interplanétaires, enveloppa l'Europe, l'Afrique, l'Amérique et les vallées de l'Euphrate et de l'Indus. Si la rotation de la terre n'a pas été arrêtée mais ralentie, ou si son axe a basculé, il y eut nécessairement une longitude sous laquelle un jour prolongé fut suivi d'une nuit prolongée. La situation de l'Iran est telle que, si l'on en croit la tradition iranienne, le soleil fut absent pendant un jour triple du jour normal, et puis brilla pendant un jour triple. En Orient, il dut y avoir un jour plus long que de coutume, correspondant à la nuit prolongée de l'Occident. D'après le « Bahman yast », à la fin d'un âge du monde, à l'Est de l'Iran ou bien dans l'Inde, le soleil resta dix jours visible dans le ciel. En Chine, sous le règne de l'Empereur Yao, un grand cataclysme mit fin à un âge du monde. Pendant dix jours le soleil ne se coucha pas 15. Les événements qui se produisirent à l'époque de l'Empereur Yao méritent un examen attentif. J'y reviendrai d'ici peu 16. Le séisme La terre, arrachée à son mouvement régulier, réagit à l'approche imminente du corps de la comète: un énorme choc bouleversa la lithosphère, et le séisme se propagea sur le globe entier. Ipuwer fut témoin de ce séisme, auquel il échappa. « Les villes sont détruites, la Haute Égypte est un désert... tout est ruine. » « Le palais a été retourné sens dessus dessous en un instant 1. » Seul un séisme pouvait « retourner » le palais en un instant. Le mot égyptien pour « retourner » est employé dans le sens d' « abattre un mur 2 ». Ce fut la dixième plaie. « Et le Pharaon se leva la nuit, lui, et ses serviteurs, et tous les Égyptiens. Et il y eût de grands pleurs en Égypte, car il n'y avait pas une maison où il n'y eût un mort » (Exode, XII, 3o). Les maisons tombèrent, frappées d'un coup très violent. « (L'ange du Seigneur) passa au-dessus des maisons des enfants d'Israël en Égypte, frappa les Égyptiens 39 et épargna nos maisons » (Exode, XII, 27)- Nogaf signifiant « frappa » est le mot employé pour un coup très violent, comme par exemple le coup de corne d'un bœuf. L'Agadah du Passage dit : « Tu as écrasé à minuit les premiers nés des Égyptiens. » La raison pour laquelle les Israélites souffrirent moins de ce cataclysme que les Égyptiens tient probablement aux matériaux dont étaient construites leurs habitations. Comme ils occupaient une région marécageuse et travaillaient sur un terrain argileux, les prisonniers devaient habiter des huttes d'argile et de roseaux, plus élastiques que la brique ou la pierre. « Le Seigneur passera au-dessus de la porte et ne souffrira pas que le destructeur vienne frapper vos maisons 3. » Un autre exemple de la variation des effets d'un agent naturel selon les différents types des constructions se trouve rapporté dans les annales mexicaines. Au cours d'un cataclysme accompagné d'ouragan et de séisme, seuls les habitants de petites huttes de bois furent épargnés. Les plus grandes constructions furent emportées. « Ils découvrirent que ceux qui logeaient dans de petites maisons avaient été sauvés, de même que les jeunes mariés, qui, suivant la coutume, habitaient pendant quelques années dans des huttes en face des habitations de leurs beaux-pères 4. » Dans « Ages in Chaos » (où je tente une reconstruction de l'histoire ancienne), je montrerai que le premier né » (Bkhor), dans le texte des plaies de l'Égypte, est une corruption du mot signifiant a choisi » (Bchor). Toute la fleur de l'Egypte périt dans le cataclysme. « En vérité, les enfants des princes sont écrasés contre les murs... les enfants des princes sont précipités dans les rues »; « la prison est détruite », écrivait Ipuwer 5, et ceci nous rappelle les princes des palais, les prisonniers des cachots, qui furent victimes du désastre (Exode XII, 28). A l'appui de mon interprétation de la dixième plaie - tremblement de terre selon moi (l'expression « frappa les maisons » le démontre évidemment) - se trouve un passage d'Artanapu qui décrit la dernière nuit précédent l'Exode, et qui est cité par Eusèbe - Il y eut « de la grêle et un tremblement de terre la nuit, en sorte que ceux qui fuyaient le tremblement de terre furent tués par la grêle, et que ceux qui cherchaient à s'abriter de la grêle furent détruits par le tremblement de terre. Et à ce moment-là, toutes les maisons s'écroulèrent et la plupart des temples 6 ». De même, Hieronimus (saint Jérome) écrivit dans une épître, que « la nuit où eut lieu l'Exode, tous les temples d'Égypte furent détruits soit par le tremblement de terre, soit par la foudre 7 ». Et de même dans les Midrashim : « La septième plaie, la plaie de la grêle (barad = météorites) : tremblement de terre, feu, météorites 8 ». Il est également narré que les constructions érigées par les esclaves israélites à Pithom et Ramsès s'effondrèrent, ou furent englouties dans la terre 9. Une inscription qui date du début du Haut Empire fait allusion à un temple du Moyen Empire qui fut « englouti par le sol » à la fin du Moyen Empire 10. La tête du corps céleste approcha très près de la terre, en se frayant son passage à travers les ténèbres de l'enveloppe gazeuse; d'après les Midrashim, la dernière nuit en Égypte fut aussi brillante que midi au jour du solstice d'été 11. La population s'enfuit. « Les hommes fuient; ils fabriquent des tentes comme les paysans des collines », écrivit Ipuwer 12. La population d'une ville détruite par un tremblement de terre passe généralement la nuit dans les champs. Le livre de l'Exode décrit une panique la nuit de la dixième plaie. Une « foule mélangée » de non-Israélites quitta l'Égypte avec les Israélites, qui passèrent leur première nuit dans des huttes (Sukkoth) 13. « Les éclairs éclairèrent le monde : la terre trembla et fut secouée... Tu conduis ton peuple comme un troupeau par la main de Moïse et d'Aaron 14. » Ils furent conduits hors d'Égypte par un signe qui ressemblait à un bras tendu, « par un bras tendu et par de grandes terreurs », ou bien « par une main puissante, avec un bras tendu, et avec de grandes terreurs, et avec des présages, et avec des merveilles 15, 40 « 13 » « A minuit », toutes les maisons d'Egypte furent frappées. Il n'y avait pas une maison où il n'y eut un mort ». Telle fut cette nuit du quatorzième jour du mois d'Aviv (Exode, XII, 6 ; XIII, 4), qui est la nuit du Passage. Il semble que primitivement les Israélites célébraient la Pâque la veille du quatorzième jour d'Aviv. Le mois d'Aviv est appelé « le premier mois » (Exode, XII, 18). Tut était le nom du premier mois égyptien. Ce qui, pour les Israélites, devint une fête, fut pour les Égyptiens un jour de deuil et de jeûne. « Le treizième jour du mois Tut (est) un très mauvais jour. Tu ne feras rien ce jour-là. C'est le jour du combat qu'Horus livra à Set 1. » Les Hébreux comptaient (et comptent encore) le commencement de la journée à partir du coucher du soleil 2; les Égyptiens à partir de son lever 3. Comme le cataclysme se produisit à minuit, pour les Israélites, c'était le quatorzième jour du (premier) mois, pour les Égyptiens le treizième. Un séisme provoqué par le contact ou la collision avec une comète doit être ressenti simultanément par tout le globe. Un séisme n'est pas un phénomène exceptionnel. Mais un séisme qui accompagne un choc cosmique devait revêtir une importance considérable, et laisser un souvenir durable chez les survivants. Dans le calendrier de l'hémisphère occidental il est dit que le treizième jour du mois appelé « Olin » (« Mouvement », ou « tremblement de terre 4 ») un nouveau Soleil inaugura un nouvel âge du monde 5. Les Aztèques, comme les Égyptiens, comptaient la journée à partir du lever du soleil 6. Ici nous avons, en passant 7, la réponse au problème, non résolu, de l'origine de la superstition qui attribue au nombre treize, et en particulier à la date du treize, une influence maléfique. elle est encore la croyance de beaucoup de gens superstitieux, croyance que n'ont point altérée des milliers d'années, et qui s'exprime dans les mêmes termes : « le treizième jour est un jour très mauvais; tu n'entreprendras rien ce jour-là ». je ne pense pas qu'on puisse retrouver aucune trace de cette croyance antérieurement à l'Exode. Les Israélites ne partageaient pas cette superstition du nombre treize (ou quatorze) porte-malheur. 41 42 Chapitre 3 L'ouragan Le brutal déplacement d'air sous le choc des parties gazeuses de la comète, le souffle produit par l'attraction du corps cométaire, le mouvement accéléré des couches atmosphériques sous l'effet de la force d'inertie lorsque la terre interrompit sa rotation ou déplaça ses pôles, tout contribua à produire des ouragans, d'une vitesse et d'une force prodigieuses. qui affectèrent la planète entière. Le Manuscrit Troano et d'autres documents mayas décrivent un cataclysme cosmique au cours duquel l'océan s'abattit sur le continent, et un terrible ouragan balaya la terre 1. L'ouragan ravagea et emporta toutes les villes et toutes les forêts 2. Des explosions volcaniques, des trombes d'eau qui déferlaient sur les montagnes, et des vents furieux, menacèrent de détruire l'humanité, et en fait détruisirent de nombreuses espèces animales. La face de la terre changea, des montagnes s'effondrèrent, d'autres surgirent au-dessus des cataractes torrentielles soulevées des espaces océaniques, d'innombrables rivières quittèrent leur lit, et une tornade souffla sauvagement parmi les débris qui tombaient du ciel. La fin de l'âge du monde fut provoquée par Hurakan, l'agent physique qui amena les ténèbres, emporta les maisons, les arbres, et même des rochers et des masses de terre. De ce nom vient « ouragan », le mot que nous employons pour désigner un vent violent. Hurakan détruisit la plus grande partie de la race humaine. Dans les ténèbres balayées par le vent, une matière résineuse tomba du ciel, et contribua avec le feu et l'eau à la destruction du monde 3. Pendant cinq jours, à l'exception du naphte qui brûlait et des volcans en feu, le monde fut plongé dans l'obscurité, puisque le soleil n'apparut pas. Le thème de l'ouragan cosmique est repris maintes fois dans les Vedas hindous, dans l'Avesta perse 4, et « diluvium venti » le déluge de vent, est un terme employé par maints auteurs anciens 5. Dans le chapitre « Les Ténèbres », j'ai cité les sources rabbiniques relatives au « Vent d'Ouest prodigieusement violent » qui dura sept jours, tandis que la terre était plongée dans les ténèbres; j'ai cité aussi l'inscription hiéroglyphique d'el-Arish mentionnant « neuf jours de bouleversement » tandis « qu'il y avait une telle tempête » que personne ne pouvait quitter le palais, ni discerner le visage de ses voisins; la onzième tablette de l'Epopée de Gilgamesh, qui affirme que « six jours et une nuit... le déluge, l'ouragan et la tempête ne cessèrent de balayer la terre », et que l'humanité périt presque entièrement. Dans le combat que le dieu-planète Mardouk livra à Tiamat, « Il (Mardouk) créa le vent mauvais, et la tempête, et le vent quadruple, et le vent septuple, et le tourbillon, et le vent qui n'avait pas son égal 6 ». Les Maoris racontent 7 qu'au milieu d'un cataclysme effrayant « les vents puissants, les rafales déchaînées, les nuages épais, sombres, impétueux, se pourchassant furieusement, avec un fracas épouvantable » se ruèrent sur la création, et en leur sein était Tawhiri-ma-tea, père des vents et des tempêtes; ils emportèrent des forêts gigantesques et déchaînèrent des trombes d'eau dont la crête atteignait la cime des montagnes. La terre geignit affreusement et l'océan s'enfuit. « La terre fut submergée par l'océan, mais en fut retirée par Tefaafanau » racontent les indigènes de Paumotu en Polynésie. « Quand les nouvelles îles furent pêchées, une étoile servit d'appât. » Au mois de mars, les Polynésiens célèbrent un dieu : Taafanua 8. « En arabe, Tyfoon est le tourbillon, et Tufan est le déluge; et le même mot se retrouve en chinois, sous la forme de 43 Ty-fong 9 ». Il semble que le bruit de l'ouragan ait été accompagné d'un son assez semblable à celui du mot Tyfon, comme si la tempête l'appelait par son nom. Le bouleversement cosmique s'amplifia avec « un vent d'Ouest très fort 10 », mais avant qu'il n'atteignit son paroxysme, suivant les paroles naïves des Écritures, « le Seigneur par un puissant vent d'Est fit reculer la mer toute la nuit, assécha les fonds marins, et les eaux furent divisées 11». Les Israélites étaient sur les grèves de la mer du Passage au moment de l'extrême déchaînement du cataclysme. Le nom Jam Suf est généralement traduit par mer Rouge. On suppose que le Passage s'est effectué soit au golfe de Suez, soit au golfe de la mer Rouge nonuné Akaba, mais on le situe parfois sur un des lacs intérieurs entre Suez et la Méditerranée. On fait valoir que Suf signifie roseau (roseau à papyrus), et puisque les roseaux à papyrus ne poussent pas clans l'eau salée, Jam Suf devait être une lagune d'eau douce 12. Nous n'entrerons pas ici dans les détails de la discussion sur la situation exacte de la mer du Passage. L'inscription trouvée sur le tombeau d'el-Arish peut fournir des indications sur le lieu où le Pharaon fut englouti par la trombe d'eau 13. De toute manière la répartition topographique de la mer et du continent avant et après le cataclysme contemporain de l'Exode ne peut être la même. Mais le nom de la mer du Passage (Jam Suf) vient non pas de « roseau », mais de « ouragan », suf, sufa, en hébreu. En égyptien, la mer Rouge est appelée shari, c'est-à-dire la mer du « Choc » (mare percussionis), ou mer du heurt, ou du désastre 14. L'Agadah de la Pâque déclare : « Tu as balayé la terre de Moph, et de Noph... le jour du Passage 15. » L'ouragan qui mit fin au Moyen-Empire en Egypte ( « le souffle du mécontentement céleste », selon l'expression de Manéthon), se déchaîna sur toutes les parties du monde. Pour distinguer dans les traditions des peuples ce diluvium venti, cataclysme cosmique, des tempêtes catastrophiques mais locales, il faut le retrouver accompagné d'autres perturbations cosmiques, telles que la disparition du soleil, ou le bouleversement de l'aspect du ciel. Dans le mythe cosmogonique japonais, la déesse-soleil est restée longtemps cachée dans une caverne céleste, effrayée par le dieu-tempête. « La source de la lumière disparut, le monde entier s'assombrit », et le dieu-tempête se livra à une destruction monstrueuse. Les dieux firent un bruit terrible pour que la déesse-soleil reparut, et leur tumulte fit trembler la terre 16. Au japon, et sur l'immense surface de l'océan, les ouragans et tremblements de terre ne sont pas rares. Mais ils ne troublent pas l'alternance du jour et de la nuit, et ils ne provoquent pas non plus de changement permanent dans la configuration du ciel et de ses astres. « Le ciel était bas », rapportent les Polynésiens de l'île Takaofo, « puis vinrent les vents, et les trombes d'eau, et les ouragans, et ils soulevèrent le ciel jusqu'à sa hauteur actuelle 17 ». « Quand un cycle du monde est détruit par le vent » dit le texte bouddhique sur les « cycles du Monde », le vent « retourne le sol sens dessus dessous, et le projette dans le ciel », et « les terres, sur une étendue de cent lieues, sur une étendue de deux cents, trois cents, de cinq cents lieues craquent et sont jetées en l'air par la force du vent » et elles ne retombent pas, mais « sont réduites en poussière dans le ciel, et anéanties ». « Et le vent projette également dans le ciel les montagnes qui entourent le ciel... (Elles) sont écrasées en poussière, et détruites » « Le vent cosmique souffle et détruit « cent mille fois dix millions de mondes 16. » La marée Les marées de l'océan sont produites par l'action du soleil, et davantage par celle de la lune. Un corps céleste plus grand que la lune, ou plus proche qu'elle de la terre, aurait exercé une action supérieure encore. Une comète possédant une tête de la grandeur de la terre, et passant à proximité suffisante, soulèverait les eaux de l'océan à des kilomètres de hauteur 1. Le 44 ralentissement ou l'arrêt de la rotation de la terre provoquerait le recul des mers vers les pôles 2. Mais la proximité d'un corps céleste entraverait ce recul, car il attirerait l'eau vers lui-même. Les traditions de nombreux peuples insistent sur le fait que les mers furent scindées, soulevées à une très grande hauteur et retombèrent sur les continents. Afin d'établir que ces traditions se rapportent bien au même événement, ou tout au moins à un événement de même ordre, nous devons suivre cette idée directrice : la grande marée suivit une perturbation du mouvement de la terre. Les annales chinoises dont j'ai parlé, et que je citerai plus longuement dans un chapitre ultérieur, prétendent qu'au temps de l'empereur Yao le soleil ne se coucha pas pendant dix jours. Le monde brûla, et « les vagues dépassèrent les hauts sommets, menaçant les cieux de leurs flots ». L'eau de l'océan fut soulevée et retomba sur le continent asiatique. Un grand raz de marée déferla sur les montagnes et se brisa au centre de l'Empire de Chine. Cette eau demeura prisonnière des vallées, et le continent fut inondé pendant des décades. Les traditions des peuples péruviens rapportent que pendant une période égale à cinq jours et cinq nuits, le soleil ne se montra pas. Ensuite l'océan quitta ses rivages et avec un fracas terrible s'abattit sur le continent; toute la surface de la terre fut transformée par ce cataclysme 3. Selon les Indiens Choctas de l'Oldahoma, « la terre fut longtemps plongée dans les ténèbres » ; finalement, une vive lumière apparut au Nord; mais « c'était des vagues hautes connne des montagnes, qui s'approchaient rapidement 4 ». Dans ces traditions, on découvre deux éléments conjoints : des ténèbres prolongées qui durèrent plusieurs jours (en Asie, un jour prolongé), et, quand le jour perça, une vague de la hauteur d'une montagne, qui ravagea la terre. Le récit hébraïque du Passage contient les mêmes éléments. Il y eut des ténèbres prolongées et totales (Exode, X, 21). Le dernier jour des ténèbres fut celui passé devant la mer Rouge 5. Quand le monde émergea des ténèbres, le fond marin était à découvert, les eaux séparées en deux, et elles se dressaient comme des murs en une double lame 6. La version des Septante déclare que l'eau « se dressait comme un mur », et le Coran, faisant allusion à l'événement, ajoute « comme des montagnes ». Dans la vieille tradition rabbinique, on lit que l'eau fut suspendue comme si elle était « une glace, solide et massive 7 ». Le commentateur Rashi, guidé par la structure granunaticale de la phrase du livre de l'Exode, expliquait, d'accord avec Mechilta : « l'eau de toutes les mers et de tous les océans fut divisée 8.» Les Midrashim contiennent la description suivante : « les eaux s'entassaient à la hauteur de 2.500 kilomètres, et étaient visibles de toutes les nations de la terre 9. » Cette évocation a pour dessein de suggérer la hauteur fantastique des eaux. Selon les Écritures, les eaux recouvraient les montagnes, et furent soulevées jusques aux cieux 10 ». Une mer scindée en deux était un spectacle prodigieux, inoubliable. Il est cité dans de nombreux passages des Écritures. « Les colonnes des cieux s'ébranlent; dans sa puissance Il soulève la mer 11. » « En présence de leurs pères au pays d'Égypte Il avait fait des prodiges, Il avait fendu la mer en deux pour les faire passer, en retenant les eaux verticales comme une digue12. » « Il tient assemblées toutes les eaux de la mer, comme si c'était dans une outre... Que toute la terre craigne le Seigneur 13. » Puis la grande mer (la mer Méditerranée) pénétra dans la mer Rouge en un gigantesque raz de marée 14. C'était un événement extraordinaire qui devint le souvenir le plus vivace de la très longue histoire de ce peuple. Tous les peuples et toutes les nations furent dévastés par le même feu, et détruits par ce même déchaînement de la nature. Les tribus d'Israël, sur une grève, reçurent leur libération du cataclysme lui-même. Elles échappèrent à la destruction, mais leurs oppresseurs 45 périrent sous leurs yeux. Elles chantèrent les louanges du Seigneur, se constituèrent des lois morales, et se crurent les élues de Dieu pour une grande destinée. Quand les Espagnols conquirent le Yucatan, ceux des Indiens qui connaissaient l'antique littérature de leur peuple rapportèrent aux conquérants la tradition transmise par leurs ancêtres : ceux-ci échappèrent à la poursuite d'un autre peuple, lorsque le Seigneur leur ouvrit un chemin au milieu de la mer 15. Cette tradition est si semblable à la tradition juive, que certains des moines qui vinrent en Amérique crurent que les Indiens d'Amérique étaient d'origine juive. Le moine Diego de Langa écrivit : « quelques vieillards du Yucatan rapportent qu'ils ont entendu dire par leurs ancêtres que ce pays était peuplé par une race venue de l'Est, que Dieu avait délivrée en lui ouvrant douze routes à travers la mer. Si ceci est vrai, tous les Indiens doivent être de descendance juive 16. » Peut-être avons-nous là un écho des événements de la mer Rouge, ou bien le récit d'un événement semblable, à la même époque, mais en un lieu différent. Selon l'histoire cosmogonique de Laponie 17, « quand la malice des hommes grandit » la terre en son centre « trembla de terreur, en sorte que les couches supérieures s'effondrèrent, précipitant dans les abîmes ainsi ouverts beaucoup d'hommes qui y périrent ». « Et Jubmel, le Seigneur du ciel en personne, descendit... sa terrible colère lançait des flammes pareilles à des serpents de feu, rouges, bleus et verts, et les gens se cachèrent le visage, et les enfants hurlèrent de peur,... le dieu irrité parla... : « je renverserai le monde, je ferai couler à rebours les fleuves, je dresserai la mer en un mur d'une hauteur gigantesque, que je précipiterai sur vos maudits enfants de la terre, et ainsi je les détruirai, eux et toute vie. » « Jubmel fit souffler un vent de tempête, Et déchaîna les sauvages esprits de l'air... Écumante, emportée, dressée jusqu’au ciel, Arriva la muraille marine, écrasant toutes choses. Jubmel, d'une poussée puissante, Fit chavirer toutes les terres, Puis il remit d'aplomb le monde. Alors montagnes et plateaux Échappaient au regard de Beijke ( le soleil). Emplie des plaintes des mourants Était la belle terre, foyer des hommes, Et Beijke ne brillait plus au firmament ». Selon l'épopée laponne, le monde fut écrasé par l'ouragan et par la mer, et presque tous les êtres humains périrent. Après que la muraille marine se fut abattue sur le continent, de gigantesques lames continuèrent à déferler, et les cadavres étaient charriés de tous côtés par les eaux sombres. Un grand tremblement de terre, des abîmes béants dans le sol, l'apparition d'un corps céleste accompagné de serpents de feu, les rivières au cours rétrograde, un mur marin écrasant tout, les montagnes nivelées ou submergées, le monde chaviré et puis remis d'aplomb, le soleil absent du ciel, tels sont les motifs que nous avons déjà trouvés dans la description des cataclysmes du temps de l'Exode. En maints endroits du monde, et surtout dans le Nord, se dressent d'énormes blocs, en une position telle qu'il fallut une grande force pour les soulever et les transporter sur de longues distances, avant de les déposer au lieu où ils se trouvent aujourd'hui. Quelquefois ces roches sont d'une composition minérale absolument différente de celle des roches avoisinantes, mais 46 elles s'apparentent, par contre, à des formations éloignées de plusieurs kilomètres. Parfois un bloc erratique de granit est déposé au sommet d'une haute arête de dolérite, alors que les plus proches affleurements de granit sont à des kilomètres de là. Ces blocs erratiques peuvent peser j'usqu'à 10.000 tonnes, soit environ le poids de 130.000 hommes 18, Pour expliquer ces faits, les savants de la première moitié du XIXe siècle ont prétendu que d'énormes marées avaient déferlé sur les continents et y avaient entraîné des masses de pierres. Le transport des roches était ainsi expliqué par les marées, mais quel phénomène avait pu soulever ces immenses marées à une si grande hauteur et les précipiter sur les continents ? « On a pensé que d'une manière ou d'une autre, quelque part dans l'Extrême-Nord, une série de vagues gigantesques s'était mystérieusement propagée. On supposait que ces vagues s'étaient précipitées sur le continent et avaient recouvert, dans leur ruée sauvage, les montagnes comme les vallées, entraînant avec elles d'énormes masses de roches, de pierres et de débris. Pareils déluges étaient nommés « vagues de transport »; et l'on pensait que les dépôts représentaient les matériaux qu'elles avaient entraînés dans leur course sauvage sur le continent 19 ». Cette théorie expliquait la présence de pierres et de blocs erratiques au sommet des montagnes, comme des entassements de sable et de gravier dans les vallées. Les critiques, cependant, soutenaient « qu'il était regrettable pour cette théorie qu'elle violât à son point de départ même les principes premiers de la science, en postulant l'existence d'un phénomène non vérifié... Des ruées spasmodiques de la mer sur un pays entier ne s'étaient malheureusement jamais produites au cours de l'histoire humaine 20 ». Mais l'exactitude de cette dernière phrase nous parâit douteuse, si l'on se reporte aux traditions de nombreux peuples. Partout où c'était possible on a attribué la migration des pierres au déplacement de la nappe de glace pendant des époques glaciaires, et aux glaciers sur les pentes des montagnes. Agassiz, en 1840, prétendit que, de même que les moraines des Alpes étaient abandonnées par les glaciers au cours de leur recul, les moraines des plateaux d'Amérique et d'Europe septentrionale pouvaient être attribuées aux déplacements de grands glaciers continentaux (telle est l'origine de la théorie des périodes glaciaires). Bien que tout cela soit exact dans une certaine mesure, l'analogie elle-même ne l'est point, étant donné que les glaciers des Alpes poussent les pierres vers la vallée, et non de bas en haut. Si le mouvement des glaces avait été ascendant, les grands blocs de pierre se seraient probablement enfoncés dans la glace. Le problème de la migration des pierres doit être considéré comme ne présentant qu'une corrélation partielle avec l'avance ou le recul de la couche de glace, si corrélation il y a. Des vagues hautes de plusieurs kilomètres ont déferlé sur le continent, et les causes en ont été décrites dans ce livre. On peut établir d'après le degré de dénudation des roches placées sous les blocs erratiques, que ceux-ci y furent déposés au cours de la période historique. Tels sont ceux du Pays de Galles et du Yorkshire; d'après eux on a pu assigner par le calcul une date au phénomène : « le degré de dénudation des roches calcaires sur lesquelles reposent les roches erratiques » « prouve qu'une période qui n'excède pas 6.000 années s'est écoulée depuis qu'elles ont été déposées à cet endroit 21 ». Le transport des masses de pierres de l'équateur jusque vers des latitudes supérieures, problème insoluble auquel se heurte la théorie glaciaire, peut s'expliquer par le recul vers le pôle des eaux de l'équateur, au moment où la vitesse de rotation de la terre fut réduite, ou ses pôles déplacés. Dans l'hémisphère nord, aux Indes, les moraines furent transportées non seulement à des latitudes supérieures, mais jusque vers les monts Himalaya; et dans l'hémisphère Sud, de l'Afrique équatoriale jusqu'à des latitudes supérieures, à travers les savanes, les déserts et les forêts du continent noir. La grande bataille céleste 47 En même temps que les mers se déchaînaient en marées monstrueuses, un spectacle se déroulait dans le ciel, qui, aux yeux des spectateurs horrifiés, revêtait l'aspect d'un gigantesque combat. Comme il fut visible de presque toutes les parties du monde, et s'imprima profondément dans l'imagination des peuples, il est possible de le reconstituer avec quelque détail. Quand la terre traversa les gaz, la poussière et les météorites de la queue de la comète, elle fut entravée dans sa rotation, et son orbite fut déformée. Émergeant des ténèbres, l'hémisphère oriental se trouva face à la tête de la comète. Cette tête venait de passer à proximité du soleil et se trouvait en état d'incandescence. La nuit où le grand séisme secoua la terre fut, selon la littérature rabbinique, aussi brillante que le jour du solstice d'été. Par suite de la proximité de la terre, la comète abandonna son orbite, et pendant un certain temps suivit celle de la terre. Le gros globe de la comète s'éloigna, puis de nouveau se rapprocha de la terre, enveloppé de gaz sombres qui ressemblaient à une colonne de fumée le jour, et de feu la nuit. Et la terre, une fois de plus, traversa l'atmosphère de la comète, mais cette fois à la hauteur de son col. Cette phase s'accompagna de violentes et incessantes décharges électriques entre l'atmosphère de la queue et l'atmosphère terrestre. Il y eut un intervalle d'environ six jours entre les deux rapprochements. Émergeant des gaz de la comète la terre semble avoir changé son sens de rotation, et la colonne de fumée se déplaça vers l'horizon opposé 1. La colonne ressemblait à un gigantesque serpent en mouvement. Quand les raz de marée eurent atteint leur hauteur maxima, et que les mers se furent déchirées, une étincelle gigantesque circula entre la terre et le globe de la comète, qui, instantanément, provoqua l'écroulement des vagues, hautes de plusieurs kilomètres. Cependant, sous l'effet de la proximité immédiate de la terre, la queue et la tête de la comète s'étaient enchevêtrées et échangeaient de violentes décharges électriques. On eût dit un combat entre le globe brillant et la sombre colonne de fumée. En échangeant leurs potentiels électriques, la queue et la tête s'attiraient et se repoussaient. De la queue, qui avait l'aspect d'un serpent, naquirent des ramifications, et elle perdit sa forme de colonne. Elle ressemblait maintenant à un animal furieux avec des pattes et des têtes multiples. Les décharges firent voler la colonne en éclats, et le phénomène s'accompagna d'un déluge de météorites qui s'abattit sur la terre. On eût dit que le monstre vaincu par le globe brillant s'abîmait dans les flots. Puis la terre fut enveloppée par les gaz de la queue. Le globe de la comète, qui avait perdu une grande partie de son atmosphère en même temps que de son potentiel électrique, s'éloigna de la terre, mais ne s'arracha pas à son attraction. Il semble qu'après un intervalle de six semaines, la distance entre la terre et la comète ait diminué de nouveau. Ce nouveau rapprochement ne put être aisément observé, car la terre était enveloppée par les nuages de poussière précédemment laissés par la comète, et par les poussières que les volcans éjectaient. Après de nouvelles décharges, la comète et la terre se séparèrent. Ce comportement de la comète revêt une importance majeure dans les problèmes de mécanique céleste. Un exemple précis prouve qu'une comète, en rencontrant une planète, subit l'attraction de celle-ci, abandonne sa propre trajectoire pour en suivre une nouvelle, et finalement se libère de l'influence de la planète; tel est le cas de la comète de Lexell, qui, en 1767, fut « captée » par Jupiter et ses satellites. Ce n'est qu'en 1779 qu'elle se libéra de cette attraction. Mais on n'a pu observer, dans les temps modernes, cet échange de décharges électriques entre une planète et une comète, et entre la tête d'une comète et sa queue. Ces phénomènes ont été interprétés par les peuples du globe comme un combat entre un monstre malfaisant, qui eût pris la forme d'un serpent, et le dieu-lumière, qui livra bataille au monstre, et ainsi sauva le monde. La queue de la comète, bondissant en arrière et en avant, sous 48 les décharges du globe flamboyant, leur parut douée d'une existence distincte : à leurs yeux, elle était l'ennemi de la tête de la comète. Un examen complet des motifs religieux ou folkloriques qui reflètent cet événement exigerait plus de place que celle dont je dispose ici. Il est difficile de trouver un peuple ou une tribu qui ne révèle la présence de ce motif à la racine même de ses croyances religieuses 2. Comme les descriptions du combat entre Mardouk et Tiamat, le dragon, ou entre Isis et Set, ou Vishnu et le serpent, ou Krisma et le serpent, ou Ormuzd et Ahriman sont, dans leurs grandes lignes, similaires, et puisqu'elles présentent beaucoup de points communs avec le combat de Zeus et de Typhon, je me contenterai de citer la narration qu'Apollodore fit de ce combat 3. Typhon « dominait toutes les montagnes, et sa tête souvent touchait aux étoiles. Une de ses mains atteignait l'occident, l'autre l'orient, et il en sortait cent têtes de dragons. A ses cuisses, pendaient d'énormes noeuds de vipères qui... émettaient un long sifflement... son corps était tout ailé... et ses yeux lançaient des éclairs de feu. Tel était Typhon, et aussi formidable, quand, en lançant des rochers enflammés, il s'en alla défier le ciel, sifflant, hurlant et crachant de grands jets de feu par la bouche ». J'usqu'au ciel d'Égypte, Zeus poursuivit Typhon « qui se lançait à l'assaut du ciel ». - « Zeus, de loin, frappa Typhon de sa foudre; puis il le rejoignit et le terrassa en lui assénant un coup de sa faucille adamantine; l'autre s'enfuit, et il le poursuivit, le serrant de près, jusqu'au mont Cassius qui domine la Syrie. Là, voyant le monstre cruellement blessé, il lutta corps à corps avec lui. Mais Typhon s'enroula autour de lui, et l'enserra dans ses replis... » « Ayant recouvré sa force, Zeus fondit du ciel dans un char tiré par des chevaux ailés, et déversa ses foudres sur Typhon... Ainsi de nouveau poursuivi, il (Typhon) arriva en Thrace, et, en combattant sur le mont Haemus, il souleva des montagnes entières... Un torrent de sang jaillit sur la montagne, et l'on prétend que c'est depuis ce moment qu'elle s'appelle Haemus (sanglante). Puis lorsqu'il reprit sa fuite à travers la mer de Sicile, Zeus, en Sicile, lança sur lui le mont Etna; c'est une énorme montagne, dont on dit que n'ont cessé de sortir, jusqu'à ce jour, des souffles de feu, provenant des foudres qui y furent lancées.» Le combat laissa des traces profondes sur tout le monde des anciens. Certaines régions furent spécialement associées aux phases de cette bataille cosmique. La rive égyptienne de la mer Rouge fut dénommée Typhonia 4. Strabon raconte également que les Arimis (Araméens ou Syriens) assistèrent, témoins horrifiés, à la lutte de Zeus et de Typhon. Et Typhon « qui, ajoutent-ils, était un dragon, prenait la fuite lorsqu'il était atteint par les foudres, recherchant un refuge souterrain 5» Et non seulement il ouvrit des sillons dans la terre et creusa le lit des rivières mais, en s'enfonçant dans le sous-sol, il fit jaillir des sources. Beaucoup de pages de l'Ancien Monde contiennent de semblables descriptions, léguées aux hommes par leurs ancêtres, qui furent témoins de la catastrophe au milieu du second millénaire. En ce temps-là, les Israélites n'étaient pas encore parvenus à une claire conception monothéiste, et comme les autres peuples ils virent dans ce grand combat une lutte entre le Bien et le Mal. L'auteur du livre de l'Exode, au mépris de la conception des premiers Israélites, a interprété le prodige de la colonne de feu et de fumée comme l'apparition d'un ange ou d'un Messager du Seigneur. Cependant beaucoup de passages des autres livres des Écritures ont conservé l'image des témoins oculaires eux-mêmes. Rahab est, en hébreu, le nom de l'adversaire du Très-Haut : « Seigneur, Dieu des armées, qui est votre égal ?... Vous avez piétiné Rahab après l'avoir percé... A Vous les cieux, à Vous aussi la terre; c'est Vous qui avez créé le globe et tout ce qu'il renferme; c'est Vous qui avez fait le Nord et le Midi 4. » Isaïe pria : « Réveille-toi, réveille-toi, retrouve ta vigueur, bras du Seigneur! lève-toi comme aux jours anciens, comme aux âges antiques. N'est-ce pas toi qui as écrasé Rahab, et pourfendu le dragon ? N'est-ce pas toi qui as mis la mer à sec, et tari les eaux du grand abîme ? Toi qui frayas au fond de la mer un chemin, pour y faire passer les Rachetés 7? » De ces passages il ressort 49 clairement que la bataille du Seigneur avec Rahab n'eut pas lieu avant la Création, comme le pensent certains 8. Isaïe fit cette prophétie : « En ce jour, le Seigneur frappera de sa lourde, grande et forte épée, Léviathan, le dragon fugace, Leviathan, le dragon tortueux. Il tuera le monstre qui est dans la mer 9. » Le « dragon tortueux » est représenté dans beaucoup d'anciennes peintures chinoises, hindoues, perses, assyriennes, égyptiennes ou mexicaines. Quand se forma la conception monothéiste, les Israélites virent dans ce « dragon tortueux » l'adversaire du Très-Haut, la propre création du Seigneur. « Il étend le septentrion sur le vide, il suspend la terre au-dessus du Néant... les colonnes des cieux s'ébranlent... Dans sa puissance il soulève la mer... sa main a formé le serpent sinueux 10. » L'auteur des Psaumes dit aussi 11 : « Dieu est mon roi depuis les temps anciens... votre puissance a fendu la mer... vous avez écrasé les têtes de Léviathan. Vous avez fait jaillir sources et torrents; vous avez mis à sec des fleuves aux grandes eaux. » La mer s'ouvrit, le sol se creusa de sillons; de grands fleuves apparurent, d'autres disparurent; la terre gronda pendant de nombreuses années; et les peuples pensèrent que le dragon de feu qui avait été abattu s'était réfugié sous terre, et y gémissait. La comète Typhon « De tous Les phénomènes qui accompagnèrent l'Exode, celui qui le premier requiert une explication est la mystérieuse Colonne. » W. PHYTHIAN-ADAMS « The Call of Israël ». Une des phases du combat céleste entre les forces élémentaires de la nature (tel qu'il fut raconté par Apollodore et Strabon) se déroula sur la route qui relie l'Égypte à la Syrie 1. Selon Hérodote l'acte final de la lutte entre Zeus et Typhon eut lieu près du lac de Sirbon, sur la route côtière qui unit l'Égypte à la Palestine 2. Or, c'est précisément sur la route d'Égypte à la Palestine que les Israélites, après une nuit terrible où souffla un violent vent d'Est, assistèrent aux grands bouleversements de la journée du Passage. Cette coïncidence conduit à une conclusion qui peut sembler quelque peu étrange. Typhon (Typheus) gît au fond de la mer où les Israélites, médusés, assistèrent au déchirement de la Nature : ténèbres, ouragan, montagnes d'eau, feu et fumée, exactement l'atmosphère dans laquelle, selon la légende grecque, se déroula le combat entre Zeus et le dragon Typhon. Dans le même abîme marin gisent le pharaon et ses armées 3. Jusqu'à maintenant j'ai identifié Rahab-Typhon avec une comète. Mais si Typhon gît au fond de la mer, n'est-il pas le Pharaon ? Ceci impliquerait que dans la légende de Typhon, deux personnages fusionnèrent : le pharaon, qui périt dans le cataclysme, et le furieux adversaire de Zeus, maître du ciel 4. Dans l' « Histoire naturelle » de Pline, au chapitre 91 du livre 11 on lit 5, : « Les peuples d'Égypte et d'Éthiopie ont vu une terrible comète, à laquelle Typhon, le roi de cette période, donna son nom; elle semblait de feu, se tordait sur elle-même, et offrait un spectacle terrifiant. Elle avait moins l'aspect d'une étoile, que d'une sorte de boule de feu. » La visite d'une comète néfaste, tant de fois citée dans ce livre, est ici rapportée en termes clairs et non plus travestis. Cependant il me restait à découvrir des documents pour étayer cette affirmation que la comète du règne de Typhon était la même que celle du temps de l'Exode. J'ai 50 compulsé les ouvrages des vieux chronographes, et dans la « Cometographia » d'Hévélius (1668) j'ai trouvé des références aux oeuvres de Calvisius, Helvicus, Herlicius et Rockenbach, qui utilisèrent principalement des manuscrits, et non des sources imprimées, puisqu'il n'y avait guère plus d'un siècle que l'imprimerie était découverte lorsqu'ils vinrent au monde. Hévélius écrivit (en latin) : « Dans l'année du monde 2453 (1495 a. J.-C.), selon certaines autorités, une comète ayant la forme d'un disque a été vue en Syrie, en Babylonie, dans les Indes, sous le signe Io, au moment même où les Israélites quittaient l'Égypte à la recherche de la Terre Promise. De même Rockenbach. Calvisius place l'Exode des Israélites en l'année du Monde 2453, soit 1495 avant J.-C. 6». J'ai eu la chance de découvrir, aux États-Unis 7, une copie du De cometis tractatus novus methodicus de Rockenbach. Cet ouvrage a été publié à Wittenberg en 1602. Son auteur était professeur de grec, de mathématiques et de droit, et doyen de la faculté de philosophie de Francfort. Il a utilisé dans son livre de vieilles sources qu'il n'a pas citées : ex probatissimis et antiquissimis veterum scriptoribus (d'après les écrivains les plus anciens et les plus dignes de foi). A la suite de sa diligente compilation des vieux documents, il a fait la déclaration suivante : « En l'année du monde 2453 (comme beaucoup d'auteurs dignes de foi l'ont déterminé en s'appuyant sur de nombreuses conjectures), une comète apparut, également mentionnée par Pline dans son livre 11. Elle semblait de feu, avait une forme circulaire irrégulière, et sa tête était voilée. Celle-ci avait la forme d'un globe et un aspect terrifiant. On dit que le roi Typhon régnait à cette époque en Égypte... Certaines autorités affirment que la comète qui avait la forme d'un disque fut aperçue en Syrie, en Babylonie, dans l'Inde, sous le signe du Capricorne, au moment où les enfants d'Israël quittaient l'Égypte pour la Terre Promise, guidés le jour par la colonne de nuée, la nuit par la colonne de feu 8. » Rockenbach n'a tiré aucune conclusion sur les rapports entre la comète de l'Exode et les phénomènes naturels de cette époque. Son intention était seulement de déterminer la date de la comète de Typhon. Parmi les auteurs anciens, Lydus, Servius (qui cite Avienus), Hephaestion et Junctinus, outre Pline, font allusion à la comète Typhon 9. Elle est décrite comme un immense globe de feu (globus immodicus), également comme une faucille, ce qui répond à l'image d'un globe illuminé par le soleil, et assez proche de lui pour revêtir cet aspect. Elle se déplaçait lentement, et sa route passait à proximité du soleil. Elle était couleur de sang : « Elle n'était pas rouge feu, mais rouge sang. » Elle provoqua maintes destructions « à son lever et à son coucher». Servius écrit que cette comète amena beaucoup de fléaux, de maux, et la famine. La découverte des sources manuscrites qui conduisirent Abraham Rockenbach à la même conclusion que nous, à savoir que la comète Typhon apparut à l'époque de l'Exode, est une tâche qui reste à accomplir. Servius dit que d'autres renseignements relatifs aux désastres causés par la comète Typhon se trouvent dans les oeuvres de l'astrologue romain Campester, et de l'astrologue égyptien Petosiris 10. Il est possible que les sources manuscrites de Rockenbach fussent les copies d’œuvres qui citaient ces astrologues anciens, et qui étaient conservées dans les bibliothèques d'Europe. Campester, d'après les citations qu'en fait Lydus, affirmait péremptoirement que si la comète Typhon se rapprochait encore une fois de la terre, une rencontre de quatre jours suffirait à détruire le monde 11. Ce qui implique que la première rencontre avec la comète Typhon faillit provoquer l'anéantissement de notre globe. Mais, en dehors même du sombre pronostic de Campester, nous possédons une quantité imposante, en fait inépuisable. de références à Typhon et aux destructions qu'il amena sur le monde : presque tous les auteurs grecs en parlent. Si, de par sa vraie nature, Typhon est une comète, comme l'ont expliqué Pline et les autres, toutes les références aux cataclysmes causés 51 par Typhon doivent être interprétées comme des descriptions de certains phénomènes naturels auxquels la terre et la comète participèrent. Nul n'ignore que Pallas était le nom grec de Typhon. De même Set en était l'équivalent égyptien 12 . Ainsi le nombre des références à la comète Typhon se grossit légitimement de celles relatives à Pallas et à Set. Abraham Rockenbach ne fut pas le seul à montrer le synchronisme entre l'apparition de la comète Typhon et l'Exode des Israélites. En recherchant des auteurs qui auraient adopté le même point de vue, j'ai découvert une remarque d'un érudit du XVIIe siècle, Samuel Bochart, dans un passage de son livre Hierozoicon 13. Les plaies de l'Exode, affirme-t-il, ressemblent aux cataclysmes causés par la comète Typhon; en conséquence, « la fuite de Typhon n'est autre que l'Exode de Moïse hors d'Égypte 14 ». En vérité, il ne fait que suivre le passage transmis par Plutarque 15. Mais puisque Typhon, selon Pline et les autres, était une comète, Samuel Bochart, par une voie différente, arrive à des conclusions assez semblables aux nôtres. L'étincelle Il se produisit un phénomène d'une extrême importance. La tête de la comète ne pénétra pas dans la terre, mais il se produisit entre elles de grandes décharges électriques. Une étincelle gigantesque jaillit quand la comète arriva à proximité immédiate de la terre, alors que les eaux dressées à la surface du globe atteignaient leur plus grande hauteur; après quoi elles retombèrent, suivies d'une pluie de débris arrachés à la tête et à la queue de la comète. « Et l'ange de Dieu qui marchait en tête de l'armée des Israélites changea de place et passa derrière; la colonne de nuée qui les précédait alla se placer derrière eux, entre le camp des Égyptiens et celui d'Israël. Elle était obscure, et elle éclairait la nuit. » Un vent d'une extrême violence, accompagné d'éclairs, déchira le nuage. Au matin, les eaux formèrent comme une muraille, et se séparèrent. « Et les enfants d'Israël descendirent à pied sec au milieu de la mer, tandis que les eaux,formaient une muraille à leur droite et à leur gauche. Les Égyptiens les poursuivirent..... Vers la veille du matin, le Seigneur, du haut de la colonne de feu et de nuée, regarda le camp des Égyptiens et y jeta la panique; il faussa les roues de leurs chars... Les eaux retournèrent et couvrirent les chars, les cavaliers et toute l'armée du pharaon, qui étaient descendus dans la mer à la suite des Israélites. Il n'en réchappa pas un seul 1) Ces marées immenses furent provoquées par la proximité d'un corps céleste. Elles retombèrent quand une décharge électrique se produisit entre la terre et l'autre corps. Artapanus, l'auteur du De Judaeis, aujourd'hui disparu, semblait savoir que les mots « le Seigneur, du haut de la colonne de feu et de nuée, regarda le camp des Égyptiens » faisaient allusion à un gigantesque éclair. Eusèbe cite Artapanus : « Mais tandis que les Égyptiens... les poursuivaient, un feu, dit-on, éclata sur eux, et la mer se referma sur leur chemin, et les Égyptiens furent tous détruits par le feu et par les flots 2. » Le souvenir des grandes décharges électriques échangées par les deux corps célestes se retrouve dans les traditions, les légendes et la mythologie de tous les peuples du monde. Le dieu Zeus pour les Grecs, Odin pour les Islandais, Ukko pour les Finnois, Perun pour les païens de Russie, Wotan (Woden) pour les Allemands, Mazda pour les Perses, Mardouk pour les Babyloniens, Çiva pour les Hindous est représenté l'éclair à la main et décrit comme le dieu qui lance ses foudres sur le monde écrasé par l'eau et par le feu. De même,de nombreux psaumes des Écritures commémorent les grandes décharges. « Alors la terre frémit et trembla ; les fondements des montagnes furent ébranlés par une violente secousse..... Il descendit des cieux qui s'abaissaient... Il planait sur les ailes du vent... Devant l'éclat de sa présence, des éclairs s'allumèrent, et le Seigneur fit dans le ciel éclater le tonnerre, le Très-Haut fit retentir l'éclat de sa voix. Il lança ses flèches... il déchaîna ses foudres... Alors apparut le lit de la mer, et la terre fut mise à nu jusque dans ses fondements 3.» « La voix du 52 Seigneur retentit sur les eaux... La voix du Seigneur a fendu les cèdres... La voix du Seigneur fait jaillir des éclairs, la voix frappe le désert, le Seigneur fait frémir le désert de Cades 4. » « Les royaumes s'ébranlent. Mais à peine sa voix tonne-t-elle que la terre s'effondre 5.» « Les eaux vous ont vu, Seigneur; elles ont frémi, et les vagues se sont mises en branle... les nuages ont fait entendre leur voix, et vos flèches ont volé de tous côtés; le fracas du tonnerre a retenti dans une tornade, les éclairs ont illuminé l'Univers : la terre a tremblé sous le choc 6.» « Il est environné d'une sombre nuée... Il est précédé par un feu qui dévore ses ennemis tout à l'entour. Ses éclairs illuminent le monde, à son aspect la terre frémit 7.» Il serait facile de poursuivre ces citations des Écritures, en les tirant d'autres livres - Job, le cantique de Déborah, et le livre des Prophètes, entre autres. L'armée égyptienne fut engloutie par la chute de la double muraille d'eau. La violence du choc projeta l'armée du Pharaon dans les airs. « Venez voir les oeuvres de Dieu. Il a opéré parmi les enfants des hommes des prodiges stupéfiants. Il a changé la mer en terre ferme; on a passé le fleuve à pied sec... Vous avez fait marcher des hommes sur nos têtes; nous avons dû passer par le feu et par l'eau 8.» La source égyptienne I déjà citée fait également allusion à une trombe d'eau projetant en l'air l'armée égyptienne. Le tombeau d'el-Arish parle d'un ouragan, de longues ténèbres si opaques que personne ne pouvait quitter le palais; de la fuite des captifs israélites et de leur poursuite par le Pharaon Taoui-Thom jusqu'à Pi-Khiroti, qui n'est autre que le Pi-ha-Khiroth de la Bible : « sa majesté sauta à l'endroit du tourbillon ». Il est dit ensuite qu'il fut « soulevé par une grande force 9 ». Bien que la plus grande partie des Israélites fussent déjà en sécurité quand l'énorme raz de marée retomba, un grand nombre d'entre eux périt dans ce désastre; beaucoup déjà avaient été victimes du feu et de la pluie de cendres. Le psaume 68 fait allusion aux Israélites qui périrent dans la mer du Passage « mon peuple, qui resta dans les profondeurs de la mer. » Ces marées engloutirent également des tribus entières qui habitaient la région côtière de la mer Rouge, nommée Téhama, et longue de 1500 kilomètres. « Dieu envoya sur les Djoromites des vents rapides, des fourmis, et d'autres signes de sa colère, et beaucoup d'entre eux périrent... dans le pays de Djohainah, un torrent impétueux les emporta tous en une nuit. Le théâtre de ce cataclysme est connu sous le nom d'Idam (furie). » L'auteur de ce passage, Masudi, écrivain arabe du Xe siècle, cite un auteur plus ancien, Omeyah, fils d'Abu-Salt : «Jadis les Djoromites vinrent s'établir dans la région de Tehama, et une grande inondation les emporta tous 10. » De même la tradition arabe (Kitab Alaghaniyy 11), n'ignore point la plaie des insectes (fourmis de la plus petite espèce), qui obligea la tribu à quitter le Hedjaz et à retourner à son pays natal, où elle fut détruite par « Toufan », un déluge. Dans ma reconstruction de l'Histoire Ancienne, je m'efforce de montrer le synchronisme entre ces événements et l'Exode. L'effondrement du ciel La pluie de météorites et de feu qui s'abattait du ciel, les nuages très bas de poussière exogène et le déplacement des points cardinaux firent croire que le ciel s'était effondré. Les anciens peuples du Mexique évoquaient un âge du monde qui fut frappé à mort par l'effondrement du ciel, la terre restant ensevelie sous un linceul de ténèbres 1. Strabon rapporte, en citant Ptolémée, fils de Lagus, général d'Alexandre et fondateur de la dynastie égyptienne qui porte son nom, qu'Alexandre demanda aux Celtes, habitants des bords de l'Adriatique, ce qu'ils redoutaient le plus. Ils lui répondirent qu'ils ne craignaient rien, sauf la chute du ciel 2. Les Chinois font allusion à un effondrement du ciel qui se produisit lorsque les montagnes s'écroulèrent 3. Et parce que les montagnes s'écroulèrent, ou s'aplanirent en même temps que le 53 ciel s'abaissait, les peuples antiques, et non pas seulement les Chinois, croyaient que les montagnes étaient les supports du ciel. « La terre trembla, et les cieux suintèrent... les montagnes se fondirent en eau », dit le cantique de Déborah 4. « La terre tremblait, les cieux aussi se liquéfiaient devant Dieu; le mont Sinaï lui-même fut secoué », dit le psalmiste 5. Les tribus des îles Samoa font allusion dans leurs légendes à un cataclysme où « autrefois le ciel s'effondra ». Les cieux, ou les nuages, étaient si bas, qu'on ne pouvait se tenir debout sans les toucher 6. Les Finnois racontent dans leur Kalevala que le support du ciel céda, et qu'alors une étincelle de feu alluma un nouveau soleil et une nouvelle lune 7. Les Lapons font des offrandes, en demandant à Dieu que le support du ciel ne cède pas, et que le ciel ne s'écroule pas 8. Les Esquimaux du Groënland ont la même crainte - si le ciel s'effondrait, tous les hommes périraient. Un obscurcissement du soleil et de la lune précéderait ce cataclysme 9. Les peuplades primitives d'Afrique, dans les régions tant occidentales qu'orientales, parlent d'un effondrement du ciel qui se produisit autrefois. Les Ouahercros disent qu'il y a bien longtemps, « les grands du ciel » (Eyourou) laissèrent tomber le ciel sur la terre. Il n'y eut que de rares survivants. On retrouve également chez les tribus Kangos et Loangos la tradition d'un écroulement du ciel, qui aurait détruit l'humanité. Les Ouangoros de l'Ounyoro rapportent de leur côté que le ciel tomba sur la terre, et tua tout le monde : le dieu Kagra précipita le firmament sur la terre, pour détruire l'humanité 10. La tradition des Cashinaua, indigènes du Brésil occidental, s'exprime ainsi « Les éclairs brillèrent, le tonnerre gronda, et tous furent effrayés. Alors le ciel éclata, et les morceaux tombèrent, et frappèrent à mort toute chose et toute créature vivante. Le ciel et la terre échangèrent leurs places. Rien qui fût vivant ne fut laissé sur terre 17.» Cette tradition fait état des mêmes phénomènes : éclairs et tonnerre, éclatement du ciel, chute de météorites. Mais la question de l'échange de positions entre le ciel et la terre n'est pas épuisée; j'y reviendrai bientôt. 54 55 Chapitre 4 La terre et la mer en ébullition Deux corps célestes furent attirés l'un vers l'autre. Les masses intérieures de la terre subirent une poussée vers la périphérie. La terre, perturbée dans sa rotation, s'échauffa. La surface des continents dégagea une chaleur intense. Les traditions de nombreux peuples rapportent que la surface de la terre entra en fusion et la mer en ébullition. La terre éclata, et la lave se répandit. Le livre sacré mexîcain Popol-Vuh, le Manuscrit Cakchiquel, le Manuscrit Troano affirment ensemble que la lave jaillit de toutes les montagnes de l'hémisphère Occidental à la fois. Des volcans apparurent sur toute la longueur de la Cordillère, sur d'autres chaînes, et même sur les terrains plats ; ils vomirent du feu, des vapeurs et des torrents de lave. Ces livres, comme d'ailleurs d'autres sources mexicaines, narrent comment, aux dernières heures de l'âge qui périt sous une pluie de feu, les montagnes s'enflèrent sous la pression des masses en fusion, et que de nouvelles chaînes surgirent. De nouveaux volcans s'élevèrent, et des fleuves de lave s'écoulèrent des crevasses de la terre 1. Les récits de la Bible confirment les traditions grecque et mexicaine : « les montagnes tremblent »; « une nuée sombre... le feu... la terre frémit 2... les montagnes fondent comme de la cire » 8. « Lui, dont le regard suffit à faire trembler la terre, et qui, rien qu'à les toucher, enflamme les montagnes 4.» « La terre trembla... les montagnes suintèrent... et même le Sinaï 5.» « Il tance la mer, et la met à sec, il tarit toutes les rivières... les montagnes vacillent devant lui, et les collines se dissolvent, la terre se soulève... le monde brûle et tous ses habitants » Les rivières fumaient, et le fond des mers était en ébullition par endroits. « La mer bouillonnait, les bords de l'océan bouillonnaient, le centre bouillonnait», dit le Zend-Avesta. L'étoile Tistrye fit bouillir la mer 7. Les traditions indiennes ont enregistré le souvenir de l'eau portée à ébullition dans les fleuves et la mer. Les tribus de la Colombie britannique racontent : « De grands nuages apparurent... La chaleur devint si forte que l'eau finit par bouillir; les gens se jetèrent dans les torrents et dans les lacs pour se rafraîchir, et ils périrent 8. » Sur la côte nord du Pacifique, en Amérique, les Indiens affirment que l'océan entra en ébullition; « l'eau devint très chaude... beaucoup d'animaux sautérent dans l'eau pour y trouver le salut, mais l'eau se mit à bouillir 9. » Les Indiens de la tribu de l'Ute méridional au Colorado rapportaient dans leurs légendes que les rivières entrèrent en ébullition 10. La tradition juive, telle qu'elle fut conservée dans les sources rabbiniques, déclare que la boue au fond de la mer du Passage devint d'une extrême chaleur. « Le Seigneur combattit les Égyptiens par la colonne de nuée et de feu. La boue fut portée à ébullition par la colonne de feu11.» Les sources rabbiniques ajoutent aussi que la colonne de feu et de nuée aplanit les montagnes 12. Hésiode, dans sa Théogonie, relatant les cataclysmes causés par une collision céleste, dit : « L'énorme terre gémit... une grande partie de l'énorme terre fut brûlée par la vapeur terrible et fondit comme l'étain fond, quand il est chauffé par l'art de l'homme... ou comme le fer, dur entre tous, est ramolli par les feux ardents dans les vallées des montagnes 14.» Selon la tradition du Nouveau Monde l'aspect de la terre fut transformé par le cataclysme : des vallées s'ouvrirent, des chaînes de montagnes se disloquèrent, de nouveaux golfes se 56 creusèrent, d'antiques sommets basculèrent, et de nouvelles cimes saillirent. Les quelques survivants du monde détruit furent enveloppés de ténèbres : « le soleil, en quelque sorte, n'existait pas », et parfois, à la faveur des feux éclatants, ils apercevaient la silhouette de montagnes inconnues. Le livre sacré maya Popol-Vuh dit que le dieu « roula les montagnes », « déplaça les montagnes », et que les « montagnes grandes et petites se déplacèrent et tremblèrent ». Les montagnes se gonflèrent de lave. « Coniraya-Viracocha, dieu des Incas, éleva des montagnes sur les plaines et fit disparaître d'autres montagnes 14. » Et de même : « Quand Israël sortit d'Égypte... la mer à cette vue prit la fuite... les montagnes bondirent comme des béliers, les collines comme des agneaux... Devant la face de Dieu, tremble, oh! terre 15. » Il transporte les rnonts sans qu'ils s'en doutent... Il les bouleverse dans sa colère; Il secoue la terre sur sa base... Il donne un ordre au soleil, qui ne se lève pas... Tout seul, Il a déployé les cieux, Il marche sur les vagues de la mer 16.» Le mont Sinaï Au long de la côte orientale de la mer Rouge, s'élève une chaîne montagneuse, avec plusieurs cratères de volcans maintenant éteints. Certains, cependant, étaient encore en activité il n'y a guère que quelques siècles. On prétend habituellement qu'un de ces volcans est le mont où Dieu donna sa loi à Moïse. Vers 1870, un savant, Charles Beke, émit l'hypothèse que le mont Sinaï était un volcan du désert d'Arabie 1. Dans le livre du Deutéronome (4 : 11), on lit : « La montagne était embrasée d'un feu qui montait jusque dans les profondeurs du ciel, au milieu des ténèbres, des nuées et de l'obscurité » L'idée de Beke a été rejetée par ses contemporains, et finalement par lui-même 2. Les savants modernes, cependant, reprennent sa théorie première, et en conséquence, ils recherchent le mont Sinaï parmi les volcans du mont Seir, et non plus sur la traditionnelle péninsule du Sinaï, où n'existe aucun volcan. Ainsi les prétentions des sommets rivaux de cette péninsule qui se disputent l'honneur d'être le Mont de Moïse 3, sont réduites au silence par de nouveaux concurrents. Il est vrai qu'il est affirmé : « les montagnes fondirent et même le Sinaï 4 ». Mais cette fusion des sommets n'implique pas nécessairement la création de cratères. Ce furent les roches qui devinrent une masse fluide. Le plateau de la péninsule du Sinaï est recouvert de formations de lave basaltique 5; de grandes surfaces du désert d'Arabie sont également recouvertes de lave brillante 6. Des formations de lave, parsemées de volcans éteints, s'étendent de la région de Palmyre jusqu'en Arabie, et on les trouve aux portes mêmes de la Mecque 7. Il y a quelques milliers d'années les déserts s'allumèrent aux feux de nombreux volcans, les montagnes entrèrent en fusion, la lave sortit d'innombrables crevasses et se répandit sur la terre. Le corps céleste que le grand Architecte de la Nature envoya à proximité de la terre entra en contact avec elle par des décharges électriques, s'éloigna, puis, une fois encore, s'en approcha. Si nous devons ajouter foi aux données des Écritures, il s'écoula sept semaines ou, par un autre calcul, environ deux mois 8, entre le jour de l'Exode et le jour où Dieu dicta sa loi à Moïse. « Il y eut un fracas de tonnerre, des éclairs, un épais nuage couvrait la montagne et le son de la trompe retentit avec éclat. Toute la foule qui était dans le camp tremblait... le Sinaï n'était que fumée... la fumée qui s'en élevait était comme celle d'une fournaise, et toute la montagne tremblait avec violence. Le son de la trompette s'amplifiait encore. Moïse parla et Dieu lui répondit par une voix 9.» Le Talmud et les Midrashim disent que le mont tremblait si violemment qu'il en paraissait soulevé, et secoué au-dessus des têtes. Et le peuple avait l'impression de ne plus tenir 57 fermement sur le sol, mais d'être soulevé par quelque force invisible 10. La présence d'un corps céleste à proximité provoquait ce phénomène et cette sensation. « Alors la terre frémit et trembla; les fondements des montagnes furent ébranlés par une violente secousse, car Dieu allumait son courroux... Il descendit sur les cieux qui s'abaissaient. Il avait les pieds sur de noires nuées. Il se drapait dans les ténèbres qui faisaient comme une tente autour de Lui, une couverture de sombres torrents et d'épaisses nuées. Et le Seigneur fit dans le ciel éclater le tonnerre... ses flèches... ses foudres. Alors apparut le lit de la mer, et la terre fut mise à nu jusque dans ses fondements 11. » La terre et le ciel participèrent à la convulsion cosmique. Dans le quatrième livre d'Ezra, les phénomènes du mont Sinaï sont décrits en ces termes : « Tu as abaissé les cieux. Tu as fait trembler la terre, et convulsé le monde. Tu as fait frémir les profondeurs et troublé les sphères 12.» La venue d'une étoile en direction de la terre aux temps de la révélation sur le Sinaï est suggérée par le texte du Traité Shebbat : quoique les ancêtres des futurs prosélytes n'eussent point été témoins de la scène, leur étoile était là toute proche 13. Un auteur du Ier siècle de notre ère, dont l'ouvrage sur les antiquités bibliques a été attribué à Philon, le philosophe d'Alexandrie, décrit ainsi les convulsions de la terre et du ciel : « le mont (Sinaï) fut ravagé par le feu, la terre trembla, les collines furent déplacées et les montagnes basculèrent et tous les lieux habitables furent ébranlés; des langues de feu s'avancèrent, le tonnerre et les éclairs se multiplièrent, les vents et les tempêtes firent rage; les étoiles entrèrent en collision 14». En se référant au verset « Il descendit sur les cieux qui s'abaissaient » (ps. XVIII), Pseudo-Philon décrit les événements du mont Sinaï, et dit que le Seigneur « arrêta la course des étoiles 15 ». « La terre remua dans ses fondements, les montagnes et les roches tremblèrent sur leurs bases, et les nuages opposèrent leurs flots aux flammes du feu, afin qu'elles ne consument pas le monde entier... Toutes les vagues de la mer n'en firent plus qu'une 16.» Les Hindous décrivent ainsi le cataclysme cosmique qui mit fin à un âge du monde. « Le monde entier éclate en flammes, et en même temps que lui 100.000 fois dix millions de mondes. Toutes les cimes du mont Sineru, même celles qui sont hautes de centaines de lieues, s'émiettent et disparaissent dans le ciel. Les flammes s'élèvent et enveloppent les cieux 17. » Ainsi se termina le sixième soleil, ou âge du soleil. De même dans la tradition juive, le sixième âge du monde prit fin au jour où Moïse reçut la loi de Dieu, et le septième commença 18. De la Théophanie Les séismes s'accompagnent souvent de grondements qui montent des entrailles de la terre. Ce phénomène était connu des géographes anciens. Pline 1 écrivit que les séismes sont « précédés ou accompagnés d'un bruit terrifiant ». Les voûtes qui soutiennent la terre cèdent et il semble que la terre pousse de profonds soupirs. Le bruit est attribué aux dieux et appelé théophanie. Les éruptions volcaniques également s'accompagnent de grands bruits. Le bruit produit par le Krakatoa dans les Indes néerlandaises pendant l'éruption de 1883 était si violent qu'il s'entendit jusqu'au Japon, à près de 5000 kilomètres de là, et c'est la plus longue distance parcourue par le son que les annales modernes aient enregistrée 2. Au moment de l'Exode, alors que le monde était secoué de tous côtés, que les volcans vomissaient de la lave, et que tous les continents étaient ébranlés, la terre gémissait presque sans arrêt. Au premier stade du cataclysme, selon la tradition hébraïque, Moïse entendit, dans le silence du désert, un bruit qui, selon lui, signifiait : « je suis celui qui suis 3. » « je suis lawhé », entendit le peuple, en cette nuit terrible où la loi fut dictée sur le Mont 4. » « Toute la montagne 58 était secouée de violents tremblements » et « le son de la trompe amplifiait encore 5.» « Devant les tonnerres, les flammes, la voix de la trompe, et la montagne fumante, le peuple était saisi de tremblement et se tenait à distance 6. Rien d'étonnant qu'il eût cru percevoir des paroles, quand la grande voix de la Nature se déchaînait en un tumulte assourdissant. Un chef inspiré interpréta la voix pareille à l'éclat des trompettes. La terre gémissait : depuis des semaines, toutes les couches de son sol étaient bousculées, son orbite déformée, ses points cardinaux déplacés, ses océans précipités sur les continents, ses mers transformées en déserts, ses montagnes soulevées, ses îles submergées, le cours de ses rivières inversé - un monde débordant de lave, tout béant d'abîmes, fracassé par les météorites, recouvert de naphte brûlant, un sol perpétuellernent secoué de séismes, un univers enseveli sous un linceul de fumée et de vapeurs. La déformation brutale des couches du sol, l'érection des montagnes, les séismes et le grondement des volcans concouraient à créer un vacarme infernal. Ce n'était pas au seul mont Sinaï que retentissait la Voix; le monde entier dut l'entendre. « Le ciel et la terre ont retenti... les montagnes et les collines ont été déplacées», affirme le Midrash. « Très puissamment gronda le firmament, et la terre lui répondit de ses échos », dit l'épopée de Gilgamesh 7. Dans Hésiode, « l'énorme terre a gémi » quand Zeus a transpercé Typhon de ses foudres; « la terre a retenti très fort, et le vaste ciel au-dessus 8.» Le rapprochement des deux globes chargés d'électricité a également pu produire des sons comparables à ceux de la trompette, et d'intensité variable selon que la distance entre eux augmentait ou diminuait 9. Il semble bien que ce soit ce phénomène que Pseudo-Philon appelle « le témoignage des trompettes entre les étoiles et leur Seigneur 10 ». Nous retrouvons ici l'origine de la conception pythagoricienne de la « Musique des Sphères », et de cette idée que les étoiles émettent une musique. En Babylonie les sphères des planètes étaient appelées « voix », et l'on supposait qu'elles produisaient des sons harmonieux 11. Selon les Midrashim, la trompe du mont Sinaï aurait eu sept notes différentes, et la littérature rabbinique parle de la « Musique Céleste », entendue à la Révélation. « Au premier son, le ciel et la terre bougèrent, les mers et les rivières s'enfuirent, les montagnes et les collines furent ébranlées dans leurs bases 12. » Homère narre un événement semblable en ces termes La vaste terre retentit, et les vastes cieux alentour s'emplirent d'un son pareil à celui de la trompe 13.» « La terre entière brûle quand retentit le cor », trouve-t-on dans la Voluspa 14. Selon la tradition hébraïque toutes les nations entendirent le grondement de la Révélation. Il semble qu'au mont Sinaï, « les sons qui retentissaient longuement», s'élevèrent dix fois, et c'est dans ce grondement que les Hébreux entendirent le Décalogue. « Tu ne tueras pas» (Lo Tirzah), « Tu ne commettras pas "adultère» (Lo tin'af), « Tu ne voleras pas (Lo tignov)... « Ces mots (du Décalogue) ne furent pas perçus du seul peuple d'Israël, mais de tous les habitants de la terre. La voix de Dieu se divisa, et parla dans les soixante-dix langues humaines, afin que tous pussent comprendre... Les païens faillirent succomber en l'entendant 15. Le fracas des grondements se répéta de temps à autre, mais avec moins d'intensité, tandis que les couches souterraines disloquées se stabilisaient. Des tremblements de terre continuèrent de secouer le sol pendant des années. Le Papyrus Ipuwer nomme ces années « les années du bruit ». « Années de bruits... le bruit ne cesse pas », et encore « Oh ! que la terre mette fin à ce bruit, et que le tumulte ne soit plus 16 ». 59 Le bruit avait sans doute le même degré d'intensité sur toute la surface du globe, puisqu'il montait des profondeurs de la terre, dont toutes les couches avaient été disloquées, au moment où elle fut arrachée à son orbite et où son axe oscilla. Le grand législateur de la Chine, sous le règne duquel se produisit un terrible cataclysme qui bouleversa l'ordre de la nature, portait le nom de Yao 17. Dans la préface du Chou-king, attribué à Confucius, il est écrit : « En explorant l'Antiquité, nous trouvons que l'empereur Yao s'appelait réellement Fang-heun 18.» Yao était un surnom, qui fut attribué dans les époques postérieures au déluge, et qui était apparemment inspiré par le bruit des grondements de la terre. Le même bruit fut entendu à la même époque dans l'hémisphère Occidental, et dans tous les lieux où se trouvaient les ancêtres des Indiens. Ils racontent qu'à un moment où le ciel était tout proche de la terre, l'humanité entière avait peu à peu soulevé le ciel, aux cris répétés de « Yahou » qui retentissaient à travers le monde 19. Les Indonésiens accompagnent un serment d'une invocation aux corps célestes. Ils lancent une flèche en direction du ciel, tandis que tous les assistants poussent le cri de « Ju-ju huwe 20.» Le même son se retrouve dans le mot Jo Jove (Jupiter). Le nom Iawhé est employé dans la Bible sous une forme abrégée en Yahou ou Yo 21 pour désigner la Divinité 22. Diodore écrivit que Moïse avait reçu les lois de Dieu invoqué sous le nom de Iao 23. Au Mexique, Yao, ou Yaotl est le dieu de la guerre; la similitude de son a déjà été notée 24. Le Nihongi, chronique du Japon primitif, commence en évoquant « l'époque ancienne où le ciel et la terre n'étaient pas encore séparés et où In et Yo ne faisaient qu'un ». Yo est la terre. Cette époque où le ciel touchait la terre n'est autre que le temps où l'épaisse poussière de la comète et ses nuages saturés de vapeur enveloppaient le globe et pesaient sur lui. L'empereur Yao On suppose communément que l'histoire de la Chine remonte à la plus lointaine antiquité. En réalité, les sources de la période ancienne sont fort rares, car elles ont été détruites par l'empereur Tsin-che-hoang (246-209 avant notre ère). Il fit brûler tous les livres d'histoire et d'astronomie aussi bien que les oeuvres littéraires. On rechercha donc ces livres à travers tout l'empire. On raconte encore que quelques fragments de l'ancienne littérature furent réécrits d'après les souvenirs d'un vieillard; on ajoute même que certains d'entre eux furent retrouvés cachés dans le sépulcre de Confucius, et on les lui attribue. De ces quelques vestiges de l'ancienne tradition, ceux qui évoquent l'empereur Yao et son époque reçoivent une attention toute particulière. La personnalité de l'empereur et son règne apparaissent comme « les plus heureux des annales chinoises 1». L'histoire de la Chine antérieure à son règne appartient à la période mythique du passé chinois. A l'époque de Yao se produisit l'événement qui sépare le passé, très obscur et presque effacé, des temps considérés comme historiques : la Chine fut ravagée par une immense catastrophe. « En ce temps-là, dit-on, eut lieu le prodige : pendant dix jours, le soleil ne se coucha pas, les forêts brûlèrent, et une abominable vermine se répandit partout » « Au cours de la vie de Yao, le soleil ne se coucha pas pendant dix jours pleins, et tout le pays fut inondé 3.» Une immense vague, « qui montait jusqu'au ciel », s'abattit sur la terre chinoise. « Les eaux se ruaient à l'assaut des hautes montagnes, et les collines étaient invisibles 4. » (Ceci rappelle le Psaume CIV : « Les eaux recouvraient les montagnes », et le Psaume CVII : « Les vagues de la mer soulevées jusqu'aux cieux »). « Destructrices sont les eaux de l'inondation, dit l'Empereur. Dans leur grande étendue, elles recouvrent les collines, dépassent les hauts sommets et menacent les cieux de leurs flots. » L'empereur ordonna qu'on fît tous les efforts possibles pour assurer l'écoulement des eaux 60 accumulées dans les vallées entre les montagnes. Pendant des années, la population s'évertua à arracher les vallées et les plaines à l'inondation; on creusait des canaux et l'on drainait les champs. Mais ces efforts obstinés demeurèrent vains. Le ministre chargé de cette oeuvre urgente et immense, Houan, fut condamné à mort parce qu'il avait échoué : « Pendant neuf années, il peina, mais il n'accomplit pas sa tâche 5.» Seul son fils Yu réussit à drainer le pays. Son succès le rendit si populaire qu'il devint empereur de Chine après King Choen, premier successeur de Yao. Ce Yu fut le fondateur de la nouvelle et célèbre dynastie qui porta son nom. Les chroniques de la Chine moderne rapportent qu'un million d'hommes périrent dans une seule inondation du fleuve Jaune 6. Un autre cataclysme naturel - le tremblement de terre - ravagea la Chine à plusieurs reprises : il fit périr 830.000 personnes en 1556, et 3.000.000 en 1662 7. Le cataclysme de l'époque de Yao ne fut-il qu'une forte inondation, comme le supposent les savants modernes ? Cette interprétation est contredite par le fait que ce cataclysme, depuis des milliers d'années, est demeuré vivace dans les traditions, alors que ni la crue du fleuve Jaune, avec son million de victimes, ni les grands séismes n'occupent une place remarquable dans les souvenirs nationaux. Les fleuves ne débordent pas en formant une vague de la hauteur des montagnes. Les crues des fleuves chinois baissent en quelques semaines, et les eaux ne stagnent pas dans les plaines jusqu'au printemps suivant, mais elles s'écoulent, et, quelques semaines après, le sol est sec. Après le déluge de Yao, il fallut drainer la campagne pendant des années, et durant toute cette période, l'eau recouvrit les parties basses du pays. Le règne de Yao est mémorable à cause de l'entreprise suivante : l'Empereur envoya des savants dans différentes parties de la Chine, jusqu'en Indochine même, afin de déterminer la position des quatre points cardinaux, en observant la direction du coucher et du lever du soleil, et le mouvement des étoiles. Il chargea également ses astronomes de découvrir la durée des saisons, et de dresser un nouveau !calendrier. Le Chou-king est, dit-on, la plus ancienne chronique chinoise, récrite après la destruction des livres ordonnée par Tsin-che-hoang, soit de mémoire, soit d'après quelque vieux manuscrit retrouvé. Dans sa section la plus ancienne, le canon de Yao, il est écrit : « Là-dessus, Yao ordonna à He et à Ho que, respectueusement en accord avec les vastes cieux, ils calculent et délimitent les mouvements et les apparitions du soleil, de la lune, des étoiles et des espaces du Zodiaque; et qu'ils fassent connaître au peuple les saisons 8.» La nécessité, peu de temps après le cataclysme, de rechercher les quatre points cardinaux, d'étudier à nouveau les mouvements du soleil et de la lune, de tracer les signes du Zodiaque, d'établir le calendrier, d'informer le peuple chinois de la succession des saisons suggère qu'au cours du cataclysme l'orbite de la terre et l'année, l'inclinaison de l'axe et les saisons, l'orbite de la lune et les mois, avaient changé. On ne nous dit pas ce qui provoqua le cataclysme, mais il est écrit dans les annales antiques que, sous le règne de Yao, « une brillante étoile sortit de la constellation Yin 9.» Selon la légende thibétaine, les hauts plateaux du Thibet furent également inondés au cours d'un grand cataclysme 10. Les traditions locales parlent aussi de comètes terrifiantes qui causèrent de grands bouleversements 11. On s'est livré à divers calculs pour établir les dates du règne de Yao. En considérant qu'à l'époque de Yao, la constellation Niao, qu'on identifia avec la constellation Hydra, passait à son méridien, alors que le soleil se couchait, le jour de l'équinoxe de printemps, on a supputé que l'inondation se produisit au XXIIIe siècle avant notre ère; mais cette date a été mise en doute par beaucoup de savants. On a d'autre part supposé que « le déluge de Yao » était la version chinoise du déluge universel, mais ce point de vue a été abandonné. Le déluge de Noé a son parallèle dans une histoire chinoise relative à un déluge universel survenu dans les temps 61 préhistoriques, aux jours de Fo-hi, qui, seul de tous les habitants du pays, survécut. Le déluge de Yao est parfois considéré comme contemporain du déluge d'Ogygès. Le déluge d'Ogygès n'a pas eu lieu au troisième, mais au milieu du second millénaire avant notre ère. Dans le chapitre intitulé « les déluges de Deucalion et d'Ogygès », je démontrerai, d'après des sources anciennes et chronologiques, le synchronisme entre ces cataclysmes et ceux de l'époque de Moïse et de Josué. Si nous voulons résumer les données que nous possédons sur l'époque de Yao, nous sommes en présence des faits suivants : le soleil ne s'est pas couché pendant plusieurs jours, les forêts ont été dévastées par le feu, le pays a été couvert de vermine, une haute vague, « montant jusqu'au ciel », a déferlé sur le continent, a balayé les pics et submergé les vallées pendant de nombreuses années; sous ce même règne, il fut nécessaire de déterminer à nouveau la position des quatre points cardinaux, et d'établir par l'observation la durée de l'année, des mois, et l'ordre même des saisons. Quant à l'époque de l'histoire chinoise antérieure au cataclysme, il n'en reste absolument aucun vestige. Tous ces faits concordent avec les traditions du peuple juif, relatives aux événements qui accompagnèrent l'Exode : le soleil disparut pendant plusieurs jours, le pays fut empli de vermine, des raz de marée gigantesques, s'élevant jusqu'au ciel, scindèrent la mer, et le monde brûla. Comme nous le verrons, les sources hébraïques révèlent elles aussi qu'un nouveau calendrier fut établi, où les années étaient comptées à partir du cataclysme, et que les saisons et les quatre points de l'horizon n'étaient plus les mêmes. 62 Chapitre 5 L'Est et l'Ouest Notre planète tourne d'Ouest en Est. En a-t-il toujours été de même ? Puisqu'elle tourne d'Ouest en Est, nous voyons le soleil se lever à l'Est et se coucher à l'Ouest. L'Est a-t-il, de tout temps, été le seul lieu où se lève le soleil ? De maintes régions du globe nous arrivent des témoignages qui attestent que le côté maintenant orienté vers le couchant était autrefois orienté vers l'orient. Dans le second livre de son histoire, Hérodote rapporte ses conversations avec les prêtres égyptiens, lors de son voyage en Égypte, au cours de la seconde moitié du Ve siècle avant notre ère. En guise de conclusion à l'histoire de leur peuple, les prêtres lui déclarèrent que trois cent quarante et une générations s'étaient succédé depuis leur premier roi. Hérodote calcula que, si un siècle équivaut à trois générations, cette période s'étendit sur quelque onze mille années. Les prêtres affirmèrent qu'au cours des âges « historiques », et depuis que l'Égypte était devenue royaume, « quatre fois en cette période (c'est ce qu'ils m'ont déclaré), le soleil s'est levé contrairement à son habitude; deux fois, il s'est levé là où il se couche maintenant; et deux fois, il s'est couché là où il se lève aujourd'hui 1 ». Ce passage a été l'objet d'inépuisables commentaires, où l'on s'est évertué à proposer toutes les explications possibles au phénomène : entreprises stériles, car le sens, pourtant clair, des paroles des prêtres égyptiens a échappé, jusque-là, aux différents commentateurs. Le célèbre chronologiste du XVIe siècle, Joseph Scaliger, s'est demandé si ce passage d'Hérodote ne faisait pas allusion à la période sothiaque (où le temps est calculé en années de 365 jours) qui, comparée au calendrier Julien, entraîne une erreur d'une année entière tous les 1461 ans : Sed hoc non fuerit occasum et orientem irutare (aucun renversement du coucher et du lever du soleil n'a lieu dans une période sothiaque 2. Les paroles des prêtres faisaient-elles allusion au lent changement de direction de l'axe terrestre en une période d'environ 25.800 années, changement provoqué par son mouvement de rotation, ou par le lent déplacement des équinoxes (précession des équinoxes) ? Telle est l'interprétation que donnait Alexandre von Humboldt à « ce célèbre passage du deuxième livre d'Hérodote, qui a mis à rude épreuve la sagacité des commentateurs 3 ». Malheureusement, cette interprétation force le sens des paroles des prêtres, puisque, durant la période sothiaque, l'orient et l'occident ne peuvent intervertir leurs positions. Il est possible de mettre en doute la valeur de la déclaration des prêtres, et plus généralement de la tradition égyptienne, ou bien d'attaquer Hérodote sur son ignorance des sciences de la nature 4; mais il n'existe aucun moyen de concilier ce passage avec les connaissances scientifiques modernes; il reste un « très étonnant passage d'Hérodote, qui a fait le désespoir des commentateurs 5 ». Pomponius Mela, auteur latin du 1er siècle, a écrit : « Les Égyptiens se targuent d'être le peuple le plus antique du monde. Dans leurs annales authentiques... on lit que depuis la formation de leur royaume, les étoiles ont, par quatre fois, changé de direction, et que deux fois le soleil s'est couché dans la partie du ciel où il se lève aujourd'hui 6. » Il serait inexact de conclure que cette affirmation a été inspirée à Mela par le seul Hérodote. Mela fait explicitement allusion aux sources égyptiennes écrites. Il note le renversement du 63 mouvement des étoiles, aussi bien que celui du soleil; s'il avait copié Hérodote, il est peu probable qu'il eût noté le renversement du mouvement des étoiles (sidera). A une époque où l'on ignorait encore que le mouvement du soleil, des étoiles et des planètes fût la conséquence du mouvement terrestre, Mela ne songeait pas nécessairement à établir un rapprochement entre le changement de direction du soleil et un changement similaire chez tous les corps célestes 7. S'il existait, du temps de Mela, des documents historiques égyptiens qui mentionnaient un lever du soleil à l'Ouest, il importe d'explorer les vieilles sources littéraires d'Égypte, accessibles aujourd'hui. Le Papyrus magique Harris parle d'un bouleversement cosmique par le feu et par l'eau, où « le Sud devient le Nord, et la terre se retourne 8 ». Le Papyrus Ipuwer indique de même que « le monde fut tourné à l'envers comme la roue d'un potier », et que « la terre se retourna 9 ». Le papyrus déplore les terribles dévastations opérées par le bouleversement naturel. Le Papyrus Ermitage (Léningrad 1.116 b recto) fait encore allusion à un cataclysme qui « retourna le monde; il arriva ce qui jamais (encore) n'était arrivé 10 ». Il est admis qu'à cette époque (second millénaire), la rotation quotidienne de la terre sur elle-même était inconnue, et les peuples croyaient que le firmament et ses astres tournaient autour de notre globe. Par conséquent, l'expression : « la terre se retourna » ne s'applique pas à la rotation quotidienne du globe. Ces descriptions des papyrus de Leyde, de Léningrad et surtout celles du papyrus Harris nous interdisent de ne voir dans ces expressions qu'une interprétation poétique. Le « retournement » de la terre eut pour effet que les pôles intervertirent leur position. « Harakhte » désigne en égyptien le soleil de l'Ouest. Comme il n'y a qu'un soleil au ciel, on suppose qu'Harakhte désigne le soleil à son couchant. Mais pourquoi le soleil couchant serait-il considéré comme une divinité différente du soleil levant ? Tout le monde peut constater l'identité du soleil couchant et du soleil levant. Les inscriptions sont d'une absolue netteté : « Harakhte, lui, se lève à l'Ouest 11. » Les textes trouvés dans les pyramides déclarent que « l'astre a cessé d'habiter l'Occident et qu'il brille, renouvelé, à l'Orient 12 ». Après l'inversion de direction, les mots « Ouest» et « soleil levant » n'étaient plus synonymes, et il devenait nécessaire de préciser en ajoutant: « l'Ouest, qui est à l'occident ». Ce n'était pas là pure tautologie, comme l'a pensé le traducteur de ce texte 13. Si l'on songe que les hiéroglyphes ont été déchiffrés au cours du XIXe siècle, il est surprenant que les commentateurs modernes d'Hérodote et de Mela aient négligé de consulter les textes égyptiens. Dans la tombe de Senmout, architecte de la reine Hatshepsout, un panneau du plafond représente la sphère céleste, les signes du Zodiaque, et les autres constellations, avec une orientation inversée de la partie Sud du firmament 14. La fin du Moyen Empire précéda de plusieurs siècles l'époque de la reine Hatshepsout. Ce tableau astronomique devait être une image vénérée, mais tombée en désuétude depuis plusieurs siècles. « Un trait caractéristique du plafond de Senmout est l'orientation astronomiquement fausse du panneau Sud. » Le centre de ce panneau est occupé par le groupe Orion-Sirius, dans lequel Orion apparaît à l'Ouest de Sirius, au lieu de se trouver à l'Est. « L'orientation du panneau Sud est telle qu'une personne allongée dans la tombe, face à la voûte, doit lever la tête et regarder vers le Nord, non vers le Sud. Étant donné l'orientation inversée du panneau Sud, Orion, la constellation la plus remarquable de la partie Sud, paraît se déplacer vers l'Est, c'est-à-dire dans le mauvais sens 15. La véritable interprétation de « l'orientation irrationnelle du panneau Sud » et de la « position inversée d'Orion » semble être celle-ci : le panneau Sud représente le ciel tel qu'il était 64 avant que le Nord et le Sud, l'Est et l'Ouest, n'intervertissent leur position dans la sphère céleste. Le panneau Nord nous offre l'image du ciel d'Égypte, tel qu'on eût pu le voir, par une nuit de l'époque de Senmout. N'y a-t-il pas en Grèce des traditions autochtones qui signalent ce renversement de la révolution du soleil et des étoiles ? Platon écrivit dans son dialogue le Politique : « je veux dire, le changement du lever et du coucher du soleil, et des autres corps célestes; comment en ce temps-là, ils se couchaient dans la région où ils se lèvent maintenant, et se levaient dans celle où maintenant ils se couchent..... Le dieu, à l'époque de la querelle, vous vous rappelez, changea tout cela pour y substituer le système actuel, comme témoignage de sa faveur pour Atrée. » Et il continuait : « A certaines périodes l'univers obéit à son actuel mouvement circulaire, à d'autres, il tourne dans le sens contraire..... De toutes les révolutions qui ont lieu dans le ciel, cette inversion du mouvement est la plus grande et la plus totale 16. » Platon continuait son dialogue, et il utilisait le passage ci-dessus comme point de départ à un essai philosophique extravagant sur la réversibilité du temps. La valeur du passage cité s'en trouve arnoindrie, malgré la forme catégorique de l'affirmation. Le renversement du mouvement du soleil ne fut pas un événement qui passa inaperçu : ce fut un acte de fureur et de destruction totale. Platon écrit dans le Politique : « Il y a, à ce moment là, grande destruction des créatures, et une infime partie de la race humaine survit. » Beaucoup d'auteurs grecs, avant et après Platon, font allusion à l'inversion du mouvement solaire. Selon un bref fragment d'un drame historique de Sophocle (Atrée), le soleil se lève à l'Est seulement depuis que sa direction originelle a été inversée : « Zeus... changea la course du soleil, et il le fit se lever à l'Est et non à l'Ouest 17. » Euripide écrivit dans Electre : « Alors, Zeus se dressa dans sa colère, et il changea la route lumineuse des astres, et le soleil radieux, et les yeux brumeux de la grise aurore. Et l'éclair des roues de son char, retournant sur sa route, empourprèrent la face du couchant. Le soleil a refait sa route en arrière, et sa colère a accablé le genre humain 18. Nombreux sont les auteurs des siècles suivants qui se rendirent compte que l'histoire d'Atrée était l'écho de quelque événement naturel. Cet événement ne pouvait être une éclipse. Strabon se trompait en essayant d'attribuer un caractère rationnel à cette histoire : il prétendit qu'Atrée était l'ancêtre des astronomes, et qu'il « découvrit que le soleil tournait dans le sens contraire du mouvement des cieux 19 ». Pendant la nuit, les étoiles se meuvent d'Est en Ouest, en un temps plus court de deux minutes que celui mis par le soleil à se déplacer dans la même direction pendant le jour 20. Même en une langue poétique, pareil phénomène n'eût pas été décrit en ces termes : « Et le char du soleil aux ailes rapides quitta l'horrible mêlée, changeant sa route occidentale à travers les cieux pour les lieux où se levait l'aurore rosissante. » Ainsi s'exprime Euripide dans une autre oeuvre 21. Sénèque, contemporain de Strabon, en savait davantage que son aîné. Dans son drame Thyeste, il nous décrit puissamment ce qui se passa lorsque le soleil fit demi-tour dans le ciel matinal; cette description porte la marque d'une très profonde connaissance des phénomènes naturels. Quand le soleil rebroussa chemin et éteignit le jour au milieu de l'Olympe (midi), et quand le soleil couchant put contempler Aurore, les hommes, frappés de terreur, demandèrent : « De tous les peuples de la terre, avons-nous mérité que le ciel, ses pôles arrachés, nous écrase ? La fin du monde arrive-t-elle en notre temps 22 ? » Les premiers philosophes grecs, et principalement Pythagore, ne devaient pas ignorer l'inversion de la révolution du ciel, si elle eut vraiment lieu; mais comme Pythagore et ses 65 disciples gardaient leurs connaissances dans un secret jaloux, nous en sommes réduits aux seuls commentateurs des pythagoriciens. Aristote dit que les pythagoriciens distinguaient le mouvement céleste de droite et le mouvement de gauche. (« Le côté où se lèvent les étoiles » est la droite du ciel, et « le côté où elles se couchent, est la gauche » 23.) Et nous trouvons dans Platon : « Une direction de gauche à droite. Et cela sera d'Ouest en Est 24 ». Notre soleil d'aujourd'hui suit la direction opposée. Avec des expressions propres à l'astronomie symbolique et philosophique, d'origine sans doute pythagoricienne, Platon décrit dans le Timée les effets d'une collision de la terre « rattrapée par une folle tempête », avec « un feu étranger venu de l'extérieur, ou un solide fragment de terre », ou les eaux d'une immense inondation qui s'engouffraient et ressortaient : le globe terrestre se livre à des mouvements désordonnés, « vers l'avant, vers l'arrière, puis à droite et à gauche, en haut, en bas, errant en tous sens, et dans les six directions 25 » comme résultat de cette collision, décrite en un style obscur, qui attribue une âme à la terre, il se produisit un « ébranlement violent des révolutions de l'Ame », un « arrêt total de la course du Même », un « ébranlement de la course de l'Autre » qui provoqua « toutes sortes de torsions », et des « ruptures de toute espèce dans leur cercle »; si bien que « les deux (la terre et le « courant perpétuel » ?) étaient presque arrachés l'un à l'autre, avançant certes, mais d'une façon désordonnée, parfois à l'envers, parfois obliquement, et à nouveau sens dessus dessous 26 ». Dans la langue de Platon, la « révolution du Même » est le mouvement d'Est en Ouest, et la « révolution de l'Autre », le mouvement d'Ouest en Est 27. Dans le Politique, Platon traduit ce langage symbolique en termes d'une grande simplicité, lorsque il évoque « l'interversion des régions où le soleil se lève et se couche ». Je reviendrai plus tard à d'autres références grecques relatives au coucher du soleil à l'Est 28. Caius Julius Solinus, auteur latin du IIIe siècle de notre ère, disait des peuples qui habitent la frontière Sud de l'Égypte : « Les habitants de ce pays déclarent tenir de leurs ancêtres que le soleil se couche maintenant là où il se levait autrefois 29. » Les traditions des peuples s'accordent pour faire coïncider les changements du mouvement du soleil et les grands cataclysmes qui mirent fin à des âges du monde. Le changement du mouvement solaire à chaque âge successif explique que de nombreux peuples emploient le mot « soleil » pour le mot « âge ». « Les Chinois disent que c'est seulement depuis l'établissement d'un nouvel ordre des choses que les étoiles se déplacent d'Est en Ouest 30.» « Les signes du Zodiaque chinois présentent l'étrange particularité de se déplacer en sens rétrograde, c'est-à-dire en sens inverse du soleil 31. » On a retrouvé en Syrie, dans la ville d'Ugarit (Ras Shamra), un poème dédié à la déesse-planète Anat, qui « massacra la population du Levant », et qui « intervertit les deux aurores et la position des étoiles 32 ». Les hiéroglyphes mexicains citent quatre mouvements du soleil : Nahui ollin tonatiuh. « Les auteurs indiens traduisent Ollin par « mouvement du soleil ». Quand ils le trouvent accompagné du nombre Nahui ils traduisent nahui ollin par les mots « Soleil dans ses quatre mouvements 33 ». Ces quatre mouvements désignent quatre « soleils préhistoriques », ou « périodes du monde », accompagnés d'un bouleversement des points cardinaux 34. Le soleil qui, contrairement au mouvement présent, se déplace vers l'Est, est appelé par les Indiens Teolt Lixco 35. Les peuples du Mexique donnaient une explication symbolique des changements de direction du soleil : « une partie de boules » se déroulait au ciel, accompagnée sur la terre de bouleversements et de séismes 36. L'interversion Est-Ouest, combinée à l'interversion Nord-Sud, transformerait les constellations du Nord en constellations.du Sud ; elles se présenteraient dans un ordre inversé, comme sur la carte du ciel Sud, au plafond du tombeau de Senmout. Les étoiles du Nord 66 deviendraient les étoiles du Sud. C'est ce que semble suggérer la tradition mexicaine, lorsqu'elle parle des « quatre cents étoiles du Sud qui furent chassées 37 ». Les Esquimaux du Groënland racontèrent aux missionnaires qu'autrefois la terre chavira, et que les peuples qui vivaient alors se retrouvèrent aux antipodes 38. Les sources hébraïques sur ce sujet sont nombreuses 39. Dans le traité Sanhedrin du Talmud, il est dit : « Sept Jours avant le déluge, le Très-Haut changea l'ordre premier, et le soleil se leva à l'Ouest et se coucha à l'Est 40. » Tevel est en hébreu le nom qui désignait le monde où le soleil se levait à l'Ouest 41. Arabot est le nom du ciel qui avait à l'Ouest son aurore 42. Hai Gaon, autorité rabbinique qui vécut entre 939 et 1038, fait dans ses Réponses allusion aux bouleversements cosmiques où le soleil se leva à l'Ouest et se coucha à l'Est 43. Le Coran parle du Seigneur « des deux Est et des deux Ouest 44 », phrase qui donna de grosses difficultés aux exégètes. Averroès, philosophe arabe du XIIe siècle, mentionne les mouvements du soleil vers l'Est et vers l'Ouest 45. Tous les textes réunis ici, qui font état de l'inversion du mouvement du soleil et des étoiles, ne se rapportent pas à une seule et même époque : le Déluge, la fin du Moyen-Empire égyptien, l'époque des tyrans d'Argos, furent séparés par de nombreux siècles. La tradition qu'Hérodote recueillit en Égypte parle de quatre changements. Dans la suite de ce livre, et dans l'ouvrage qui traitera des premiers cataclysmes, je reviendrai sur ce sujet. Pour l'instant, abandonnons les témoignages historiques et littéraires sur le renversement des points cardinaux, pour examiner ce que nous révèlent les sciences de la nature sur le renversement des pôles magnétiques de la terre. Le renversement des pôles de la terre La foudre, en tombant sur un aimant, en inverse les pôles. Le globe terrestre se comporte comme un énorme aimant. Un court-circuit entre un autre corps céleste et lui provoquerait l'inversion des pôles magnétiques Nord et Sud. Il est possible de déterminer, d'après l'histoire géologique de la terre, l'orientation ancienne du champ magnétique terrestre. « Quand la lave se refroidit, et se solidifie après une explosion volcanique, elle prend une aimantation permanente, qui est fonction de l'orientation du champ magnétique terrestre à l'époque. Celle-ci, par suite de la faible intensité du champ magnétique terrestre après solidification, peut pratiquement rester constante. Si l'on admet ce principe, le sens de l'aimantation primitive peut être déterminé par des expériences de laboratoire, à condition que tous les changements d'orientation de la masse étudiée aient été soigneusement notés 1. » On devrait donc découvrir une inversion totale des pôles. Bien que les échauffements répétés de la lave et des roches aient pu altérer la structure magnétique générale, il doit être possible de trouver des roches dont les pôles sont inversés. n autre auteur a écrit : « L'examen de l'aimantation de certaines roches ignées révèle qu'elles sont polarisées en sens contraire du champ magnétique local, et que beaucoup des anciennes roches sont moins fortement aimantées que de plus récentes. En admettant que l'aimantation des roches s'est produite quand le magma s'est refroidi, et que les roches n'ont pas changé de position depuis cette époque, nous pourrions inférer que la polarité de la Terre a été complètement inversée dans les époques géologiques récentes 2. » Comme ces phénomènes physiques ne cadraient avec aucune des théories cosmologiques, l'auteur du passage ci-dessus s'est prudemment refusé à en tirer d'autres conséquences. 67 L'inversion des pôles de la lave suggère l'inversion des pôles magnétiques de la Terre, au cours d'époques géologiques récentes. Quand ils prirent une orientation très différente, d'abondantes coulées de lave se produisirent. D'autres problèmes se posent encore, et d'une extrême importance : la position des pôles magnétiques a-t-elle un rapport quelconque avec le sens de rotation du globe, et y a-t-il une interdépendance entre la direction des pôles magnétiques du soleil et ceux des planètes ? Du déplacement des points cardinaux Les diverses traditions citées dans l'avant-dernier chapitre se rapportent à des époques différentes. En fait, Hérodote et Mela déclarent que, selon les annales égyptiennes, l'inversion de l'Est et de l'Ouest se répéta : le soleil se leva à l'Ouest, puis à l'Est; puis, à nouveau à l'Ouest, et une fois de plus à l'Est. Le cataclysme cosmique qui mit fin à un âge du monde, aux derniers jours du Moyen Empire et au temps de l'Exode, coïncida-t-il avec l'une de ces révolutions, et le sens de la rotation de la terre s'est-il modifié à ce moment-là ? S'il nous est impossible de l'affirmer, rien du moins ne nous empêche de soutenir que la terre n'a pas suivi la même orbite, que ses pôles n'ont pas conservé leur place, et que l'orientation de ses pôles n'a plus été la même qu'auparavant. La position du globe et sa trajectoire n'étaient pas déterminées quand la terre entra pour la première fois en contact avec la comète. Selon les paroles de Platon, déjà partiellement citées, le mouvement de la terre fut changé par « un arrêt total de sa course », subit « un ébranlement de sa révolution », et des « ruptures de toute espèce », en sorte que la position de la terre se trouva être « une fois à l'envers, une autre fois oblique, et de nouveau sens dessus dessous », et qu'elle erra « en tous sens, dans six directions différentes ». Le Talmud, et d'autres anciennes sources rabbiniques, parlent de grandes perturbations dans le mouvement solaire, à l'époque de l'Exode, du Passage de la mer Rouge, et de la Révélation sur le Sinaï 1. Dans les premiers Midrashim, il est dit à plusieurs reprises que, par quatre fois, le soleil dut abandonner sa trajectoire, au cours des quelques jours qui séparèrent l'Exode du jour au mont Sinaï 2. Les ténèbres prolongées (et le jour anormalement long en Extrême-Orient), les séïsmes (les 9e et 10e plaies), l'embrasement de la terre furent la conséquence d'une de ces perturbations du mouvement de la planète. Quelques jours plus tard, si nous en croyons le récit de la Bible, juste avant que l'ouragan ne changeât de direction « la colonne de feu, qui était devant eux, se retourna et se dressa derrière eux », ce qui signifie que la colonne de fumée et de feu fit demi tour et apparut dans la direction opposée. Des vagues, en se dressant à la hauteur des montagnes, mirent à nu le fond de la mer. Une étincelle jaillit entre deux corps célestes et, « au détour du matin 3 », les vagues s'abattirent en une avalanche gigantesque. Les Midrashim notent une perturbation du mouvement solaire le jour du Passage : le soleil ne poursuivit pas sa course 4. Ce jour-là, selon les Psaumes (LXXV, 10), « la terre s'est tue d'épouvante ». Il est possible qu'Amos (VIII, 8-9) rappelle cet événement, quand il parle de « l'inondation d'Égypte », au temps où « la terre fut expulsée de la mer, et la terre sèche engloutie par la mer », et où « le soleil se coucha à midi ». Cependant, comme je le montrerai plus loin, Amos pouvait également faire allusion à un cataclysme cosmique plus récent. Le jour où Moïse reçut la Loi sur le Sinaï, et où les mondes entrèrent une fois de plus en collision, fut, selon les nombreuses sources rabbiniques, un jour d'une durée inhabituelle : le mouvement du soleil était perturbé 5. En un pareil moment, et plus généralement au cours des jours et des mois qui suivirent le Passage, l'observation était malaisée, sinon impossible, à cause des ténèbres, des nuages lourds 68 et sombres, des éclairs, des ouragans, sans parler des ravages que causaient les tremblements de terre et les inondations. « Ils marchent dans les ténèbres et tous les fondements de la Terre sont ébranlés » (Psaume LXXXI, 5), ainsi s'exprime le psalmiste. Le Papyrus Ipuwer, où on lit que « la terre fut tournée à l'envers comme la roue d'un potier », et que « la terre est sens dessus dessous », fut écrit par un témoin oculaire des « Plaies et de l'Exode 6. Un autre Papyrus, déjà cité (Harris), décrit également le changement : « Le Sud devient le Nord, et la terre est tournée à l'envers ». Y eut-il, à la suite du cataclysme naturel de l'Exode, une inversion totale des points cardinaux, ou seulement un déplacement important ? Nous ne prétendons pas apporter de solution au problème. Les contemporains eux-mêms s'en abstinrent, au moins pendant plusieurs décades. Dans la grande nuit qui se prolongea toute une génération, l'observation était difficile, et le demeura même lorsque la lumière commença à percer les ténèbres. Le Kalevala rapporte que des « ombres redoutées » enveloppaient la terre, et que « le soleil parfois s'écarte de sa voie habituelle 7 ». Ensuite, Ukko-Jupiter fit jaillir le feu du soleil pour allumer un nouveau soleil et une nouvelle lune, et une autre époque du monde commença. Dans la Voluspa (Edda poétique) des Islandais, nous lisons : « Il (le soleil) ignorait où pouvait être sa demeure, La lune ne savait pas où se trouvait la sienne, Les étoiles ne savaient pas où était leur place. » Puis les dieux restaurèrent l'ordre parmi les astres. Les Aztèques déclaraient . « Le soleil n'existait plus depuis nombre d'années..... (Les chefs) commencèrent à scruter les ténèbres en tous sens, à la recherche de la lumière espérée; et ils faisaient des paris sur la région du ciel où le soleil paraîtrait d'abord. Les uns disaient « ici », les autres disaient « là ». Mais quand le soleil se leva il se trouva que tous s'étaient trompés, car aucun d'entre eux n'avait fixé son choix sur l'Est 8. De même, la tradition maya dit que « l'on ne savait où le nouveau soleil apparaîtrait ». « Ils regardaient dans toutes les directions, mais ils étaient incapables de dire où le soleil se lèverait. Les uns pensaient qu'il paraîtrait au Nord, et leurs regards étaient tournés dans cette direction. D'autres pensaient que ce serait au Sud. En fait, toutes les directions furent choisies, car l'aube brillait partout à la fois. Quelques-uns cependant fixèrent leurs regards sur l'Orient, en soutenant que le soleil apparaîtrait de ce côté-là. Et c'est eux qui eurent raison 9. » Selon le « Compendium » de Wong-che-sing (I526-1590), c'est pendant « l'âge qui suivit le chaos, juste après que le Ciel et la Terre se fussent séparés, et que la grande masse de nuages eût cessé de peser sur la Terre » que le ciel montra son visage 10. Dans les Midrashim, il est dit que, pendant la marche dans le désert, les Israélites n'aperçurent pas le visage du soleil, que des nuages cachaient; et il leur était impossible de s'orienter 11. L'expression, employée à plusieurs reprises dans le Livre des Nombres, et dans celui de Josué « l'Est, en direction du Levant 12 » n'est pas une tautologie, mais une définition qui, soit dit en passant, fournit la preuve de l'ancienneté des textes littéraires dont s'inspirèrent ces livres. L'expression a d'ailleurs sa contre-partie égyptienne: « l'Ouest, qui est au soleil couchant ». Dans l'allégorie cosmologique des Grecs, Zeus, tandis qu'il poursuivait Typhon, enleva Europe (Erev, la terre du soir), et l'emporta à l'Ouest. L'Arabie (également Erev) a gardé son nom : « terre du soir 13 », quoiqu'elle se trouve à l'Est des centres de civilisation (Égypte, Palestine, Grèce). Eusèbe, un des Pères de l'Église, situait l'épisode Zeus-Europe à l'époque de Moïse et du déluge de Deucalion ; et saint Augustin écrivit qu'Europe fut transportée par le roi 69 de Crète dans son île à l'Ouest, « entre le départ d'Égypte des enfants d'Israël et la mort de Josué 14 ». Les Grecs, comme les autres peuples, parlaient du renversement des pôles terrestres, non seulement sous la forme allégorique, mais avec une stricte exactitude. L'inversion du mouvement de la rotation terrestre, à laquelle font allusion les traditions orales et écrites de nombreux peuples, suggère qu'un de ces phénomènes est en rapport direct avec le cataclysme du temps de l'Exode. De même que le passage cité ci-dessus du « Visuddhi Magga », texte bouddhique, et la tradition également citée de la tribu brésilienne Cashinaua, les traditions des peuples et des tribus des cinq continents font état des mêmes éléments, si fréquemment décrits dans le Livre de l'Exode : éclairs, « explosion des cieux », qui fit chavirer la Terre « à l'envers » - et « le Ciel et la Terre qui échangent leurs places ». Les indigènes des îles Andaman redoutent qu'un cataclysme naturel ne retourne le monde à l'envers 15. Au Groënland également, les Esquimaux craignent que la terre ne roule sens dessus dessous 16. Curieusement, la cause de ces perturbations nous est révélée par les croyances du peuple flamand, en Belgique. Ainsi, nous lisons : « Au Menin (Flandre), les paysans disent, en voyant une comète : « Le ciel va tomber. La Terre tourne à l'envers 17. » Des changements de l'heure et des saisons Beaucoup d'agents contribuèrent à changer le climat. Les épais nuages de poussière diminuèrent l'insolation et entravèrent aussi la radiation de la chaleur terrestre 1. Les contacts de la terre avec un autre corps céleste produisirent de la chaleur ; l'orbite de la terre s'écarta du soleil; les pôles furent déplacés; les océans et les mers s'évaporèrent, les vapeurs furent précipitées sous forme de neige sur les nouvelles régions polaires, à des latitudes plus élevées. Au cours d'un long « Hiver-Fimbul », (l'hiver terrible chez les peuples scandinaves), elles formèrent de nouveaux glaciers; l'axe de rotation de la terre s'orienta dans une nouvelle direction, et l'ordre des saisons fut perturbé. Le printemps suit l'hiver, l'été précède l'automne, parce que l'axe de rotation de la terre est incliné sur le plan de l'écliptique. Si cet axe devenait perpendiculaire à ce plan, il n'y aurait pas de saisons sur la terre. S'il changeait de direction, les saisons changeraient d'ordre.et d'intensité. Le Papyrus égyptien, connu sous le nom de Papyrus Anastasi IV, déplore les ténèbres et l'absence de lumière solaire; il déclare aussi : « L'Hiver est venu à la place de l'Été, les mois sont à l'envers, et les heures se confondent 2 ». « Le souffle du ciel n'obéit plus aux lois normales... Les quatre saisons n'observent pas leur durée », lisons-nous dans un texte taoïste 3. Dans les mémoires historiques de Se-Ma-Ts'ien, comme dans les Annales de Chou-King, déjà citées, il est dit que l'empereur Yao envoya des astronomes dans la « Vallée d'obscurité », et dans la « Résidence obscure », pour observer les nouveaux mouvements du soleil, de la lune, des syzygies, ou points orbitaux des conjonctions, et aussi « pour faire des recherches sur l'ordre des saisons, et en informer le peuple 4 ». On dit aussi que Yao introduisit une réforme du calendrier : il fit concorder les saisons avec les observations recueillies. Il en fit de même pour les mois; et il corrigea les jours 5. Plutarque décrit ainsi la perturbation des saisons : « L'air épaissi cachait le Soleil, et les étoiles s'entassaient en une confusion désordonnée de feu, d'humidité et de vents violents. Et le Soleil ne suivait plus sa course fixe et immuable, par où l'on pût distinguer l'Orient de l'Occident : et l'ordre des saisons en fut bouleversé 6.» Dans une autre de ses oeuvres, Plutarque attribue ces désordres à Typhon « le destructeur, le fou, le turbulent », qui provoqua « des saisons et des températures anormales 7 ». Il est très remarquable que dans les traditions écrites de l'antiquité, le désordre des saisons est fonction directe des perturbations du mouvement des corps célestes. 70 Les traditions orales des peuples primitifs de différentes parties du monde gardent aussi le souvenir de ce dérangement du mouvement des corps célestes, des saisons, du temps, au cours d'une période où les ténèbres enveloppaient la terre. Telle est, par exemple, la tradition des Oraibi de l'Arizona. Ils disent que le firmament était très bas, que le monde était plongé dans les ténèbres, qu'on ne voyait ni le soleil, ni la lune, ni les étoiles. « Le peuple murmurait à cause des ténèbres et du froid. » Puis le dieu-planète Machito « fixa les heures, les saisons et la route des corps célestes 8 ». Selon les Incas, « la puissance régulatrice des saisons et de la course des astres » était Uira-Cocha. « 0, Uira-Cocha, tu ne commandes pas vainement au soleil, à la lune, au jour, à la nuit, au printemps, à l'hiver 9. » Les sources américaines qui parlent d'un monde baigné de rouge, d'une pluie de feu, d'un embrasement mondial, de présages effrayants au ciel, de ténèbres qui durèrent vingt-cinq années, ajoutent aussi que « l'ordre des saisons fut altéré à cette époque ». « Les astronomes et les géologues, dont tout ceci est l'affaire... devraient connaître les causes qui ont pu bouleverser les jours et couvrir la terre de ténèbres», écrivit un clergyman qui passa plusieurs années au Mexique et fréquenta les bibliothèques de l'Ancien Monde, où étaient conservés les vieux manuscrits mayas et les ouvrages des anciens auteurs indiens et espagnols à leur sujet ". Il ne lui vint pas à l'esprit que les récits bibliques relatifs à l'époque de l'Exode contiennent les mêmes éléments. Avec la fin du Moyen-Empire et le départ des Israélites, l'ordre primitif des saisons prit fin, et une nouvelle période du monde commença. Le quatrième Livre d'Ezra, qui s'inspire de quelque source plus ancienne, fait allusion à « la fin des saisons » en ces termes : « je l'ai envoyé (Moïse) ; J'ai fait sortir mon peuple d'Égypte et l'ai mené au mont Sinaï; et J'ai gardé Moïse près de moi plusieurs jours. Je lui ai révélé beaucoup de choses prodigieuses, lui ai montré les secrets du temps et lui ai annoncé la fin des saisons 11. » Le calendrier ne put être établi correctement : les mouvements de la terre et de la lune étaient simultanément perturbés, et l'observation constamment gênée par les nuages et la fumée qui obscurcissaient le ciel. Pour déterminer la nouvelle durée des jours, des mois et des années, il eût été indispensable de se livrer à des observations patientes et sereines : les termes des Midrashim, qui nous dépeignent un Moïse incapable, de rien comprendre au nouveau calendrier, sont une nette allusion à cette situation : « Les secrets du calendrier » (Sod ha avour), ou, plus exactement « le secret de la transition » d'un calcul du temps à l'autre, fut révélé à Moïse, mais il eut de la peine à le comprendre. De plus, il est dit dans les sources rabbiniques qu'au temps de Moïse la course des corps célestes devint incompréhensible 12. L'Exode eut lieu au printemps : le mois de l'Exode devint le premier mois de l'année. « Ce mois-ci viendra pour vous en tête des autres; vous le tiendrez pour le premier mois de l'année 13.» Ainsi fut créé l'étrange calendrier juif, qui célèbre le Nouvel An le septième mois de l'année ; le début de l'année du calendrier étant placé à six mois environ de la nouvelle année, en automne. Avec la chute du Moyen-Empire et l'Exode, l'un des grands âges du monde prit fin. Les quatre points cardinaux furent déplacés, et ni l'orbite, ni les pôles, ni probablement le sens de la rotation terrestre ne demeurèrent les mêmes. Le calendrier dut être refondu. La longueur astronomique des années et des jours se trouva altérée après un cataclysme, où, selon les termes du Papyrus Anastasi IV, « les mois furent à l'envers et les jours confondus ». Aucun document du Moyen-Empire ne fournit de renseignements sur la longueur de l'année à cette époque. Dans les textes des pyramides datant de l'Ancien Empire, il est fait mention de « Cinq jours »; on en a conclu à tort qu'à cette époque, l'année de 365 jours était déjà connue 14. Mais aucun texte du Haut ou du Moyen-Empire n'a été retrouvé qui mentionne une année de 365, ni même de 360 jours; et l'on n'a découvert aucune allusion à une année de 365 jours; ni à 71 « cinq jours », dans les nombreuses inscriptions du Nouvel Empire, antérieures aux dynasties du VIIe siècle 15. Il est donc peu fondé de conclure que les « cinq jours » dans les textes de l'Ancien Empire signifient les cinq jours complémentaires de 360. Dans un commentaire à un manuscrit du Timée, il est explicitement déclaré qu'un calendrier de l'année solaire de 360 jours fut introduit par les Hyksos, après la chute du Moyen-Empire 16. L'année du calendrier du Moyen-Empire comptait apparemment un nombre moindre de jours. J'espère arriver à établir que du XVe au VIIIe siècle avant notre ère, l'année astronomique était de 360 jours ; ni avant le XVe, ni après le VIIIe siècle, l'année ne fut égale à ce chiffre. Dans un chapitre ultérieur de cet ouvrage, je présenterai de nombreux documents à l'appui de cette affirmation. Sous le Moyen-Empire, l'année comptait moins de 360 jours. L'orbite de la Terre était alors un peu plus proche de l'orbite actuelle de Vénus. je me réserve d'étudier la longueur de l'année astronomique au temps du Moyen et du Haut Empire dans la partie de cet ouvrage consacrée aux cataclysmes cosmiques qui survinrent en Égypte avant le début du Moyen-Empire. Mentionnons ici une vieille source des Midrashim qui, à partir d'une contradiction dans les textes des Écritures relatifs à la durée du séjour des Israélites en Égypte, soutient que « Dieu hâta la course des planètes pendant le séjour d'Israël en Égypte » si bien que le soleil accomplit 400 révolutions en une période de 210 années régulières 17. Ces chiffres ne doivent pas être considérés comme exacts, mais puisque l'intention était de concilier deux textes bibliques, il valait la peine de citer cette allusion à une altération du mouvement des planètes au cours du séjour des Israélites en Égypte sous le Moyen-Empire. Le Midrash Rabba 18 affirme, sous le couvert du Rabbin Simon qu'un nouvel ordre du monde naquit avec la fin de la sixième période du monde, à la révélation du mont Sinaî. « Il y eut un affaiblissement (Metash) de la Création. Auparavant, on calculait le temps, mais, à partir de ce moment, nous le calculons différemment. » Le Midrash Rabba fait également allusion « au temps plus long que mirent certaines planètes 19 . 72 Chapitre 6 L'ombre de la mort Pendant toute l'année qui suivit l'éruption du volcan Perbuatan dans l'île Krakatoa (Malaisie hollandaise), en 1883, les couchers et les levers de soleil dans les deux hémisphères furent d'une très vive coloration. Les poussières de lave en suspension dans l'air, et transportées tout autour du globe expliquaient ce phénomène 1. En 1783, après l'éruption du Skaptar-Jôkull en Islande, le monde fut assombri pendant des mois. Nombreux sont les auteurs contemporains de l'événement qui mentionnent le phénomène. L'un d'eux, un Allemand, comparait l'obscurité du monde en l'année 1783 à la plaie égyptienne des Ténèbres 2. Le monde s'assombrit l'année de la mort de César (44 av. J.-C.). « Après le meurtre de César, et pendant la guerre d'Antoine », il y eut « des ténèbres continues pendant presque toute une année », note Pline 3. Virgile décrivait cette année dans les termes suivants: « Le Soleil... se mit à voiler sa face brillante de ténèbres et d'obscurité, et le siècle privé de dieu craignit une nuit éternelle... En Germanie, on entendit des fracas d'armes dans tout le ciel..... Les Alpes furent secouées de terreurs inhabituelles... et l'on vit à l'heure crépusculaire des spectres d'une pâleur étonnante 4. » Le 23 septembre 44 avant J.-C., peu après la mort de César, et le jour même où Octave célébrait les rites en l'honneur des Morts, une comète apparut, visible en plein jour. Elle était très brillante, et se déplaçait du Nord vers l'Ouest. On ne la vit que quelques jours, et elle disparut alors qu'elle était encore au Nord 5. Il est probable que les ténèbres dont fut enveloppé le monde l'année qui suivit la mort de César étaient dues aux poussières de comète dispersées dans l'atmosphère. « Le fracas des armes » entendu « dans tout le ciel » n'était autre que le bruit qui accompagnait l'entrée des gaz et des poussières dans l'atmosphère terrestre. Si l'éruption d'un seul volcan peut obscurcir l'atmosphère de tout le globe, l'éruption simultanée et durable de milliers de volcans le plongerait dans une nuit totale. Et si les poussières de la comète de 44 ont obscurci le monde, le contact de la terre avec la grande comète du XVe siècle avant notre ère dut de même enténébrer le ciel. Comme cette comète mit en activité tous les volcans et en alluma de nouveaux, l'action combinée des éruptions et des poussières de la comète dut saturer l'atmosphère de particules en suspension. Les volcans rejettent de la vapeur d'eau aussi bien que des cendres. La chaleur engendrée par le contact du globe avec la comète dut provoquer une forte évaporation à la surface des mers et des fleuves. Deux espèces de nuages, vapeur d'eau et poussières, se formèrent ainsi. Les nuages, très bas, obscurcirent le ciel, et formèrent comme un épais brouillard. Le voile laissé par la traînée gazeuse de la comète et la fumée des volcans produisirent des ténèbres, sinon totales, du moins très épaisses. Cette situation se prolongea pendant des décades, et ce n'est qu'avec une extrême lenteur que les poussières disparurent et que les vapeurs d'eau se condensèrent. Il y eut une « vaste nuit qui régna sur toute la terre américaine, et dont parlent unanimement les traditions : le soleil n'existait plus en quelque sorte pour ce monde ruiné, qui n'était éclairé par intervalles que par des embrasements affreux, qui montraient au petit nombre d'hommes échappés de ces calamités toute l'horreur de leur situation 6. 73 « A la suite du cataclysme occasionné par les eaux, l'auteur du Codex Chimalpopoca nous montre dans l'histoire des soleils des phénomènes célestes effrayants, suivis à deux reprises de ténèbres qui couvrent la face de la terre, une fois même durant l'espace de vingt-cinq ans. » « Ce fait est mentionné dans le Codex Chimalpopoca et dans la plupart des traditions mexicaines 7. » Gómara, l'Espagnol qui arriva dans l'hémisphère occidental au milieu du XVIe siècle, peu après la conquête, écrivait « Après la destruction du quatrième soleil, le monde fut plongé dans les ténèbres pendant une période de vingt-cinq années. C'est au milieu de cette profonde obscurité, et dix ans avant l'apparition du cinquième soleil, que l'humanité fut régénérée. » Pendant ces années de ténèbres, où le monde était enseveli sous les nuages et la brume, la tribu Quiché émigra et parvint au Mexique 9, après avoir traversé une mer enveloppée d'un sombre brouillard. Le manuscrit dit « Quiché » rapporte aussi qu'il y avait « peu de lumière à la surface de la terre... Le visage du soleil et de la lune était couvert de nuages 10 ». Le Papyrus Ermitage à Léningrad, déjà cité, déplore un terrible cataclysme qui fit chavirer le ciel et la terre : (« je te montrerai la Terre sens dessus dessous; il est arrivé ce qui jamais n'était arrivé »). Après ce cataclysme les ténèbres couvrirent la terre: « Le Soleil est voilé, et n'apparaît pas éclatant au regard des hommes. Personne ne peut vivre quand le Soleil est voilé de nuages... Personne ne sait que midi est là... On ne distingue aucune ombre.. Les yeux ne sont pas éblouis quand ils le regardent (le soleil). Il ressemble à la lune 11". » Dans ce passage, la lumière du soleil est comparée à celle de la lune; mais, même à la lumière lunaire, les objets projettent une ombre. Si l'on ne pouvait discerner le milieu du jour, c'est que le disque du soleil était à peine visible, et seule sa lumière diffuse différenciait le jour de la nuit. Les ténèbres, au cours des années, s'éclaircirent, à mesure que les nuages étaient moins denses, dévoilant le ciel et la terre. Bon nombre d'autres documents décrivent les années de ténèbres en Égypte. Le Papyrus Ipuwer, qui contient le récit des plaies d'Égypte dit que la terre est privée de lumière (est sombre 12). Le Papyrus Anastasi IV décrit aussi ces années de malheur : « Le Soleil, il est arrivé qu'il ne se lève pas 13.» C'était l'époque des pérégrinations d'Israël dans le désert 14. Est-il quelque part indiqué que le désert fut plongé dans l'obscurité ? Jérémie déclare : (II, 6) « ... pour avoir cessé de dire : où est le Seigneur qui nous a fait sortir d'Égypte, qui nous a guidés à travers le désert, cette terre de désolation et de crevasses, terre où règnent l'aridité et l'ombre de la Mort, terre où nul homme ne passe, où personne ne demeure ». « L'Ombre de la Mort » évoque l'époque des pérégrinations dans le désert, après l'Exode. Le sens sinistre des mots « Ombre de la Mort » correspond à la description du Papyrus Ermitage : « Personne ne peut vivre quand le soleil est voilé de nuages. » Par intervalles éclataient des incendies qui éclairaient le désert 15. Le phénomène des ténèbres continues marqua très fortement le souvenir des Douze Tribus. On le retrouve dans maints passages de la Bible : « Vous nous avez enveloppés de l'Ombre de la Mort » (Psaumes XLIII, 19). « Le peuple qui marchait dans l'obscurité... au pays de l'Ombre de la Mort » (Isaïe. IX, 2). Les Israélites erraient dans la solitude du désert... Consumés de faim et de soif, ils sentaient en eux leur vie défaillir », et le Seigneur « les fit sortir des ténèbres et de l'Ombre de la Mort » (Psaumes CVI); « Les terreurs de l'Ombre de la Mort » (Job XXIV, 17). Dans Job (XXXVIII), le Seigneur parle : « Qui a fermé la mer avec des portes, quand elle jaillit ?... Quand je lui donnai les nuées pour habit, et pour langes des brouillards ténébreux... lorsque j'ai indiqué sa place à l'aurore, pour qu'elle saisisse les bords de la terre, et qu'elle en secoue les méchants 16 ? » Les nuages bas dérivaient lentement au-dessus de la terre et enveloppaient de leur linceul les fugitifs dans le désert. La nuit ils émettaient une faible lueur : leur région supérieure réfléchissait la lumière solaire. C'est grâce à cette lueur, pâle le jour, et 74 rouge au soir, que les Israélites arrivaient à distinguer le jour de la nuit 17. Les nuages les protégèrent du soleil au cours de leur marche dans le désert et, selon la tradition des Midrashim, ils ne revirent le soleil et la lune qu'au terme de leur voyage 18. Les nuées qui recouvraient le ciel pendant les pérégrinations des Douze Tribus reçurent le nom d' « habit céleste» ou de « nuages de gloire ». « Il étendit une nuée pour les couvrir, et du feu pour les éclairer la nuit. » « Et le nuage du Seigneur était sur eux le jour 19. » Pendant des jours et des mois, le nuage resta immobile, et les Israélites « ne levèrent pas le camp »; mais, dès que le nuage se remit en marche, les Israélites le suivirent, et ils le vénéraient à cause de son origine divine 20. Dans les sources arabes aussi, nous lisons que les Amalékites, qui abandonnèrent le Hedjaz à cause des plaies, suivirent le nuage lorsqu'ils entreprirent de traverser le désert 21. Alors qu'ils se dirigeaient vers la Palestine et l'Égypte, ils rencontrèrent les Israélites, et l'écran de nuages joua un rôle décisif dans les combats qui se livrèrent entre eux 22. Le Nihongi, chronique japonaise qui remonte aux plus anciennes périodes, fait allusion à une époque où il y avait des « ténèbres continuelles», et « aucune différence entre le jour et la nuit ». Il décrit sous le nom de l'Empereur Kami Yamato un âge antique où « la désolation s'étendait sur le monde entier. C'était un temps de ténèbres et de désordres. De cette obscurité, Hiko-ho-no-ninigi-no-Mikoto créa la justice, et ainsi gouverna cette région occidentale 23 ». En Chine, les annales qui ont trait à l'époque de l'Empereur Yao situent le lieu des observations astronomiques dans la « Vallée de l'obscurité » et la « Résidence Obscure 24». L'expression « Ombre de la Mort » est le symbole de l'influence néfaste de ces ténèbres sur la vie. Les annales chinoises de Wongchesing, dans le chapitre relatif aux dix Branches (les dix stades de l'histoire primitive de la Terre) rapportent qu' « au temps de Wou, la sixième Branche,... les ténèbres empêchent toutes choses de croître 25, ». Les savants bouddhistes déclarent qu'au début de la sixième « période du monde, ou soleil », « le monde entier s'emplit de fumée et fut saturé de fumée graisseuse ». Il n'y a « aucune différence entre le jour et la nuit ». L'obscurité est provoquée par un « grand nuage, destructeur du cycle», d'origine et de proportions cosmiques 26. Les indigènes des îles Samoa font le récit suivant : « Ensuite, il s'éleva une odeur... l'odeur devint fumée, qui à son tour devint nuée. La mer aussi se souleva, et au milieu d'un cataclysme naturel formidable, la terre s'enfonça dans la mer... La nouvelle terre (les îles Samoa) sortit du sein de la précédente terre 27.» Pendant que les ténèbres enveloppaient le monde, les îles Tonga, Samoa, Rotouma, Fidji, et Ouvéa (île Wallis), et Fotouna surgirent du fond de la mer 28. De vieux manuscrits hawaïens font allusion à de longues ténèbres : La terre danse... Que cessent les ténèbres... Les cieux se referment... Il est bien fini le monde d'Hawaï 29. La Tribu Quiché émigra au Mexique, les Israélites errèrent dans le désert, les Amalékites quittèrent leur pays pour la Palestine et l'Égypte. Des exodes pénibles eurent lieu aux quatre coins du monde dévasté. Il y eut des exodes en Polynésie centrale, alors ensevelie sous les ténèbres : les vieilles traditions polynésiennes relatent qu'un chef du nom de Te-erui, qui « vécut longtemps dans l'obscurité complète à Avaiki », partit dans une pirogue appelée « Fatiguée de la Nuit », à la recherche d'une terre de lumière; après avoir erré plusieurs années, il vit le ciel peu à peu s'éclairer, et arriva en une région où « l'on pouvait se voir les uns les autres distinctement ». 30 75 Le Kalevala, épopée finnoise, qui « remonte à une formidable antiquité 31 », décrit en ces termes l'époque où le soleil et la lune disparurent du ciel, tandis que des ombres redoutées le cachaient au regard : « Et même les oiseaux, malades, périssaient, Hommes et jeunes filles, affamés, défaillaient, Mouraient dans la froidure et les lourdes ténèbres, Mouraient de ne plus voir les rayons du soleil, De ne plus voir le clair de lune... Et Sages et savants de la Terre nordique Ne pouvaient discerner l'aurore matinale, La Lune en sa saison a cessé de luire, Et même le Soleil à midi est absent, Ils ont abandonné leur place au firmament 32 » Ceux qui tenteraient d'expliquer rationnellement cette image par la longue nuit hivernale des pays nordiques se heurtent aux difficultés que présente la seconde partie du passage les saisons ne se succédaient plus dans leur ordre habituel. L'ombre redoutable recouvrit la terre, quand Ukko, la plus grande des divinités finnoises, laissa s'écrouler le support du ciel. De furieuses pluies de fer s'abattirent sur le monde, et il fut enseveli sous des ténèbres qui durèrent une génération. Le « Crépuscule des Dieux» des races nordiques n'est rien d'autre que l' « Ombre de la Mort » des Écritures. Toute la génération de ceux qui quittèrent l'Égypte périt dans la nuit du désert. La végétation disparut dans le cataclysme. Le Bundehesh iranien déclare : « La maladie se répandit sur la végétation, et celle-ci se flétrit immédiatement 33. » Quand le ciel vola en éclats, le jour s'obscurcit, et la terre fourmilla d'animaux nuisibles. Pendant longtemps, on ne vit aucune verdure; les semences ne pouvaient germer sans soleil. Il fallut des années pour que la terre redevînt féconde : les traditions orales et écrites de nombreux peuples le rapportent. Selon les sources américaines, la régénération du monde et de l'humanité se produisit alors que les ténèbres ne s'étaient pas encore dissipées. Elle eut lieu, dit-on, à la fin de la quinzième année de ténèbres, et dix ans avant la fin de l'obscurité 34. D'après le récit de l'Écriture ce fut probablement le jour où le rameau desséché d'Aaron bourgeonna pour la première fois 35. Ce monde de cauchemar, empli d'obscurité et de gémissements, affligeait tous les sens, sauf celui de l'odorat : l'air était parfumé. Quand le vent soufflait, les nuées apportaient une odeur très douce. Le Papyrus Anastasi IV, rédigé « dans l'année de malheur », note le bouleversement des mois, et décrit l'arrivée du dieuplanète « précédé d'un vent embaumé 36 ». Dans un texte hébreu semblable, nous lisons que les temps et les saisons étaient bouleversés, et qu'un « parfum embaumait le monde entier », et il provenait de la colonne de fumée. On eût dit des effluves de myrrhe et d'encens. « Israël était enveloppé de nuées», et dès que les nuées se déplaçaient, les vents « embaumaient la myrrhe et l'encens 37 ». Les Vedas contiennent des hymnes à Agni, qui « brille au ciel ». Son parfum devint le parfum de la terre. « Ce parfum à toi..... Que les Immortels d'autrefois recueillirent 38. » 76 Les traditions hindoues ont immortalisé cette génération qui vit l'étoile apporter son parfum aux hommes de la terre. L'hymne védique compare le parfum de l'étoile divine d'Agni à la senteur du lotus. L'ambroisie Comment ce voile obscur parvint-il à se dissoudre ? Quand l'air est surchargé de vapeurs, nous constatons des chutes de pluie, de grêle, de rosée ou de neige. Il est fort probable que l'atmosphère se libéra de ses éléments composants, vraisemblablement le carbone et l'hydrogène, selon un processus similaire. Certains témoignages ne révèlent-ils pas l'existence de précipitations d'hydrocarbure au cours des longues années de ténèbres ? « Quand la rosée descendait la nuit sur le camp, la manne y tombait aussi. » Elle ressemblait au « givre sur le sol». Elle avait la forme de la graine de coriandre, la couleur jaunâtre du bdellium, et le goût douceâtre d'un gâteau de miel; les Israélites l'appelèrent « le blé du Ciel ». Ils la broyaient entre des pierres et en faisaient des gâteaux 1. La manne tombait des nuées 2. Le refroidissement nocturne provoquait la précipitation des carbures d'hydrogène qui tombaient avec la rosée du matin. Les grains se liquéfiaient à la chaleur, et s'évaporaient. Mais, mise en vase clos, la substance pouvait se conserver longtemps 3. Les exégètes ont cherché une explication au phénomène de la manne. Ils ont été aidés dans leur entreprise par les naturalistes, qui ont découvert que les graines des tamaris du désert du Sinaï tombent à certains mois de l'année 4. Mais pourquoi cette graine serait-elle appelée « blé du Ciel », « pain du Ciel 5 », et pourquoi serait-il dit : « Il pleuvra du pain du haut du Ciel 6 ». Il n'est guère aisé, d'autre part, d'expliquer comment des foules d'hommes et d'animaux auraient pu vivre des années, en plein désert, des rares graines saisonnières d'un arbuste désertique. Si tel était le cas, le désert devrait être préféré à la terre arable, qui ne livre ses fruits que contre la sueur de l'homme. Le Talmud rapporte également que les nuées apportèrent le pain Céleste 7. Mais si la manne provenait des nuées qui enveloppaient le monde entier, elle n'a pas dû tomber sur le seul désert du Sinaï, mais partout. D'autres peuples durent la goûter, parler d'elle dans leurs traditions. La tradition islandaise prétend qu'il y eut un embrasement du monde, suivi de l'Hiver-Fimbul, et qu'un seul couple humain resta vivant. « Ce couple se cacha dans un bois pendant le feu de Surt »; puis vint « le terrible Hiver-Fimbul, à la fin du monde (de cet âge du monde); durant tout ce temps, ils vivent de la rosée du matin, et d'eux naquit la multitude qui peuple la terre régénérée 8. La tradition islandaise révèle donc les trois mêmes éléments, déjà rencontrés dans la tradition d'Israël : embrasement du monde, hiver et ténèbres qui durent plusieurs années, rosée matinale qui sert de nourriture pendant la longue nuit où la terre était stérile. Les Maoris de Nouvelle Zélande parlent de vents sauvages, de nuages impétueux, qui déchaînèrent des raz de marée gigantesques hauts comme le ciel, et qu'accompagnaient de furieuses chutes de grêle. L'océan s'enfuit; la progéniture de la tempête et de la grêle fut « la Brume, la Rosée-épaisse, et la Rosée-légère ». Après le cataclysme, « il n'émergea de l'océan qu'un îlot de terre. Puis la lumière se répandit peu à peu sur le monde, et les êtres qui étaient cachés entre (le ciel et la terre) avant qu'ils ne fussent séparés, se multipliaient maintenant 9». La tradition des Maoris contient en substance les mêmes éléments que les récits israélites : destruction du monde accompagnée d'ouragans, de grêle (météorites), de vagues hautes comme le ciel; submersion du continent; voile de brume longtemps étendu sur la terre; chute de rosée 77 lourde en même temps que de rosée légère, exactement comme dans le passage des Nombres (XI, 9) déjà cité. Les textes bouddhiques rapportent que lorsqu'un cycle (du monde) se termine par la destruction du monde et l'assèchement de l'océan, il n'existe plus de distinction entre le jour et la nuit, et l'ambroisie céleste sert de nourriture 10. Dans les hymnes du Rig-Veda 11, il est dit que le miel (madhu) tombe des nuages. Ces nuages provenaient de la colonne de nuée. Parmi les hymnes de l'Arthava-Veda, il en est un consacré à l'averse de miel : « Du ciel, de la terre, de l'air, de la mer du feu et du vent la pluie de miel a en vérité jailli : celle-ci revêtue d'amrite (ambroisie), toutes les créatures la vénèrent et l'acclament en leur coeur 12. » En Égypte, le « Livre des Morts » cite les « nuées divines et la grande rosée » qui mettent la terre en contact avec les cieux 13. Les Grecs appelaient ambroisie ce pain céleste. Les poètes grecs la décrivent dans les mêmes termes que la manne : elle avait le goût du miel et était parfumée. Ce pain venu du ciel a été un vrai casse-tête pour les érudits classiques. Les écrivains grecs, depuis Homère et Hésiode, n'ont cessé, pendant des siècles, de chanter l'ambroisie, nourriture du ciel qui, à l'état liquide, s'appelle nectar 14. Il tenait également lieu d'onguent 15, un onguent au parfum de lys, et de nourriture pour les chevaux d'Héra, quand elle rendait visite à Zeus en son Olympe 16. Héra (la Terre) s'en voilait quand elle quittait son frère Arès (Mars) pour courir à Zeus (Jupiter). Que pouvait-il bien être, ce pain céleste qui voilait la planèt-déesse, et servait également d'onguent ? Du miel, ont prétendu certains érudits. Mais le miel est la nourriture ordinaire des mortels, tandis que l'ambroisie était réservée à la race des héros. Alors, qu'était donc cette mystérieuse substance, qui servait de fourrage aux chevaux, de voile aux planètes, de pain céleste aux héros, de boisson quand elle devenait liquide, et d'huile parfumée pour les onguents ? C'était cette même manne qui, cuite au four, devenait du pain, et qui avait goût de miel; elle recouvrait le sol, où bêtes et hommes l'y trouvaient; elle enveloppait d'un voile la terre et les corps célestes; on l'appelait « Blé du Ciel », « Pain des puissants 17 » ; elle était parfumée, et dans le désert servait d'onguent aux femmes 18. La croyance d'Aristote et d'autres écrivains 19 que le miel tombait du ciel avec la rosée, reposait sur le souvenir du temps où le voile de carbone étendu sur la terre se précipitait sous forme de rosée et de miel. Le Kalevala qualifie ces nuées d' « ombres redoutables», et de ces ombres, dit le poème épique, tombait du miel. « Et les nuées filtraient le parfum, filtraient le miel... venus de leur demeure céleste 20. » Les Maoris dans le Pacifique, les Juifs à la frontière de l'Asie et de l'Afrique, les Hindous, les Finnois, les Islandais, tous décrivent le miel miraculeusement tombé des nuages, ces nuages redoutés où glissait « l'ombre de la Mort », et qui enveloppèrent la terre après le cataclysme cosmique. Toutes les traditions s'accordent pour déclarer qu'un corps céleste était à l'origine de cette pluie de pain céleste, que les nuages répandaient avec la rosée du matin. La Sibylle proclame que le doux pain céleste tombait des cieux étoilés 21. Le dieu-planète Ukko, ou Jupiter, était la source de ce miel tombé des cieux 22. Athéna recouvrit d'une « robe d'ambroisie» d'autres déesses-planètes, et elle dispensait le nectar et l'ambroisie aux héros 23. D'autres traditions encore attribuent la rosée de miel à un corps céleste qui enveloppe la terre de nuages. Et ainsi s'explique que l' « Ambroisie », ou la « Manne », reçut le nom de « Pain céleste». Les fleuves de lait et de miel 78 Cette rosée solide se répandit en quantités énormes. L'Agadah affirme que la quantité qui tombait chaque jour eût été suffisante pour nourrir les hommes pendant deux mille ans 1. Tous les peuples d'Orient et d'Occident constatèrent le phénomène 2. Quelques heures après l'aube, la chaleur accumulée sous le voile des nuages liquéfiait les parcelles solides, et les volatilisait 3. Le sol absorbait une partie de cette masse liquide, comme il absorbe la rosée. Cette rosée tomba également sur l'eau, et les fleuves prirent une apparence laiteuse. Les Égyptiens rapportent que, pendant un certain temps, l'eau du Nil fut mélangée de Miel 4. L'aspect des fleuves de Palestine était si étrange (dans le désert, les Israélites n'avaient rencontré aucun cours d'eau) que les hommes envoyés en reconnaissance la décrivirent à leur retour comme un pays où « coulent le miel et le lait » (Nombres, XIII, 27). « L'huile pleut des cieux, le miel coule dans les oueds», déclare un texte trouvé à Ras-Shamra (Ugarit) en Syrie 5. Dans la littérature rabbinique, il est dit que la « manne fondue forma des rivières, où se désaltéraient les daims et beaucoup d'autres animaux" 6. Les hymnes de l'Atharva-Veda affirment que la pluie de miel venait du feu et du vent. Il tombait de l'ambroisie, et des rivières de miel coulaient sur la terre. « La grande terre traira pour nous le miel précieux... nous versera le lait en riches torrents 7. » La tradition finnoise rapporte que la terre fut couverte successivement de lait noir, rouge et blanc. La première et la seconde couleur étaient celles des substances, cendres et « sang », qui constituèrent les plaies (Exode, VII et IX); la dernière est la couleur de l'ambroisie, qui se transformait en nectar sur la terre et dans l'eau. Ovide évoque aussi le souvenir d'une époque où « coulaient des fleuves de lait, et des fleuves de nectar sucré 7 ». Jéricho L'écorce terrestre trembla et se fendit à maintes reprises, alors que les couches terrestres tentaient de se stabiliser après le grand bouleversement. Des abîmes s'ouvrirent, des sources disparurent, et de nouvelles jaillirent 1. Quand les Israélites arrivèrent au Jourdain, une partie de la rive se détacha, obstruant le courant assez longtemps pour que les tribus israélites pussent le traverser. « Les eaux d'amont s'arrêtèrent en s'amoncelant à une grande distance, près d'Adam, localité située près de Sartham; et les eaux qui descendaient vers la mer de la plaine, la mer salée, en furent complètement séparées; le peuple passa vis-à-vis de Jéricho 2.» Un phénomène semblable eut lieu le 8 décembre 1267 les eaux du Jourdain furent bloquées pendant seize heures il se reproduisit après le séisme de 1927 : non loin d'Adam, un morceau d'une des rives se détacha et arrêta le courant pendant plus de vingt et une heures; à Damieh (Adam), on traversait le fleuve à pied sec 3. La chute des murs de Jéricho est un épisode fameux, mais mal interprété. Les trompettes que, pendant sept jours, firent retentir les prêtres, ne jouèrent pas un rôle naturel plus important que la baguette qui servit à Moïse, selon la légende, pour ouvrir un passage dans la mer. « Sitôt entendue la voix des trompettes », il arriva que « la muraille s'écroula 4 ». L'éclat des trompettes c'était la terre qui le produisait. Les tribus d'Israël crurent que le fracas de la terre pendant sept jours, était une réponse magique aux sons que, pendant sept jours, les prêtres tirèrent des cornes de bélier. Des fouilles ont été faites sur l'emplacement de la grande muraille de Jéricho 5 (elle avait 12 pieds d'épaisseur) ; on a découvert qu'elle avait été détruite par un tremblement de terre. L'archéologie démontre également que la muraille s'est effondrée au début de la période hyksos ou peu après la fin du Moyen-Empire 6. La terre n'avait pas encore recouvré son équilibre après le gigantesque cataclysme qu'elle venait de subir; et elle réagissait encore par des séismes 79

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